lundi 6 mai 2019

Rome, jour 8 - Campo dei Fiori et l'Esquilin

Dernier jour plein pour notre séjour à Rome, et pour l'occasion, le temps est au beau fixe ! Enfin remis de nos déboires allergiques d'hier, nous découvrons ce matin le quartier du Campo dei Fiori, en commençant par la chiesa del Gesù, alias le Q.G des Jésuites de Rome. Dehors, la façade se veut "sobre" et "humble", ce qui se traduit par des lignes droites et peu d'ornements, mais "sobriété et humilité" ne veulent manifestement pas dire "petitesse et modération", car le bâtiment est franchement monumental. Et à l'intérieur, c'est pire : les colonnes de la chapelle St Ignace de Loyola sont en lapis-lazuli et le plafond est une merveille de trompe-l'oeil. Ça dégouline d'or, de sculptures et de fresques du sol au plafond et le moindre centimètre carré du lieu proclame le triomphe du baroque. On n'a décidément pas la même définition de "sobriété" que les Jésuites !


Petit détour ensuite par la place qui a donné son nom au quartier, le Campo dei Fiori, une des rares de Rome à ne posséder aucune église. A cette heure-ci, il s'y tient un marché alimentaire, ce qui est parfait pour acheter quelques souvenirs qui se mangent (les meilleurs, selon nous). A un jet de pierre de là se trouve le palais Spada, actuel siège du conseil d'Etat italien, mais qui abrite également la galleria Spada, largement plus intéressante que la politique pour les touristes que nous sommes. Bon, niveau collec, on n'est pas chez les Pamphilj ou les Borghese, mais il y a là quelques belles œuvres bien agréables à regarder (dont deux Artemisia Gentileschi), dans quatre salles qui ont conservé leurs dorures et leurs plafonds magistraux. Mais il y a aussi et surtout la perspective de Borromini, une galerie de colonnes qui nous saute aux yeux en arrivant et semble au premier abord être incroyablement longue. Après 10 secondes d'observation, on se demande si on n'aurait pas affaire à un trompe-l'oeil peint. La vérité se situe quelque part entre les deux : il s'agit bien d'authentiques colonnes sculptées, mais en mode perspective forcée. La galerie fait donc à peine 10 mètres de long, et la statue au bout ne mesure que 90 cm. On ne veut pas voir la tête des calculs mathématiques que Borromini a dû effectuer pour en arriver là ! La cour de la galerie abrite également un énorme chat pas farouche pour deux sous qui nous rappelle que nous sommes vraiment en manque de félins...


Ayant déjà visité lundi dernier le gros morceau du Campo dei Fiori, le palais Farnese, nous traversons le Tibre pour rejoindre le Trastevere et découvrir sa "petite sœur", la villa Farnesina. Pas question de galerie de tableaux ici : les murs de la villa eux-mêmes sont une œuvre d'art et on regrette de ne pas avoir d'appareil photo panoramique pour immortaliser ces plafonds sublimes. Le gros morceau de la visite, c'est Le Triomphe de Galatée, une fresque entièrement peinte de la main de Raphaël. La salle étant en rénovation, nous avons un moment redouté que la pauvre Galatée soit planquée par des échafaudages, mais coup de chance, elle a déjà eu droit à son lifting et est donc bien visible. Ça n'a pas la réputation ou les dimensions de L'Ecole d'Athènes, mais ça se déguste quand même. Pas mal non plus, les trompe-l'oeil de la salle des Perspectives, ou les fresques de la salle des Noces d'Alexandre le Grand et de Roxane. Là où Michel-Ange nous colle des femmes hommasses partout, le Sodoma, lui, préfère les jeunes hommes efféminés. Il n'y avait vraiment que Raphaël pour être hétéro, à l'époque !


Retour en bus vers la gare de Termini, où nous profitons de l'étape pour acheter nos billets de train pour l'aéroport, pause déjeuner, puis nous voici repartis à la découverte de "notre" quartier (celui de notre hôtel), l'Esquilin. Nous étions passés devant la basilique Sainte-Marie-Majeure le jour de notre arrivée, mais sans nous y arrêter ; il est donc plus que temps de réparer ça ! C'est la troisième basilique papale de la semaine après Saint-Jean-de-Latran et Saint-Pierre, ce que la hauteur sous plafond et l'immense baldaquin ne risquent pas de faire oublier. Ici aussi, les orgues laissent à désirer, ce qui fait un peu tâche dans le décor : quand on a les moyens de décorer le plafond à base d'or ramené d'Amérique deux ans après la découverte du continent, on devrait pouvoir s'offrir de grandes orgues dignes de ce nom ! Saint-Jean-de-Latran a bien mieux fait les choses de ce côté. Pour compenser, il est possible de visiter la loggia, avec ses sculptures et ses superbes mosaïques, ainsi que la "galerie des papes" et un escalier en spirale conçu par le Bernin (qui est d'ailleurs enterré dans l'église). Mais zut quand même, quoi...


Dernière église de la journée, et donc du séjour, la basilique de Sainte-Praxède (la pauvre), à deux rues de là. Beaucoup plus petite que sa voisine papale, cette basilique-là l'emporte haut la main niveau mosaïques. Celles de l'abside et de la chapelle Saint-Zénon sont byzantines, datent du 9è siècle et sont tout simplement sublimes. Les couleurs sont tellement éclatantes qu'on dirait qu'elles ont été réalisées hier. La chapelle en question était à l'origine un oratoire dédié à la maman du pape Pascal Ier (encore une découverte : oui, il y a eu des papes appelés Pascal au milieu de tous ces Pie, ces Léon et ces Clément), qu'on ne remercie pas d'avoir mis la barre si haut en termes de cadeaux de fête des mères !



