mardi 31 août 2021

Croatie, jours 16 & 17 - Dubrovnik

(La narratrice habituelle faisant un léger burn-out de blog, Benjamin prend la relève.)

Pour nos deux derniers jours, nous nous dirigeons vers Dubrovnik, ville maintenant principalement connue dans le monde pour ses murailles et son apparition (avec beaucoup de maquillage) dans Game of Thrones en tant que King’s Landing (ou Port-Réal pour la VF). Nous arrivons en ville assez tard et tentons d’approcher du centre ville historique en voiture fous que nous sommes ! En effet, il y a un petit parking juste sous les remparts et la route est absolument superbe, mais la quantité de touristes est à la hauteur (lieu de tournage emblématique de la plus grosse série télé de tous les temps, on a dit). Nous décidons donc de recourir de nouveau à nos pieds pour nous rendre sur place. Et comme depuis le début de ce séjour, rien n’est plat...


Arrivés sur la place devant l’entrée de la ville, nous pouvons enfin nous rendre compte du monde présent, de la taille des remparts, du nombre de marches qu’il va falloir monter (oui, ça nous a marqués !), bref, de l’ambiance qui va nous accompagner pour cette fin de séjour.



Je parle beaucoup des remparts, mais il faut rendre compte de ce qu’ils ont traversé pour encore plus apprécier leur présence. Commencés au 7è siècle pour protéger le port de pêche des Slaves, ils ont traversé une invasion vénitienne (classique dans le coin), une domination hongroise (de nom uniquement), un traité avec les Ottomans pour éviter de se faire envahir, un séisme conséquent, une invasion napoléonienne et une domination autrichienne jusqu’à la fin de la première guerre mondiale. À ce moment, Dubrovnik tombe en déclin.


L'annexion par la Yougoslavie la propulse au rang de ville balnéaire la plus recherchée du pays, mais lors de la chute de celle-ci, la Serbie veut conserver Dubrovnik pour sa manne touristique et décide de lancer un siège de la ville en 1991. Elle abandonnera au bout de 6 mois. De nombreux bâtiments de la ville portent encore les marques de cet épisode qui a touché un bâtiment sur 3 (et il suffit de baisser les yeux pour repérer les impacts de mortier sur les pavés), mais les remparts que les Serbes convoitaient ne sont jamais tombés. Aujourd’hui, Dubrovnik se bat contre un autre envahisseur : le touriste et a dû instaurer des réglementations sur les paquebots de croisières pour essayer de réguler le flot des touristes déversés dans la ville.



Nous commençons donc par nous rendre vers l’office de tourisme le plus proche pour acheter notre Dubrovnik Card, qui nous permettra un accès à une grande majorité des bâtiments que nous souhaitons visiter et offre en plus des tickets de bus qui nous seront bien utiles pour revenir demain ! Ahaha, prends ça, parking hors de prix !


Cet achat en poche, nous pouvons enfin commencer notre tour de la ville par les remparts. Bien entendu, il faut commencer par une volée de marche monstrueuse et très raide mais ce n’est pas grave, la vue d’en haut est géniale (il suffit de voir le nombre de photos prises). fin que le touriste ne se dessèche pas, 4 buvettes sont disponibles le long du trajet. Face à la mer, nous observons les courageux qui ont pris un canoë pour voir les remparts du bas et les fous qui sont à la plage (aussi sablonneuse que celle de Rovinj). Au loin, les deux paquebots du jour attendent le retour de leur cargaison. Le tour prend un certain temps, entre les nombreux arrêts photos, la quantité de personnes, les bouchons, la distance (2,2 km quand même), mais nous en sortons ravis.



Après un court arrêt pour se restaurer, nous attaquons notre visite de l’intérieur la ville et principalement du Stradun, ancien canal rebouché depuis qui est l’artère principale de la ville. Les magasins Game of Thrones sont partout mais les prix sont totalement prohibitifs (en même temps, il fallait s’y attendre et nous ne sommes pas spécialement venus pour ça). Nous décidons donc de nous diriger vers le monastère franciscain, avec son église et son cloître. Le complexe compte deux “vieilles pharmacies”, histoire de perdre le touriste. La première est la plus vieille pharmacie en activité, depuis 1317, et continue de vendre les médicaments classiques d’une pharmacie, et l’autre est la partie musée du complexe, avec sa collection de pots d’apothicaires. Le cloître est superbement conservé, sauf pour les trous sous les arcades dus aux troupes napoléoniennes lors de la conversion du site en étable…


Nous poursuivons notre visite par le Palais des Recteurs, logé contre les remparts, près du port. Il s’agissait de la résidence du gouverneur de la cité pendant la république de Raguse (ancien nom de Dubrovnik). Le gouverneur devait y vivre seul sans sa famille pendant le mois de son mandat, ces seules sorties ne concernaient que des affaires officielles (autant dire que le confinement, pour lui, c'était de la blague). Il a été construit au 13è mais a été restauré selon une esthétique renaissance suite au séisme de 1667.


