Il n'est que 9h du matin lorsque nous prenons la route de l'Istrie, et le thermomètre de la voiture indique déjà 26 °C, ce qui laisse présager des températures accablantes pour le reste de la journée... Environ 1h30 de trajet nous sépare de notre première étape, Poreč, ce qui nous laisse largement le temps de nous extasier sur la beauté des paysages de la région, quelque part entre la Toscane pour ses collines et la Suisse pour ses "châlets", et la qualité du réseau routier croate (c'est quand on trouve les routes et les ponts dignes d'éloges qu'on se dit qu'on vieillit un peu, ma bonne dame). Nous arrivons à Poreč, au bord de l'Adriatique, en même temps que les amateurs de bronzette, ce qui rend le stationnement un peu compliqué. Mais quand on n'a pas de place de parking, on a des jambes, et on a connu pire que la marche à pieds le long d'une mer bleu azur.
La principale attraction touristique de Poreč (en dehors de cette eau dans laquelle tous mes instincts me hurlent de me jeter, évidemment), c'est sa basilique euphrasienne, ainsi nommée en référence à l'évêque qui la fit construire, Euphrasius. Bâtie au milieu du 6e siècle, en pleine apogée de l'Empire romain d'Orient, la basilique est toujours fréquentée par les fidèles de nos jours pour la messe, et le palais épiscopal attenant a même abrité l'évêque local jusqu'à la fin du 20e siècle. Conséquence de bientôt quinze siècles d'utilisation et d'occupation constante, le complexe est dans un état de conservation irréprochable, et Euphrasius ne serait sans doute pas trop dépaysé s'il revenait aujourd'hui (à condition de ne pas se rendre à la plage, évidemment). L'ascension du campanile est franchement raide, mais la vue sur la ville et l'Adriatique depuis le sommet est superbe et valait bien un petit effort.
Le musée de la basilique renferme quelques statues et retables plutôt agréables à regarder, mais pour la première fois de notre vie, ce qui nous intéresse avant tout, c'est le lapidaire. D'ordinaire, les collections de cailloux, ce n'est pas exactement notre fort, mais qui dit Empire romain d'Orient dit mosaïques – et là, les cailloux prennent une toute autre dimension. C'est bien simple, il y en a partout : au sol, sur les murs, dans le musée, à l'air libre... Dans la basilique, on marche carrément sur des petits carreaux colorés qui n'ont pas été jugés dignes d'être exposés dans le lapidaire, et il faut grimper dans les étages du musée pour apprécier pleinement les mosaïques extérieures. Mais les plus impressionnantes sont celles de l'abside, puisqu'il s'agit de mosaïques... sur fond d'or, évidemment. C'est Byzance en Croatie, c'est éblouissant, et on n'ose pas vraiment imaginer le nombre d'heures de travail nécessaires pour arriver à ce résultat.
Après une visite rapide (parce qu'il est midi et que l'ombre se fait rare) de la vieille ville et de ce qui reste de ses fortifications, nous décidons de nous rendre à Pula, tout au sud de l'Istrie. L'étape n'était pas du tout prévue au programme, mais nous avons un peu d'avance sur notre planning, ce qui nous permet de continuer le thème "Empire romain" dans ce qui fut l'une des plus importantes colonies romaines à compter du 1er siècle. Le coin ressemble à l'Italie, on y produit du vin et de l'huile d'olive... Les Romains s'y sont vite sentis chez eux, et pour y être tout à fait à leur aise, ils y ont évidemment fait construire des arènes. Que voulez-vous, les vacances sans combats de gladiateurs, ce ne sont pas vraiment des vacances. Nous ne sommes pas exactement aux dimensions du Colisée, mais les arènes de Pula sont bien conservées et se découpent joliment sur le bleu de l'Adriatique (ou de ses chantiers navals, en tous cas...), ce qui n'est pas le plus courant. Le jeu consiste à voir le plus de choses possibles en rasant les murs pour éviter l'insolation, et même comme ça, le site réussit à être particulièrement photogénique.
Encore plus près de la mer, dans le prolongement de ce qui ressemble toujours à un forum romain, architecture moderne en plus, on trouve le temple d'Auguste et ses six colonnes corinthiennes. En période de Covid, s'entasser dans un intérieur minuscule n'est pas la meilleure idée qui soit, et nous préférons profiter du site en extérieur... mais pas trop longtemps, car encore une fois, la chaleur nous pousse rapidement à regagner la voiture et la climatisation. Notre hôtel nous attend à mi-chemin entre Pula et Poreč, et nous allons nous rafraîchir et nous reposer un peu avant le dîner dans le petit village médiéval de Bale. Avec ses grosses tours carrées, ses lions de Saint-Marc qui trahissent le passage des Vénitiens dans le coin, ses ruelles fleuries et ses chats flemmasses et peu farouches, l'endroit est chou comme tout, et la visite à la fraîche ne gâche rien. La journée se termine par un dîner sous une tonnelle, avec des températures enfin vivables. Que demande le peuple ?
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