Conclusion
Il y a des villes que l'on part visiter en sachant pertinemment qu'on ne sera pas déçu, et Rome trône sans aucun doute au sommet de la liste. Même si notre hôtesse a paru surprise que nous passions neuf nuits ici, cela nous semblait un minimum pour passer en revue la plupart des grands centres d'intérêt de la ville, et ne pas rentrer en ayant l'impression d'avoir bâclé notre séjour. La contrepartie, c'est que nos journées n'ont jamais été aussi remplies et que nous sommes sur les rotules... Mais contrairement à la Grèce, où nous avions fini par frôler l'overdose d'antiquités, Rome offre suffisamment de visites variées pour ne pas se lasser, même au bout d'une semaine. Nous sommes donc absolument ravis de notre séjour... et tout aussi ravis d'avoir attendu si longtemps avant de nous rendre dans la Ville Éternelle, car tout (hôtel, nourriture, visites...) y est extrêmement cher, et nous n'aurions jamais pu en profiter autant il y a quelques années. La vieillerie aurait presque du bon !

dimanche 5 mai 2019

Rome, jour 7 - L'Aventin et le Trastevere

Parce que c'est dimanche et que nous sommes au bout de notre endurance, nous enregistrons encore un départ tardif (et en bus) pour le quartier de l'Aventin et arrivons sur les lieux de notre première visite sur le coup de 10h. L'impressionnante averse qui a duré le temps de notre petit-déjeuner annonce la couleur question météo : nous n'allons pas rester au sec longtemps, ce qui est un peu dommage car nous avons essentiellement prévu des visites en extérieur...

Nous commençons donc la journée par les thermes de Caracalla, l'un des plus grands complexes thermaux de l'Antiquité, qui s'étalent sur 13 hectares. De nombreux murs sont encore debout et délimitent un périmètre effectivement impressionnant, mais il ne reste plus grand chose des bains eux-mêmes, à l'exception de quelques mosaïques et de la vague forme des bassins et de la grande piscine quasi-olympique. Le site propose très intelligemment un casque de réalité augmentée pour se faire une idée de ce à quoi ressemblaient les lieux à l'époque de leur construction, au 3è siècle de notre ère, mais nous avons opté pour la visite de base, sans aide technologique, et il est un peu difficile de faire jouer l'imagination quand il reste si peu d'éléments d'origine. D'autant que nous sommes distraits par une véritable pluie de pollen, qui provoque éternuements et quintes de toux chez à peu près tout le monde et nous harcèlera toute la journée.


Après un peu de marche au milieu des églises qui se vident de leurs fidèles et sous un ciel qui hésite toutes les 8 secondes entre simple gris et gouttes de pluie, deuxième arrêt au parc des Orangers, qui offre une jolie vue sur la basilique Saint-Pierre et le MONUMENT. Nous prenons quelques photos sans nous attarder, car il ne fait franchement pas chaud et nous préférons de toute façon éviter les concentrations excessives d'arbres. Même sans être allergique, ces pollens sont vraiment violents !


De l'Aventin, nous franchissons le Tibre pour rejoindre le Trastevere et passons une bonne dizaine de minutes à chercher notre visite suivante. Il faut dire que quand le Routard et le site en question n'arrivent pas à se mettre d'accord sur le nom de l'endroit, les touristes que nous sommes ont un peu de mal à s'y retrouver. Perdus au plein centre de Rome, les jardins de l'ancienne villa d'Olimpia Maidalchini Pamphilj doivent être très agréables à découvrir par grand soleil, mais font un peu grise mine aujourd'hui. On se contentera donc du petit tour qui passe par un vieil hôpital (encore en service jusque dans les années 60, d'après les registres exposés là) et par Santa Maria in Cappella, peut-être la plus petite église de Rome, datant du 11è siècle. Pas grand-chose d'autre à voir, mais encore une fois, la principale attraction du lieu, le jardin et ses orangers, perd de son intérêt quand il fait un temps de novembre.


Pause déjeuner (nous ne pourrons sans doute plus jamais manger de gnocchi en rentrant à la maison tant ceux de ce midi étaient bons...), puis nous faisons un crochet par la basilique de Santa Maria in Trastevere. Parce qu'il faut bien trouver le moyen de se distinguer dans une ville qui compte autant d'églises au mètre carré, celle-ci est flanquée d'un campanile en brique et d'une jolie mosaïque à l'extérieur. D'ailleurs, la mosaïque, c'est aussi le thème de l'intérieur, puisque le dôme en est recouvert. Dommage que la basilique soit si sombre, on a un peu de mal à en profiter pleinement (et à faire des photos décentes). La hauteur sous plafond n'égale pas celle de Saint-Pierre, mais l'effort est carrément louable, et le retour du Saint Mouton fait plaisir à Benjamin. Et au moins, ici, il y a des orgues. Non mais...


C'est dimanche, il fait froid, il pleut, la végétation nous agresse et de toute façon, nous avons fini le programme de la journée, alors nous rentrons à l'hôtel en début d'après-midi pour se débarrasser de tous ces pollens et faire une sieste. Si la nature ne nous aide pas à boucler notre séjour dans les meilleures conditions, où va-t-on ?!

samedi 4 mai 2019

Rome, jour 6 - Le Quirinal

Pour nous remettre de nos émotions d'hier, ce samedi a été planifié pour être beaucoup plus reposant. Ce matin, nous attaquons (sous la pluie) notre visite du quartier du Quirinal assez tard, puisque nous nous présentons au palazzo Colonna à 10h pour la visite en français de 10h30. Le palais étant toujours habité par la famille Colonna, il n'est ouvert au public qu'une demi-journée par semaine, et nous ne voulons pas risquer d'être refoulés. Nous n'aurions pas dû nous inquiéter : les Colonna, dont l'aîné est toujours Prince Assistant au Saint-Siège au jour d'aujourd'hui, ont mis les petits plats dans les grands et les guides sont archi-nombreux. C'est donc parti pour deux heures de visite dans un palais qui abrite l'une des plus grandes collections d'art de Rome.