Le Palais des Recteurs


La journée touchant à sa fin, nous nous dirigeons vers notre dernier arrêt de la journée, le fort Lovrijenac. En parcourant les petites rues transversales pour éviter le soleil et les gens, nous tombons par hasard sur le dortoir félin local, avec pas moins de 6 chats sur une petite place ainsi que leur lot d’adorateurs. Le fort étant assez mal indiqué, nous tournons un peu avant d’arriver en bas (et oui, encore plein de marches). Il a servi de base pour le Donjon Rouge de Game of Thrones et permet d’avoir une superbe vue sur la ville.


Heureux de cette première journée riche en marches (notez le S :p) mais un peu cuits par la chaleur, nous rentrons nous reposer à notre chambre.


Vue depuis le Donjon Rou... pardon, le fort Lovrijenac !


Pour notre seconde journée, nous privilégions le bus (pas folle l’abeille) pour nous rendre en ville. Au programme, fin des visites que nous n’avions plus la force de faire hier. Nous commençons par un petit tour dans les douves, converties en parc, qui donnent accès à la plage (la vraie, celle-là) d’où partent les canoës. Puis nous nous rendons à la cathédrale, au final assez peu marquante (oui, depuis le temps on a fait un paquet d’églises, ici et ailleurs). Ses vitraux modernes encore une fois sont bien réalisés et ne détonnent pas trop.


Direction le nord de la ville (partie haute, contre la montagne), pour visiter le couvent des Dominicains puis découvrir les 2 dernières portes de la ville par l’extérieur, afin d’avoir vraiment fait le tour de cette ville. Une fois toutes nos visites terminées, nous reprenons le bus pour rentrer nous reposer. Le soir nous partons à la recherche d’un restaurant et tombons sur une superbe rue piétonne très animée et agréable loin de la vieille ville. La soirée est agréable et conclut parfaitement ce séjour en Croatie.


Le couvent des Dominicains


Conclusion : un voyage qui aura fait du bien au cerveau, quoique peut-être pas aux gambettes ! Cette parenthèse ensoleillée, dans un pays où le Covid semble être quelque chose qui est arrivé aux autres (en dehors du masque en intérieur, nous n’avons été confrontés à aucune restriction, et la distanciation sociale est un concept très lointain quand tous les sites touristiques grouillent de monde), était absolument indispensable pour pouvoir attaquer la rentrée frais et dispos. Entre monuments et sites naturels superbes, nourriture délicieuse et mer du plus beau des bleus, la Croatie est une destination à conseiller sans hésitation mais peut-être hors saison pour ceux qui le peuvent, histoire d’éviter la foule et les grosses chaleurs.


dimanche 29 août 2021

Croatie, jour 15 - Ston

Fin de la parenthèse plongée ce matin et retour sur le continent ! Ce dimanche, il nous faut quitter Hvar et ses fonds marins pour nous rapprocher de la dernière étape de notre road-trip, Dubrovnik, à la pointe sud de la Dalmatie – et donc de la Croatie. La journée commence donc par deux heures de ferry au départ de Stari Grad pour rallier Split. Nous attendent ensuite 2h30 de route, d'abord dans les désormais traditionnelles montagnes où le vent fait chuter les températures et osciller la voiture, puis en bord de mer, entre stations balnéaires et parcs ostréicoles. Le paysage est absolument superbe, mais le moment le plus mémorable du trajet est sans doute notre brève traversée de la Bosnie-Herzégovine. Géographiquement, la Croatie est en effet coupée en deux par un petit morceau de Bosnie, le corridor de Neum, du nom de la ville qu'il faut traverser pour passer de l'autre côté. Le corridor ne mesure que 23 petits kilomètres, c'est-à-dire rien du tout, mais comme il s'agit officiellement d'une frontière, il faut présenter son passeport deux fois en un quart d'heure. Pour nous, l'expérience est assez étrange et plutôt rigolote. Pour les douaniers qui ont l'air de s'ennuyer ferme, c'est une simple formalité ; nous aurions pu cacher un criminel en fuite dans le coffre que cela serait passé totalement inaperçu...

De l'autre côté de la frontière nous attend Ston, 550 habitants, connue pour ses salines et... sa muraille de 5 km, la plus longue d'Europe, construite sur 170 ans entre les 14 et 16è siècles pour protéger des convoitises ottomanes cet or blanc qui remplissait joliment les coffres des Vénitiens. Pour une si petite localité, l'ouvrage semble totalement démesuré, et pendant un instant, on craindrait presque d'avoir pris un mauvais embranchement après la Bosnie pour finir en Chine. Heureusement que nous sommes plutôt reposés après cette journée de route, car l'objectif est bien évidemment de gravir la muraille jusqu'à son point culminant. Heureusement bis, l'après-midi est déjà bien avancé et l'exercice ne sera pas rendu encore plus difficile par le soleil au zénith. Car c'est bien d'un exercice qu'on parle : notre fidèle appli de mesure des distances nous indique que le dénivelé est de plus de 300 mètres, ce que nos mollets et nos poumons croient sans mal. Pendant la montée, on se demande à peu près toutes les trois marches pourquoi on s'inflige des choses pareilles pendant les vacances, mais il suffit de se retourner et de regarder le paysage pour avoir la réponse :

La vue sur les salines et les micro-fjords qui abritent Ston et le tout petit port de Mali Ston, à un kilomètre à vol d'oiseau, est tout simplement à couper le souffle. Les touristes sont tout prêts à braver les marches et le dénivelé pour le plaisir de prendre des photos, mais on comprend que les Ottomans n'aient jamais eu envie de se frotter aux murailles ! Nous manquons de temps pour parcourir le chemin complet qui mène jusqu'à Mali Ston, mais nous parvenons malgré tout à atteindre le point culminant de ce rempart spectaculaire avant de faire demi-tour et de mettre à mal nos genoux sur la descente. Nous qui pensions que la journée serait calme et reposante, nous sommes servis ! Et pour nous remettre de nos émotions, rien de tel qu'un bon restaurant à la cuisine roborative et copieuse, où les cuistots font griller la viande sous vos yeux en terrasse !


samedi 28 août 2021

Croatie, jours 9 à 14 - Hvar, au-dessus et en dessous

Après plus d'une semaine passée à la regarder sans pouvoir mettre un orteil dedans et à nous languir, nous voici enfin dans l'Adriatique ! Accessoirement, nous revoici aussi à devoir enfiler 7 mm de néoprène tous les matins, mais c'est pour la bonne cause, alors on ne va pas (trop) se plaindre ! L'objectif de nos six jours sur l'île de Hvar est de rattraper un peu notre retard de plongée, accumulé pour cause de Covid (what else?). Nos réveils sont donc matinaux et nos journées un brin épuisantes, mais nos cerveaux respectifs avaient bien besoin de retrouver cette activité quasi-méditative après un an et demi de stress et d'enfermement.

Pour les amateurs de grosses bébêtes exotiques et de vie sous-marine foisonnante et hyper colorée, la Croatie n'est sans doute pas la destination idéale. Ici, les profondeurs regorgent de bestioles beaucoup plus discrètes et moins glamour (nudibranches, murènes, poulpes, poissons pierre...), et la plongée est surtout "paysagère". Quand on ne passe pas son temps à courir derrière les 18 000 formes de vie locales, l'activité devient incroyablement relaxante et permet vraiment de mettre le cerveau en veille pendant près d'une heure. Malgré 22 mois sans enfiler la combi, nous étions fiers de constater que nous n'avions pas tout oublié de nos différentes formations et que nous n'avions pas à repartir de zéro. Un grand merci à toute l'équipe d'Aqualis Dive Center (Rémi, Danilo, Gabriel, Robert, Zsanett et Kiba, le chien-loup qui n'a pas compris qu'elle n'était PAS un bébé labrador) pour cette remise dans le bain (ah ah) tant attendue !

Côté terre ferme, nous avons pour une fois réussi à explorer un peu les environs, même si Hvar est moins une destination culturelle que 100 % jet-set. L'île et sa "capitale" du même nom sont surtout connues pour accueillir les yachts très chers et très impressionnants des célébrités locales et internationales, mais il reste malgré tout de jolies choses à voir, à commencer par la forteresse dite "espagnole" qui domine Hvar (la ville). Ayant suffisamment donné pour la semaine en matière de sport, c'est en voiture que nous nous y rendons, et la vue sur l'archipel Pakleni ("les îles damnées" en croate ; je ne pense pas que ce mot veuille dire ce que vous pensez qu'il veut dire !) depuis les remparts de cette citadelle en fait achevée par les Vénitiens est absolument imprenable.

Vue depuis la citadelle espagnole de Hvar

Dès que l'on quitte le Saint-Tropez croate, l'ambiance se fait un chouia moins touristique et plus "authentique". A Vrboska, un adorable petit port qui évoquerait presque la Bretagne s'il ne faisait pas si chaud, nous croisons une église du 15è siècle plus fortifiée que le donjon de Vincennes, dont le style original fut adopté après une attaque turque. Du côté de Stari Grad (tout simplement "vieille ville" dans l'idiome local), le port de départ et d'arrivée des ferrys, les yachts sont moins grands et les gens qui en descendent jettent moins de billets de banque à droite et à gauche, mais la petite marina avec ses quais au ras de l'eau reste tout de même plus fastueuse que ce dont nous avons l'habitude. Cela dit, le coucher de soleil sur le port est absolument charmant et la glace à la lavande restera un excellent souvenir.

Stari Grad

Peu de choses à rapporter concernant cette semaine de "vraies" vacances sur Hvar, mais il faut bien apprendre à se poser vraiment de temps en temps !