La famille est célèbre pour l'amiral Marcantonio Colonna, commandant en chef de la Sainte Ligue pendant la bataille de Lépante, et on ne vous laissera pas l'oublier : une grande partie de la décoration de la grande galerie, des scènes peintes au plafond aux pieds des consoles qui prennent les traits des Turcs vaincus, est là pour rappeler que ce Marc-Antoine-ci a été l'architecte de la victoire d'une des plus grandes batailles navales de l'Histoire, excusez du peu. Autres Colonna connus, les papes Jean XII, Benoît IX et Martin V, ce dernier ayant tout de même mis fin au schisme d'Occident et ramené la papauté d'Avignon à Rome. Une certaine Marie Mancini, mariée de force à un Colonna par son oncle de le cardinal Mazarin, est également passée par là, avant de fuir Rome déguisée en homme au bout de 11 ans de mariage. On ne fait pas les choses à moitié, dans cette famille... L'avantage d'avoir un arbre généalogique vieux de 900 ans, un palais qui en a 700 et plusieurs célébrités historiques dans la famille, c'est que la collection d'art est impressionnante. La grande galerie 100 % baroque renferme de petits trésors, comme des miroirs peints ou un cabinet en ivoire en ébène qui reproduit fidèlement Le Jugement dernier de la chapelle Sixtine. Les artistes ayant signé les tableaux qui s'étalent du sol au plafond sont moins célèbres que ceux de la galerie Pamphilj, mais c'est vraiment pour chipoter...


La visite se poursuit avec les appartements de la princesse Isabelle Colonna, la nonna des propriétaires actuels, qui avait sacrément bon goût en matière de décoration intérieure et a fait refaire tous les sols en marbre pendant l'entre-deux-guerres. C'est l'occasion de découvrir les très nombreux paysages italiens de Van Wittel, que nous ne connaissions pas du tout avant aujourd'hui, mais qui en remontre largement à Canaletto en termes de panoramas. Tout est d'un goût exquis et cette visite passionnante, associée à la disponibilité et à la gentillesse des guides, fait oublier le prix prohibitif du billet d'entrée.

Les appartements de la princesse Isabelle

Toujours sous la pluie, nous prenons le chemin de ce qui est sans doute la fontaine la plus célèbre de Rome : celle de Trevi. Le temps moins qu'idéal n'empêche pas les touristes de céder à la tradition en jetant une pièce dans la fontaine en lui tournant le dos. Benjamin, maître du chaos, préfère quant à lui jeter sa pièce de face, presque en mode ricochet. Ce n'est pas en adaptant les coutumes de cette façon qu'on reviendra dans la Ville Éternelle ! Le nombre de touristes et de parapluies rend les photos assez compliquées, mais la fontaine reste particulièrement jolie en dépit du temps tout gris. Au moins, avec cette pluie, personne n'a l'idée de sauter dans la fontaine pour jouer à Anita Ekberg !


Après le déjeuner, direction l'autre palais de la journée, le palazzo Barberini, qui l'emporte haut la main sur le palazzo Colonna niveau façades, mais pas en termes d'intérieurs. La collection comporte certes plus de grands noms, mais ce palais-ci ne "vit" plus depuis longtemps et ça se sent : les salles sont immenses, ce qui est très pratique pour accrocher des tableaux monumentaux aux murs, mais il n'y a plus le moindre meuble et la visite est très froide et impersonnelle malgré l'enchaînement de chefs-d’œuvre. A l'exception de l'immense plafond à la gloire des Barberini, la décoration intérieure a disparu et la muséographie a la convivialité d'un hôpital. Heureusement qu'il y a du Lippi, du Raphaël, du Caravage bien violent, un célébrissime portrait de Henri VIII par Holbein et quelques chat  pas farouches pour compenser ! (Au bout d'une semaine, nous accusons un sérieux manque de félins...)

Henri VIII par Holbein

Pour finir la journée, petit tour par le couvent des Capucins, un ordre religieux fondé au 16è siècle et ainsi nommé en raison de la capuche pointue que porte les frères. Le petit musée présentant quelques toiles, des reliquaires, des cilices (mais quelle idée...), un habit religieux et la biographie de quelques frères célèbres n'est pas sans intérêt, mais on vient surtout pour la crypte, qui abrite les squelettes de 4 000 moines transférés là par le cardinal Barberini pour vider un cimetière situé près de la fontaine de Trevi. Plutôt que d'empiler les os façon catacombes de Paris, les Capucins ont préféré en faire des œuvres d'art, des lustres et des "moulures" particulièrement macabres. Dans chaque chapelle, plusieurs squelettes (ou momies, c'est selon l'état de décomposition) portent l'habit et rappellent de façon très peu subtile que de toute façon, on est foutu et on finira tous dans le même état. C'est à la fois horrifiant et fascinant, ce que l'expression hallucinée des deux petits garçons qui font la visite juste derrière nous confirme parfaitement. Les photos sont malheureusement interdites, mais ce lien donne une idée de ce que nous avons pu découvrir dans ces catacombes d'un nouveau genre...