Hvar côté terre

Hvar sous-marine

dimanche 22 août 2021

Croatie, jour 8 - Split

Depuis notre arrivée en Croatie, les vieilles villes aux ruelles étroites et aux pavés qui glissent, c'est un peu notre quotidien – mais la vieille ville bâtie sur les restes du palais d'un empereur romain mort depuis 1700 ans, c'est du jamais vu, ici ou ailleurs ! Car c'est bien là tout l'intérêt de Split : le centre-ville est littéralement construit dans ce qui fut autrefois le palais de l'empereur Dioclétien, où il se retira et mourut après pris sa retraite d'empereur (les empereurs qui abdiquent, c'est à peu près aussi rare que les papes qui démissionnent, mais il y en a eu, la preuve). Trois siècles plus tard, les habitants de la ville d'à côté, mise à feu et à sang par des gens qui n'ont même pas la décence de parler latin, viennent s'installer chez Dioclétien, qui n'est de toute façon plus là pour se plaindre et faire évacuer les squatteurs. Le palais faisant quand même plus de 38 000 m², les matériaux de construction de manquent pas, et les nouveaux résidents utilisent donc ce qui leur tombe sous la main pour bâtir leurs maisons. Et c'est ainsi que, les siècles passant, on se retrouve avec un mausolée impérial transformé en cathédrale, des colonnes corinthiennes en plein milieu de la terrasse d'un café et un sphinx de 3 500 ans qui regarde les touristes prendre des selfies.

Soyons honnêtes, se tenir au milieu du péristyle et regarder les différentes époques architecturales se mélanger sans la moindre transition fait des nœuds au cerveau. Même à Rome, qui se défend plutôt bien dans la catégorie "on a fait du neuf avec du vieux", l'Antiquité, la Renaissance et la période moderne sont clairement délimitées, et on ne passe jamais de l'une à l'autre sans crier gare. A Split, au contraire, on baigne dans un melting-pot historique qui donne un peu le tournis, et on finit par virer un peu philosophe, surtout en 2021 : Romains, Byzantins, Vénitiens, Français, Autrichiens... Split est la preuve vivante que le déclin suit inévitablement l'apogée d'un empire, et notre civilisation moderne ferait bien de ne pas l'oublier.

Notre objectif premier était de visiter la cathédrale, mais nous sommes dimanche, et l'accès est donc forcément interdit aux touristes jusqu'à 13h. Qu'à cela ne tienne, il y a largement d'autres choses à voir en ville pour tuer le temps ! Après un tour dans les ruelles pour apprécier ce délicieux pot-au-feu architectural et nous emberlificoter proprement le cerveau, nous nous dirigeons vers la colline Marjan pour une balade à pied sans doute très malavisée à 11h30 en plein été et avec un seul petit litre d'eau dans nos sacs. Le mont Marjan a beau culminer à une altitude toute bretonne (178 m), la montée en plein soleil est un sacré exercice et l'Adriatique ne nous a jamais paru aussi tentante (DEMAIN !!). Nous sommes récompensés de nos efforts par des vues superbes sur Split et les îles environnantes, mais aussi par la chapelle Saint-Nicolas en milieu de route et par l'église Saint-Jérôme, avec sa petite chapelle troglodytique, en fin de parcours. Le chemin du retour, un peu moins joli, nous donne surtout à voir le port industriel... et des marches beaucoup trop nombreuses qui nous font nous féliciter de ne pas être passés par là à l'aller.

La balade a été suffisamment longue pour que la cathédrale soit désormais accessible, et c'est donc chez Dioclétien que nos pas nous ramènent. Qui a dit que les chrétiens du 7è siècle n'avaient pas d'humour ? Il en faut pourtant une sacrée provision pour construire une cathédrale sur le mausolée d'un homme qui a consciencieusement martyrisé et persécuté votre communauté au cours de la dernière décennie de son règne ! Où que se trouve son tombeau aujourd'hui (les historiens en ont perdu la trace au 8è siècle), l'ex-empereur doit sérieusement se retourner dedans ! Malgré sa taille (c'est une des plus petites au monde), la cathédrale de Split parvient à être relativement chargée, avec son autel baroque, ses frises et sa chaire en marbre de toutes les couleurs. Quant au clocher, ce n'est pas la randonnée de ce matin qui nous empêchera d'y grimper pour profiter d'une autre vue sur la ville, la colline Marjan et les îles qui nous tendent les bras.

Après un crochet par le tout petit temple de Jupiter (ou le baptistère Saint-Jean-Baptiste, selon ceux qui ont refait la déco), nous allons récupérer notre voiture au B&B où nous l'avons laissée ce matin pour préparer la prochaine étape du voyage : le trajet en ferry jusqu'à l'île de Hvar, où nous resterons six jours pour profiter des fonds marins de l'Adriatique. Quelques courses s'imposent pour le dîner et le petit-déjeuner du lendemain, et nous faisons donc escale dans un supermarché pour nous ravitailler avant de rejoindre le port. Il est 17h et notre ferry n'appareille pas avant 20h30... C'est l'occasion de nous reposer un peu dans la voiture et de commencer à rédiger le blog, puis de pique-niquer au bord de la mer, face au soleil couchant et aux lumières de Split. Malgré une organisation qui nous paraît bien bancale pour faire embarquer les voitures, le ferry quitte le port à l'heure dite et nous dépose au port de Stari Grad, sur Hvar, deux heures plus tard. Dès demain, nous serons de retour en combinaison de plongée après près de deux ans de hiatus !