Il est 16h30, fin de la journée. Sans rire, notre endurance n'est plus ce qu'elle était...

vendredi 3 mai 2019

Rome, jour 5 - Le Vatican

Encore une très grosse journée en perspective aujourd'hui, avec la découverte de ce qui n'est QUE le deuxième plus petit état souverain existant au cœur de Rome : le Vatican (le titre de plus petit état revient au bâtiment qui abrite l'ordre de Malte, si si). N'ayant rendez-vous pour la visite des musées du Vatican qu'à 13h, nous prenons un peu plus notre temps qu'à l'accoutumée ce matin et rejoignons le château Saint-Ange sur le coup de 10h. Même si l'édifice se trouve officiellement dans le quartier du Borgo, et non au Vatican, on va dire que ça compte, car c'était une résidence papale il y a encore peu de temps. Après avoir traversé le Tibre via le pont Saint-Ange, bordé de 10 statues d'ange sorties de l'atelier du Bernin (encore lui, décidément), nous accédons sans trop faire la queue à la forteresse elle-même.


A Rome, la devise pourrait être : "Rien ne se perd, tout se transforme". Avant de devenir le point de repli des papes en cas d'attaque de siège (assez curieusement, c'est déjà arrivé), le site accueillait le mausolée de l'empereur Hadrien. Comme c'était plutôt bien situé, la papauté a fini par y faire installer un pied-à-terre déguisé en forteresse imprenable. Dehors, pont-levis, douves et double enceinte de plusieurs mètres d'épaisseur ; dedans, déco luxueuse, plafonds de rêve et appartements papaux tout confort. La visite oscille entre château fort et palais royal, ce qui oblige à un grand écart mental permanent. Les amateurs d'armes anciennes que nous sommes sont ravis par le petit musée militaire, qui abrite de très jolies pétoires et poires à poudre ouvragées. Au sommet du castello, c'est une très belle vue sur Rome et la coupole de la basilique Saint-Pierre qui s'offre aux photos, et on en profite pour faire une petite pause le temps d'apprécier cette chanson en situation. Après tout, c'est uniquement grâce au passage reliant le Vatican au château Saint-Ange que Clément VII a réussi à échapper aux troupes de Charles Quint en 1527...

Vue sur le Tibre et la basilique Saint-Pierre

Le forteresse derrière nous, il est temps de changer de pays sans avoir besoin de montrer son passeport. La foule qui se presse place Saint-Pierre est impressionnante (sans parler de la file d'attente pour accéder à la basilique), ce qui nous fait dire que mon idée originelle consistant à visiter Rome pendant la semaine de Pâques était d'une stupidité sans nom et qu'il vaut mieux qu'elle ne se soit jamais réalisée. Après avoir looooonguement attendu au guichet pour récupérer nos billets pour la visite guidée des musées du Vatican, car nous avons eu la malchance d'arriver 4 secondes après des touristes armés d'un billet de 500€ sur lequel il est quasi-impossible de faire de la monnaie, nous avalons notre déjeuner sur les marches de la place et prenons le temps de faire quelques photos. Parce qu'entre les colonnes, l'obélisque et la coupole, il faut dire que c'est un peu joli, quand même. Et mythique. Et sacrément historique. Un peu comme la tour de Pise mais en plus droit, quoi.


Nous n'étions pas très sûrs d'adhérer à la visite guidée d'un musée, mais comme nous n'avons pas trouvé d'autre moyen d'échapper à l'interminable file d'attente (2 heures pour les musées du Vatican, autant pour la basilique Saint-Pierre), nous avons opté pour cette option malgré tout. Après avoir été un peu ballottés d'un groupe à l'autre (les tour operators s'échangent les touristes quand leurs visites sont trop demandées), nous finissions par retrouver notre guide francophone pour un petit topo sur la place. Dès le début, un problème se pose : le français de la guide est parfaitement suffisant pour survivre le temps d'un week-end à Paris, mais pas pour assurer deux heures de visite à des natifs. Devoir tendre l'oreille et faire un effort conscient pour comprendre sa langue maternelle, ce n'est pas l'idéal. La queue que nous n'avons pas faite à l'extérieur pour accéder aux musées du Vatican, nous la faisons à l'intérieur pour récupérer un de ces systèmes audio destinés aux visites en groupe, mais cela reste franchement moins long et Benjamin retrouve même dans notre groupe un ancien collègue de travail perdu de vue depuis dix ans. On se demande encore quelles sont les probabilités !


La visite proprement dite commence enfin, et il ne nous faut pas longtemps pour nous dire que ça ne va vraiment pas être possible. Nous seulement il nous faut encore rester debout en plein soleil, mais la guide répète ce qu'elle nous a déjà raconté place Saint-Pierre, le système audio fonctionne de façon aléatoire et son accent rend les explications difficiles à suivre. Ni une ni deux, nous décidons au bout de cinq minutes de quitter le groupe et de visiter le musée comme nous avons l'habitude de le faire, tout seuls, comme des grands, avec l'appui de notre fidèle Routard. Après tout, maintenant que nous avons allègrement coupé la file, plus rien ne nous retient !

A partir de là, les choses vont beaucoup plus vite et nous pouvons passer du temps devant les œuvres qui nous intéressent vraiment. Car les musées du Vatican sont immenses, et même en zappant le musée étrusque et le musée égyptien (on connaît, merci), il reste une foule de choses à voir. La pinacothèque et la galerie de sculptures antiques sont presque "standard" (non, nous ne sommes pas blasés, nous sommes juste passés par la Villa Borghèse et la galleria Pamphilj avant !), mais le reste vaut vraiment le détour. Il y a cette adorable galerie de sculptures d'animaux, l'original du Torse du Belvédère qui a inspiré tous les artistes baroques italiens, la galerie des cartes qui impressionne autant par son plafond que par lesdites cartes sur les murs, et puis, ô merveille, les appartements du pape Jules II peints par Raphaël. La plupart des "chambres" ont déjà été restaurées et on peut donc profiter pleinement de ce chef-d’œuvre qu'est L'Ecole d'Athènes. Le voir en vrai, ça fait carrément quelque chose...


Après les appartements de Borgia, qui abritent aujourd'hui une expo d'art contemporain (faut-il qu'on lui en veuille, à ce pauvre Alexandre VI), on accède enfin au Graal, ce pour quoi 35 000 visiteurs par jour font le déplacement aux musées du Vatican : la chapelle Sixtine. Si voir L'Ecole d'Athènes était émouvant, voir La Création d'Adam en direct live, c'est carrément trop, et je finis avec les larmes aux yeux chaque fois que je lève la tête. C'est tellement beau qu'on arriverait presque à oublier que nous sommes serrés tels des sardines dans leur boîte et que le silence réclamé par les guides ne se fera jamais. Pour éviter une grosse, grosse crise de syndrome de Stendhal, mieux vaut se concentrer sur Le Jugement dernier. C'est à peu près aussi sublime et aussi "je n'arrive pas à croire que je suis là", mais au moins, ça ne fait pas pleurer... Nous avons sagement respecté l'injonction de ne pas faire de photos (nous devons d'ailleurs être les seuls), mais ce n'est pas comme si personne ne connaissait la déco de la chapelle Sixtine. Cela dit, on a beau l'avoir vue reproduite mille fois, ce n'est rien par rapport à l'expérience réelle...

L'avantage d'attaquer la visite du Vatican par les musées, c'est que ces derniers permettent un accès direct à la basilique Saint-Pierre. Une fois la chapelle Sixtine derrière nous, nous n'avons donc que quelques couloirs à parcourir avant de passer la grande porte centrale. Comment dire... Nous sommes dans la plus grande église du monde, et ça ne risque pas de nous échapper. Tout y est complètement démesuré et nous passons la visite à égrener les synonymes de "grand" : le baldaquin de l'autel est immense, les statues colossales, la voûte étourdissante. Les bas-côtés sont plus larges que la nef de n'importe quelle église que nous ayons déjà visitée et les grottes vaticanes, avec leurs tombeaux de Saint-Pierre et d'un bon paquet de papes, constituent une véritable église sous l'église. Et puisque nous sommes dans notre journée "chefs-d’œuvre de Michel-Ange en vrai", c'est là qu'on trouve l'original de la Pietà... Seule déception, et non des moindres : les orgues. Elles sont où, les orgues ?! Nous en avons trouvé de riquiquites et même pas jolies dans une chapelle latérale fermée, mais dans la plus grande église du monde, j'espérais trouver les plus belles orgues du monde ! C'est raté et c'est contrariant !


Pour être parfaitement complets, nous décidons de monter à la coupole. A cette heure-ci, seule l'option "ascenseur" est encore disponible, ce qui n'est finalement pas plus mal, car même ainsi, il reste 320 marches pour arriver au sommet... Après avoir fait le tour de la coupole intérieure et constaté que la déco ne se compose pas de peintures mais de mosaïques (180 couleurs de marbre, quand même), nous devons nous glisser dans des couloirs très étroits et désagréablement inclinés vers l'intérieur pour rejoindre le plus haut point de la basilique. Vues époustouflantes sur Rome et la place Saint-Pierre garanties ! Au moins, nous pourrons nous vanter d'avoir exploré cette basilique du sol au plafond !


Il est 18h et il est plus que temps de redescendre sur terre : nous sommes debout pratiquement non-stop depuis 13h et ce n'est plus la fatigue qui nous guette, mais l'épuisement. En quittant la basilique, nous croisons les Gardes Suisses qui manquaient encore à cette journée au Vatican ; mission accomplie, nous avons réussi à cocher toutes les petites cases d'une visite réussie dans le plus petit Etat du monde ! Ceci étant, vu notre état, il va falloir nous faire à l'idée que ce genre de journée (voire ce genre de semaine/séjour) devient sans doute un peu excessif. C'est pas beau, de vieillir...

jeudi 2 mai 2019

Rome, jour 4 - Piazza di Spagna et la Villa Borghese

Contrairement à la journée d'hier, où nous étions à peu près libres d'effectuer les visites au programme comme bon nous semblait, notre planning d'aujourd'hui est organisé à la minute près. Bon nombre de visites à Rome se font désormais sur réservation plusieurs semaines à l'avance, ce qui permet certes d'éviter les files d'attente, mais implique aussi une organisation au quart de millimètre.

Ce matin, nous prenons donc le métro (histoire de faire tous les transports en commun de Rome) jusqu'à la Piazza del Popolo et son obélisque vieux de Ramsès II (13è siècle avant notre ère), qui fait se sentir encore plus petit et insignifiant que tous les vestiges romains des 1er ou 2è siècle avant J.-C. que nous avons pu voir jusqu'à présent. Les deux églises qui se trouvent derrière ont pour elle l'avantage de la symétrie qui rend bien sur les photos, mais l'église la plus intéressante de la place reste Santa Maria del Popolo, dont la façade  et l'autel sont actuellement en rénovation mais qui renferme tout de même des orgues superbes, des stèles funéraires flippantes, deux Caravage, un peu de Raphaël et deux statues du Bernin. Bon, ces deux derniers artistes sont malheureusement cantonnés à une petite chapelle sans éclairage, mais pour une église de taille franchement modeste, ça fait une belle quantité de génie au mètre carré. Au cas où on en doutait encore, c'est l'occasion de se rendre compte que le Caravage pourrait en remontrer à huit saisons de Game of Thrones en termes de violence. Pas impossible qu'on l'aime précisément pour ça.