And every empire will fall, every monument crumble... (chanson complète ici pour ceux qui n'ont pas peur du doom metal)

vendredi 20 août 2021

Croatie, jour 7 - Šibenik & Trogir

Note à nous-mêmes : à partir de dorénavant, éviter les hébergements en plein centre des vieilles villes.C'est certes très joli et particulièrement pratique pour dîner et profiter de la vie estivale en soirée, mais c'est un vrai parcours du combattant pour se garer et promener sa valise de 23 kg dans les petites ruelles pleines de marches. Ce matin, nous mettons donc en œuvre notre plan en 5 étapes : descendre les valises jusqu'au pied de la vieille ville, laisser bibi monter la garde pendant que Benjamin va chercher la voiture, charger les valises, renvoyer Benjamin garer la voiture pendant que bibi prend des photos de la marina, puis se retrouver au sommet de Šibenik pour la visite du château Saint-Michel. Technique efficace mais un peu longue : entre le moment où nous quittons notre B&B et notre entrée à Saint-Michel, il s'est écoulé une heure...

Bien que la colline qui domine la vieille ville ait été fortifiée il y a un bon millénaire, le château Saint-Michel (ou le peu qu'il en reste) ne remonte qu'au 16è siècle, et les premiers travaux de conservation et de reconstruction ne remonte bizarrement qu'à 2014. Pour un site considéré comme "le symbole de Šibenik", c'est quand même un comble ! En dehors de quelques pans de murs, il n'y a plus grand-chose à voir de la forteresse elle-même, mais la grimpette matinale valait la peine pour cette vue imprenable sur la ville, et surtout sur les deux presqu'îles qui enserrent le canal Saint-Antoine. Une particularité géographique qui devait bien faire les affaires des défenseurs de Šibenik, mais beaucoup moins celles des envahisseurs arrivant par la mer.

Déjà bien cuits pas la chaleur, nous redescendons les 14 627 marches que semble compter cette ville (c'est toujours plus agréable dans ce sens-là) pour rejoindre, après un arrêt express dans un adorable petit jardin médiéval ombragé, la cathédrale Saint-Jacques. La nef et les chapelles latérales sont franchement dépouillées pour un édifice gothico-Renaissance, mais l'explication se trouve dans le baptistère : tout la déco un brin excessive du gothique et toute la dentelle de pierre de la Renaissance se retrouvent dans ce minuscule espace forcément un peu chargé. Une représentation de Dieu le père domine au plafond, et même si ce n'est pas la première fois que nous voyons ce genre de sujet dans une église catholique, la rareté de la chose ne lasse pas de nous surprendre.

Saint-Jacques derrière nous, nous prenons le sentier des écoliers (comprendre : le bord de mer et la plage, pour une fois qu'il y en a une !) pour regagner la voiture. Nous avons une petite heure de route devant nous pour atteindre Trogir par la route côtière, une 1x1 voie pittoresque où il ne fait pas bon être coincé derrière un conducteur un peu plus lent que la moyenne. Une fois sur place, nous prenons le temps de déjeuner au bord du canal avant de nous diriger vers la vieille ville. Depuis le début du séjour, toutes nos étapes urbaines se ressemblent un peu : une vieille ville en bord de mer, une balade dans les ruelles, une église, un clocher pour la vue. Trogir suit exactement le même schéma (inscription à l'Unesco en prime), et notre première destination est donc la place de la cathédrale.

Ici, le grand intérêt de l'église, c'est son magnifique portail roman sculpté, avec la Nativité sur le tympan – parce que le Jugement dernier, ça va deux secondes, mais on a quand même fait plus gai et plus motivant. A l'intérieur, en plus de la deuxième représentation de Dieu de la journée (les architectes et sculpteurs catholiques croates se sont passé le mot, on dirait), se sont cette fois les stalles en bois qui retiennent notre attention... ainsi que le désormais traditionnel campanile, dont la passerelle métallique qui donne accès au sommet ressemble davantage à une échelle qu'à des marches. Ce séjour est une vraie séance de désensibilisation pour le pauvre Benjamin et son vertige...


De retour sur le plancher des vaches, nous nous contentons d'un tour extérieur de la vieille ville, qui nous permet de découvrir des restes de murailles côtoyant des yachts de luxe (si quelqu'un a une petite place, nous on prend...). Nous pourrions sans doute passer une heure de plus à nous perdre dans les ruelles bordées de cafés et de boutiques, mais les kilomètres de marche sous la chaleur écrasante de ces derniers jours commencent à nous rattraper, et nous préférons reprendre la route jusqu'à Split, notre étape du soir, pour nous reposer un peu. La journée de demain s'annonce chargée et nous n'avons pas l'intention de nous reposer sur nos lauriers avant le début de notre semaine de plongée !

Y'a du soleil et des palmiers... (air connu)

Croatie, jour 6 - Parc national de Krka

Comme nous n'avons apparemment pas eu notre lot de cascades, de lacs et de marche à Plitvice, nous remettons ça ce matin avec le parc national de Krka (ne nous demandez pas comment ça se prononce, nous n'en avons pas la moindre idée !). Après ce qui est officiellement le meilleur petit-déjeuner de notre vie (vous voyez l'English breakfast ? Ben ça, mais en mieux), nous avons une petite heure de route devant nous jusqu'au petit village de Skradin, où nous attend le bateau qui permet de traverser un lac de carte postale pour accéder aux chutes de Skradinski. Le trajet dure une petite demi-heure et vaut le déplacement à lui seul : encore une fois, Mère Nature a mis les petits plats dans les grands et on ne peut que s'émerveiller devant les falaises couvertes d'arbres qui se dressent des deux côtés.

Nous déchantons un peu à l'arrivée à Skradinski buk (les chutes de Skradinski dans l'idiome local, donc), car si Plitvice mettait l'accent sur la communion avec la nature, Krka cherche manifestement à ce que le touriste mette la main à la poche : boutiques de souvenirs, restaurants, petits stands proposant des produits locaux à grignoter... Même les toilettes sont payantes, ce qui, étant donné le prix du billet d'entrée, nous reste un peu en travers de la gorge. Nous sommes clairement passés du côté "parc d'attractions" de la Force, et il faut admettre que c'est un peu décevant. Heureusement qu'il y a Skradinski buk pour nous remonter le moral. Et parce que les images valent souvent mieux qu'un long discours plein de superlatifs et d'adjectifs laudateurs, je vais me contenter de poser ça là :

Voilà. Dire que c'est beau serait à des années-lumière de la réalité, et nous sommes très reconnaissants au chemin de 2,5 km qui fait le tour de la cascade pour la possibilité de prendre des photos sous tous les angles. Ce genre de merveille naturelle vaut bien de supporter quelques heures le côté Disneyland du lieu. D'autant que, comme chez Disney, les animaux sont au rendez-vous : en dehors des traditionnels et pas très exotiques canards, le parc est également peuplé de cygnes, de plusieurs dizaines d'espèces de serpents... et de pôtichas trop mignons dont on ne sait pas très bien comment ils sont arrivés là, mais on ne s'en plaint pas. Comme à Plitvice, la foule fait qu'il est parfois difficile de circuler et les files d'attente devant les points de vue remarquables sont un peu longues, mais 2,5 km, ce n'est pas le bout du monde, et nous reprenons assez rapidement le bateau pour retrouver Skradin.

Mais Skradinski buk est loin d'être le seul point d'intérêt du parc de Krka, et c'est en voiture que nous rejoignons Roški slap (pour ceux qui n'ont pas suivi le cours de Croate Pour Les Nuls du jour 4, slap = cascade ; pour "buk", Google Translate propose "hêtre", mais on voit pas bien ce que ça vient faire là). Ici, le site est divisé en deux parties bien distinctes : la partie sentier de marche, et la partie plage. Le sentier étant, faut-il vraiment le préciser, infiniment moins fréquenté que la plage, nous l'avons pratiquement pour nous tout seuls, ce qui nous permet d'apprécier en paix la beauté de la rivière Krka et de ses cormorans qui se sèchent au soleil. Le chemin forme une boucle qui ramène les visiteurs au parking, et même la route empruntée par les voitures comme par les piétons parvient à être particulièrement jolie et mémorable (enfin, surtout à pied ; passer là-dessus en voiture n'est pas l'épreuve la plus rassurante du monde...).

En planifiant notre visite, nous avions prévu de nous rendre au monastère de Visovac, sur la petite île du même nom perdue au milieu du lac, à la force de nos gambettes, mais il s'avère que le trajet va chercher dans les 16 km aller-retour – ce qui à 15 heures, par 33°C et avec déjà 40 km de marche au compteur sur les trois derniers jours, nous semble tout bonnement insurmontable. Heureusement, nous sommes pile à l'heure pour attraper le dernier bateau qui se rend à Visovac et qui nous épargnera beaucoup, beaucoup d'efforts. Et en prime, ledit bateau permet de s'approcher au plus près de Roški slap, que nous aurions eu beaucoup de mal à apercevoir depuis la plage.

Si le trajet en bateau jusqu'à Skradinski buk était enchanteur, celui jusqu'à Visovac est franchement impressionnant, la faute aux falaises qui se resserrent à certains endroits, aux grandes croix dressées au milieu de rien et... de la paire de Canadair qui vient faire le plein sur le lac à intervalles réguliers. Point positif : ce n'est pas un spectacle auquel on assiste tous les jours. Enorme point négatif : cela veut dire que quelque chose brûle sérieusement dans le coin...* L'escale sur l'île de Visovac ne dure qu'une petite demi-heure, mais c'est bien suffisant pour en faire le tour. A l'heure actuelle, seuls trois moines franciscains résident au monastère (en voilà qui n'ont pas dû être trop impactés par le confinement...), qui n'est évidemment pas ouvert à la visite histoire de respecter leur intimité. Restent l'église, d'une très grande sobriété, et le petit musée, où l'on découvre des ormeaux gravés, des décrets du 17è en arabe interdisant aux Musulmans d'endommager les monastères (respect) et, beaucoup moins drôle, des photos illustrant les ravages causés aux églises croates (catholiques) par les Serbes (orthodoxes) pendant la guerre. Le niveau de vie local et les infrastructures croates nous feraient presque oublier que la guerre de Yougoslavie ne remonte qu'à une petite trentaine d'années...