Les yeux rivés sur la montre, nous quittons église et place del Popolo pour rejoindre la Villa Borghèse via les jardins qui lui appartenaient autrefois. En fait de "jardins", il s'agit plutôt d'un très grand parc où se promènent touristes, familles et gens à chiens. Il y a des statues à toutes les intersections, un jardin zoologique et même une copie du théâtre du Globe (celui de Shakespeare, donc), mais même si cet intermède vert nous permet de respirer un peu plus librement qu'en d'autres endroits de la ville, les grands amateurs de parcs à l'anglaise que nous sommes auraient aimé profiter de plus de fleurs. Cela dit, les jardins étant moins remarquables que nous le pensions, nous n'avons finalement pas besoin de courir pour être à l'heure à la Villa Borghèse, où nous avons rendez-vous à 11h.

"L'agrumeraie" de la Villa Borghèse

Pas la peine d'espérer visiter la Villa Borghèse si on n'a pas réservé il y a des semaines : les visites sont archi-complètes jusqu'au 21 mai et les touristes qui n'ont pas prévu le coup sont nombreux à se faire éconduire aux caisses. Et on ne rigole pas avec les horaires : la réservation est conservée pendant 5 minutes, la visite de la pinacothèque est limitée à 30 minutes, et l'ensemble du "séjour" dans la villa, à deux heures. Autant dire que Benjamin a bien étudié notre Routard avant pour savoir sur quelles œuvres se concentrer et quelles salles nous faire visiter en priorité ! Au 17è siècle, la villa fut la résidence et le musée personnel du cardinal Scipion Borghèse (que ses parents devaient détester pour lui filer un nom pareil), amoureux des arts et mécène du Bernin, du Caravage, du Dominiquin et consorts. Autant dire que c'est plutôt gentil, chez lui, et que la quantité d’œuvres d'art par salle fait un peu tourner la tête.

Le rapt de Proserpine, le Bernin

Benjamin et son GPS intégré nous font faire le tour de la pinacothèque en une demi-heure montre en main, mais nous aurions sans doute pu y passer un peu plus longtemps, car personne ne vient nous chasser à coups de bâton. Qu'à cela nous tienne, nous avons eu le temps de nous ébaubir devant les Raphaël, les Rubens et les Dominiquin que compte la collection, et cela nous laisse des minutes en plus à consacrer à nos coups de cœur absolus de la visite : les œuvres du Bernin. Je reviens sur ce que j'ai affirmé hier concernant notre préférence pour la peinture : la sculpture, nous sommes très fans... à condition que ce soit signé du Bernin. Il faut dire que le bonhomme a plus de talent que tous les sculpteurs de l'époque réunis (oui oui, même Michel-Ange est loin derrière) et que la collection Borghèse renferme certaines de ses plus belles œuvres. Le rapt de Proserpine, que Benjamin avait de le collimateur avant même d'arriver à Rome, représente tout simplement la perfection, et nous passons un temps fou à l'observer sous toutes les coutures pour ne pas en perdre une miette. Apollon et Daphné suit de très près sur l'échelle du sublime, et La fuite d'Enée de Troie complète le podium.


Côté peintures, la moisson n'est pas mauvaise non plus : une salle qui abrite six Caravage (même si deux sont absents pour cause de prêt ou de restauration), ce n'est pas donné à tous les musées. Et en parlant de salles, les différentes pièces du palais constituent à elles seules de véritables œuvres d'art : les trompe-l'oeil de la salle du Caravage sont sidérants et la déco de la salle égyptienne, avec ses ibis et ses faux cartouches, fait très authentique. La visite se termine par les "vrais" jardins de la Villa Borghèse, certes petits mais beaucoup plus conforme à l'idée que nous nous faisons de jardins à l'italienne. Au final, malgré le temps passé à observer Proserpine et Apollon et Daphné sous tous les angles et un nombre indécent de photos, nous quittons le musée au bout de seulement 1h30. Trop facile.

Etant donnée la densité de notre programme de l'après-midi, cette demi-heure gagnée c'est pas du luxe et nous permet de déjeuner rapidement dans le parc de la Villa Borghèse avant de rejoindre la Villa Médicis, alias l'Académie de France à Rome. Manque de chance, les horaires de visite en français annoncées il y a quelques semaines, lorsque nous avons établi le programme, ont été modifiées, et la suivante n'a pas lieu à 14h, comme prévu, mais à 15h. Heureusement que l'église de la Trinité-des-Monts et la Piazza di Spagna ne sont qu'à quelques mètres de là !

L'église de la Trinité-des-Monts depuis la Piazza di Spagna

Outre le fait d'appartenir à la France depuis sa construction (il y a un thème, dans cette rue !), l'église de la Trinité-des-Monts n'a rien de particulièrement exceptionnel... si ce n'est son célébrissime double escalier qui mène jusqu'à la Piazza di Spagna en contrebas. Par ce temps superbe, nous ne sommes pas les seuls à avoir eu l'idée de faire un saut dans le coin et la place comme les escaliers sont noirs de monde. Difficile de profiter tranquillement de la petite fontaine en forme de bateau qui coule et de la jolie symétrie de la vue... Pour passer le temps en attendant l'heure de retourner à la Villa Médicis, nous nous posons sur les marches avec les glaces les plus chères de la création. Elles ont beau être bonnes, quand un groupe de collégiennes françaises vient nous demander où nous les avons trouvées, nous leur conseillons gentiment d'aller se fournir ailleurs !