Le temps de s'extasier sur la magnifique basse-cour des Franciscains (vu le nombre d'oies et de poules pour trois personnes, on les soupçonne de manger des œufs à tous les repas) et sur leur terrain de basket (si si), il est déjà l'heure de retourner au bateau pour rentrer à Roški, avec la satisfaction d'avoir vu tout ce que nous voulions voir sans y avoir perdu nos pieds. Il ne nous reste plus qu'à rejoindre notre étape du soir, Šibenik, et notre hôtel situé en plein cœur de la vieille ville. Une vraie aventure en soi, les parkings étant inexistants aux alentours, notre valise extrêmement lourde et les marches beaucoup trop nombreuses. Voyons le côté positif : avec un hôtel si central, nous n'aurons aucun problème pour trouver de quoi dîner !

Par ici pour le Disneyland de la cascade !

*Et pourtant, aucune information concernant un feu de forêt d'une ampleur exigeant la présence de deux Canadair en Croatie. Allez comprendre...

jeudi 19 août 2021

Croatie, jour 5 - Zadar

Histoire de compenser le départ beaucoup trop matinal d'hier, nous prenons tout notre temps ce matin pour petit-déjeuner (et quel petit-déjeuner !!) et rejoindre le vieux centre de Zadar. Mais si prendre son temps ressemble à une bonne idée quand on est en vacances, ce n'est pas vraiment le cas quand on a prévu de visiter une ville ultra-touristique... L'expérience de Rovinj et de ses 10 km d'embouteillages aurait dû nous servir de leçon, mais pensez-vous ! Bon, rien d'aussi sérieux ce matin, mais quiconque a déjà mis les pieds à Saint-Malo en plein été comprendra la difficulté de trouver une place de parking à moins d'un kilomètre des murailles de la vieille ville...

D'abord liburne, puis romaine, puis byzantine, puis croate, puis vénitienne, puis hongroise, puis re-vénitienne, puis autrichienne, puis française (coucou Napoléon), puis re-autrichienne, puis italienne, puis yougoslave, puis enfin définitivement croate, Zadar pourrait donner le tournis si elle n'avait pas été méchamment bombardée par les Alliés en 1944, ne laissant de la vieille ville posée sur sa presqu'île que de grosses murailles blanches et des églises spectaculaires qui ont survécu on ne sait trop comment. Comme souvent depuis le début du séjour, nous commençons par une exploration à pied des ruelles étroites dont la pierre blanche reflète le soleil et qui nous mènent au bord d'une Adriatique qui n'a pas daigné changer de couleur ou développer des plages dignes de ce nom dans les dernières 48 heures. Les amateurs de bronzage et de trempette ont aligné leurs serviettes le long du quai, et il devient de plus en plus difficile pour l'auteure de ce blog de résister à l'envie de piquer une tête.

Saint-Donat et le campanile de Sainte-Anastasie

A la place de ce qui était autrefois le forum romain se dressent aujourd'hui un véritable champ d'antiquités (il faudrait expliquer aux Zadérois que les vieilles pierres ne se multiplient pas quand on les plante) et plusieurs desdites églises miraculeusement épargnées par les bombardements alliés. Saint-Donat est intéressante pour les deux colonnes du portique du forum romain et d'autres éléments antiques "recyclés" dans son architecture, mais le campanile de la cathédrale Sainte-Anastasie, qui se veut de style byzantin mais date en fait du 19è siècle, est un véritable aimant pour touristes idiots qui aiment faire du step par plus de 30°C à l'ombre. Concernant la cathédrale elle-même, il faudra demander une description à Benjamin, le seul de nous deux à avoir pu en visiter l'intérieur : Sainte-Anastasie ne badine pas avec la "décence", et les porteurs de shorts sont priés de rester dehors, merci bien. Par un temps pareil, autant dire que cela concerne les trois quarts des potentiels visiteurs, à commencer par bibi...

Curieusement, le couvent Saint-François ne fait pas autant d'histoires concernant la vêture de ses visiteurs et nous laisse volontiers visiter son cloître du 16è siècle, son petit musée et même son église. C'est dans la sacristie qui ne paie pas de mine que fut signé en 1358 le traité de Zadar, en vertu duquel les Vénitiens renonçaient à leurs possessions sur la côte adriatique au profit des Hongrois... avant de tout récupérer un demi-siècle plus tard. "On prend les mêmes et on recommence", ce pourrait être la devise de la Croatie en général, et de Zadar en particulier. En soi, l'église et le couvent Saint-François n'ont rien de vraiment spectaculaire, mais on y est au frais et au calme et le lieu possède dans ses archives une impressionnante collection de partitions de chant choral, alors ce sont forcément des gens bien.