La Villa Médicis côté jardins

Retour à la Villa Médicis pour la visite guidée de 15h, et s'il n'y a pas une foultitude de choses à voir, la visite est riche en anecdotes et en révélations étymologiques (vous aviez réalisé que les mois de "juillet" et "août" avaient été ajoutés pour les beaux yeux de Jules César et de l'empereur Auguste, vous ? Ben nous non plus). Depuis 1803, l'Académie de France, propriété de la France, accueille des artistes à résidence, et quand on voit le cadre dont ils bénéficient, on regrette de ne pas avoir le moindre projet artistique à proposer au Ministère de la Culture : les jardins sont immenses et parsemés d’œuvres de Balthus, le studio de peinture au milieu du parc est délicieusement décoré en volière et la vue sur Rome depuis le belvédère est superbe. On peut certes louer une chambre sur place pour ses vacances en s'y prenant largement à l'avance, mais les artistes, eux, ont droit de rester là un an. Il paraît que la cuisine est considérée comme un art à la Villa Médicis, il n'est peut-être pas trop tard pour que j'essaie de m'y mettre...

La volière du studiolo

Pour terminer cette journée décidément très organisée, nous avons rendez-vous à 17h au couvent de la Trinité-des-Monts, bâti par les rois de France pour la congrégation des Minimes, active jusqu'à ce que la Révolution passe par là. Nous n'avions jamais entendu parler de Saint François de Paule, le fondateur de l'ordre, avant aujourd'hui, et pourtant, le bonhomme a passé les 25 dernières années de sa vie en France, où il est d'ailleurs enterré. Le couvent abrite aujourd'hui une école italienne où l'on apprend le français dès les petites classes. C'est aussi un lieu qui abrite une quantité assez incroyable d’œuvres exceptionnelles, dont un bottin complet des rois de France, du 5è siècle à Charles X,un réfectoire couvert du sol au plafond de trompe-l'oeil représentant les noces de Cana et un astrolabe du 17è siècle à laquelle la moins scientifique de nous deux n'a toujours rien compris. Le responsable de cette horloge universelle incompréhensible pour le profane, un professeur de philo et de théologie qui aimait bien les maths, a également signé deux anamorphoses à peu près aussi confusionnantes sur les murs du couvent. Quant à la Mater admirabilis (la Vierge, quoi) peinte par une petite novice qui avait "quelques notions" de peinture a tempera, elle est de toute beauté et attire encore aujourd'hui des pèlerins du monde entier.


La messe en français à l'église de la Trinité-des-Monts est incluse à la fin de la visite, mais nous préférons décliner au profit d'une pause bien méritée. Même si nous n'avons pas l'impression d'en avoir fait tant que ça dans la journée, l'enchaînement de visites guidées a eu raison de nos gambettes. Pour compenser l'échec majeur d'hier soir, nous nous offrons un aperitivo et un dîner "à l'anglaise" (traduire "avant 19h") dans une œnothèque à proximité de la Piazza di Spagna. Qui a dit qu'il n'y avait que la culture, à Rome ?!

mercredi 1 mai 2019

Rome, jour 3 - Piazza Navona et le Panthéon

Oasis de calme dans une semaine particulièrement chargée, ce 1er mai va nous permettre de reprendre notre souffle après deux jours déjà bien chargés et avant deux autres qui s'annoncent encore plus intenses... Jour férié oblige, il a fallu concevoir le programme de façon à caser là les rares sites de Rome qui ne sont pas concernés par la Fête du Travail. Coup de bol, c'est le cas d'à peu près tous les hauts lieux du quartier Piazza Navona/Panthéon !

Histoire de commencer la journée sans fatigue inutile, nous sautons dans un bus qui nous dépose près de l'église Saint-Louis-des-Français, qui est, comme son nom l'indique, l'église nationale des Français de Rome. Pour le touriste moyen, ça veut dire que les stèles comme les panneaux explicatifs sont en français, qu'on y trouve des statues de Saint-Louis et de Jeanne d'Arc, et que le bleu roi et la fleur de lys sont archi-présents. Mais la pièce maîtresse de l'église, c'est le triptyque du Caravage dans la chapelle de Saint-Matthieu, devant laquelle se déversent des groupes entiers de touristes en voyage organisé (ce jour férié n'a pas embêté que nous). Il y a même tellement de monde qu'il faut littéralement jouer des coudes et écraser quelques orteils pour apercevoir les tableaux et leurs superbes jeux d'ombres et de lumières caractéristiques du Caravage. Ce n'est pas très gentil pour lui et nous en sommes désolés, mais le tableau représentant l'assassinat de Saint Matthieu est une vraie merveille.

L'Assassinat de Saint Matthieu, par le Caravage

De Saint-Louis-des-Français, il n'y a qu'un saut de puce jusqu'à la piazza Navona, une TRÈS grande place rectangulaire construite à l'emplacement d'un ancien stade romain et aujourd'hui dominée par la fontaine des Quatre-Fleuves. Le Bernin n'y est pas allé de main morte : comme si les quatre statues représentant le Gange, le Danube, le Nil et le Rio de la Plata ne suffisaient pas, la fontaine est surmontée d'un obélisque, histoire d'attirer l'attention du passant qui serait passé à côté. Avec l'église Sant'Agnese in Agone qui se découpe derrière, cette fontaine ne demande qu'à être photographiée sous tous les angles, et c'est d'ailleurs ce que nous prenons le temps de faire. Les deux autres petites fontaines aux extrémités de la place ont du mal à tenir la distance... Il fait un temps très agréable ce matin et les terrasses des restaurants et des cafés qui encadrent la place sont prises d'assaut ; en été, ce doit être noir de monde...


Un saut de puce de plus, et nous voici au Palazzo Altemps, du nom d'un cardinal allemand qui trouvait que son nom d'origine (Hohentemps) était trop orienté et a préféré vaguement latiniser le tout. Ici se trouve rassemblée l'une des plus importantes collections de sculptures du 17è siècle, dont la plupart on été restaurées selon les critères de l'époque. Il fut un temps où on aimait en effet rendre aux statues antiques les bras, têtes, jambes et autres accessoires qu'elles avaient perdus au fil du temps, quand on ne mélangeait pas tout simplement plusieurs morceaux d'antiquités pour créer une nouvelle statue. Nos petits cerveaux modernes ont un peu de mal à appréhender le concept, mais après tout, autres temps, autres mœurs. Le musée a d'ailleurs le mérite de présenter pour chaque sculpture un dessin indiquant quelles parties ont été ajoutées, ce qui permet d'y voir un peu plus clair et d'apprécier le travail des restaurateurs de l'époque (dont le Bernin, quand même). Au milieu de tout ce marbre, la Galerie des Illustres, avec ses bustes d'empereurs romains et son plafond intégralement peint, détonne un peu, mais nous restons des amateurs de peinture plus que de sculpture, alors nous n'allons pas nous en plaindre.


Après le déjeuner (il n'y a qu'à Rome qu'on peut entrer dans un resto et trouver un évêque en calotte violette attablé devant un plat de pâtes...), nous prenons la route de ce qui devait être notre dernière étape de la journée, la galleria Doria Pamphilj, et tombons presque par hasard sur le Panthéon. Dans la mesure où il devait, selon notre Routard, être fermé aujourd'hui, nous l'avions mis au programme plus tard dans la semaine, mais à en juger par les flots de touristes qui entrent et sortent à un débit impressionnant, le site est bel et bien ouvert. Puisque nous sommes là, autant en profiter ! Le Panthéon romain, c'est un bâtiment colossal vieux de 1900 ans, dont la coupole, avec ses 43,30 m de diamètre, est la plus grande de l'Antiquité (même la basilique Saint-Pierre ne fait pas aussi bien). D'abord temple dédié aux sept divinités planétaires, c'est, depuis le 7è siècle, une basilique chrétienne. De l'extérieur, le bâtiment est franchement écrasant, et dedans, on ne rigole pas beaucoup plus : le décor est austère et plutôt dépouillé, et ce n'est pas le tombeau noir de Victor-Emmanuel II qui vient alléger l'atmosphère. Pour la minute "recueillement face au génie absolu", c'est aussi là que se trouve le tombeau de Raphaël, à qui on adresse en pensée quelques milliers de mercis et de tapes dans le dos.


Malgré la pluie qui s'est mise à tomber dehors (et aussi dedans, vu que la coupole du Panthéon est totalement ouverte aux éléments en son centre), nous prenons le temps de faire quelques photos de cette bâtisse franchement mastoc et de la fontaine qui trône devant avant de vraiment nous rendre à la gallerie Doria Pamphilj. Promis, il n'y a pas de faute d'orthographe, ça se prononce "Pamphili" mais ça s'écrit bien avec un J à la fin. Comment beaucoup des familles qui ont donné leur nom à un palais dans cette ville, les Pamphilj comptent un pape, Innocent X, ce qui, traditionnellement, se traduit par des titres de princes et princesses pour toute la famille, et ce, jusqu'à nos jours. Qui dit titre dit jolie maison, et généralement, déco plutôt sympa pour aller avec. De ce côté-là, les Pamphilj ont fait très fort, et les tableaux de maître s'étalent littéralement du sol au plafond sur tous les murs. Dans des galeries qui n'ont rien à envier à Versailles, le visiteur sidéré peut donc découvrir, en vrac, du Velasquez, du Véronèse, du Caravage (encore lui), du Raphaël (il y a un thème, aujourd'hui), du Tintoret, du Lippi (père), du Rubens, du Poussin et un peu de Caracci (cf. notre visite du palais Farnèse) pour faire bonne mesure. Sans compter les dizaines de peintres dont nous n'avons jamais entendu parler avant aujourd'hui... On pourrait utiliser tous les synonymes de "magnifique" et rester très loin du compte.


Pour ne pas en louper une miette, nous avons également opté pour la visite des appartements privés, dont l'absence totale de peintures inestimables permet de reprendre son souffle et d'éviter le syndrome de Stendhal. Cela dit, avec leurs meubles précieux et leurs "papiers peints" exceptionnels, ces pièces de dimensions plus modestes se hissent elles aussi très haut sur l'échelle du luxe et de l'élégance. Une visite qui en met plein les yeux et laisse un peu sans voix.

Un Raphaël qui traîne, comme ça, cadeau

Rentrés à l'hôtel sur le coup de 16h, nous nous reposons un peu avant d'aller dîner. Malheureusement, la soirée est marquée par plusieurs échecs : il pleut, les œnothèques où nous espérons déguster un petit verre sont soit bondées, soit fermées, et le resto japonais sur lequel nous nous rabattons est hors de prix. Nous finissons pas nous poser au sec dans un restaurant plus traditionnel, mais la quête du manger n'aura pas été de tout repos !