Alors que nous pensions faire le tour de la ville rapidement, nous y passons au final trois bonnes heures avant de rentrer à l'hôtel pour nous abriter du soleil et reposer nos pieds pas encore bien remis de la randonnée d'hier. Et il faut bien ça, car la journée à Zadar n'est pas officiellement terminée : le soir venu, nous retournons en ville pour profiter de l'une des principales attractions zadaroises, l'orgue maritime. Comme sur un orgue classique, il y a des touches (ou plutôt des dalles) et des tuyaux, mais de cet orgue-là, seule la mer et le vent peuvent jouer. En s'engouffrant dans les tuyaux cachés sous les dalles, les vagues créent une mélodie totalement aléatoire, dont le volume dépend forcément de l'intensité du ressac. C'est charmant en journée (nous étions déjà passés par là en début d'après-midi), mais au crépuscule, lorsque le soleil descend lentement dans la mer et que celle-ci commence à s'agiter un peu avec le vent et le passage des bateaux, c'est tout simplement magique. Plusieurs petites filles intriguées n'hésitent d'ailleurs pas à se vautrer par terre pour coller l'oreille aux trous qui laissent passer le son. Assister en direct à la naissance de vocations scientifiques, c'est émouvant.

Après le dîner, lorsque la nuit est totalement tombée, nous faisons un troisième et dernier crochet par l'orgue pour découvrir l'autre création de son concepteur, la Salutation au Soleil, dont les cellules photovoltaïques s'allument paradoxalement une fois le soleil couché. Avec la musique permanente de l'orgue, on se croirait presque sur une piste de danse à ciel ouvert !

Pour une journée qui se voulait "courte", nous enregistrons tout de même 12 km de marche depuis ce matin. Même si la douceur de la météo nous inciterait presque à rester sur ce joli dancefloor toute la nuit, il est plus que temps de regagner notre hôtel... avant de nous remettre à la randonnée demain !

Promenade au rythme des orgues.

mercredi 18 août 2021

Croatie, jour 4 - Parc national des lacs de Plitvice

Levés aux aurores ce matin pour attaquer l'exploration du parc national des lacs de Plitvice avant la cohue. L'objectif d'origine était aussi de commencer la visite à la fraîche, mais nous n'avions pas prévu que les températures chutent autant et que "la fraîche" devienne "la carrément froide". A ce sujet, devinez qui s'est contentée de mettre des shorts dans sa valise et a donc dû emprunter un pantacourt à son homme pour éviter de geler pendant la balade ? Ceci étant, il faut voir le bon côté des choses : c'est plus simple dans ce sens-là et nous aurions eu un vrai problème si les rôles avaient été inversés !

Il est 8h sonnantes lorsque nous nous présentons à l'entrée du parc, et il est déjà difficile de trouver à se garer alors que le site n'est accessible que depuis une heure. Ce n'est qu'après un bon kilomètre de marche en forêt que les choses sérieuses commencent et que les lacs commencent à apparaître derrière les arbres. Situé tout près de la frontière bosnienne, le parc national des lacs de Plitvice rassemble pas moins de 16 lacs étagés sur environ 100 mètres de dénivelé et reliés, comme l'équation eau + dénivelé le laisse supposer, par un nombre impressionnant de cascades. Et comme si tout ça n'était pas suffisamment prometteur, ces milliers de mètres cubes d'eau sont entourés de falaises spectaculaires et de forêts touffues qui abritent des ours, des lynx et des loups (mais à bonne distance des sentiers de randonnée ; pas folles, les bestioles !). Autrement dit, nous soupçonnions que le paysage allait être plutôt agréable à regarder rien qu'en lisant la description du site. Et nous étions encore loin de la réalité.

Histoire de nous mettre en jambes, nous commençons par les lacs inférieurs, plus faciles d'accès que les supérieurs. Avec la lumière matinale et la relative absence de touristes sur les sentiers (pour l'instant...), le lieu est vraiment magique et chaque trouée entre les arbres est un prétexte à l'arrêt photo. Entre le ciel, les forêts et la mer, le paysage est une étude en bleu et vert, et nous sommes ravis de pouvoir en profiter sans avoir à rester à l'ombre en permanence. Les premières cascades, modestes mais toutes choupis, apparaissent très vite, et on dirait que les canards font exprès d'y prendre leur douche matinale pour rendre les photos plus intéressantes. L'eau est d'une clarté incroyable, et vu ce qui se cache au fond (les plantes et les arbres morts sont pétrifiés en raison des dépôts de calcaire), nous signerions bien des deux pattes pour une petite séance de plongée, là tout de suite. Le point culminant du tour des lacs inférieurs, c'est la Grande Cascade, ou Veliki slap dans l'idiome local, la plus haute de Croatie (78 m). Si son débit peut atteindre jusqu'à 4 000 litres/secondes, il est forcément plus limité en plein été, et la Grande Cascade est un peu maigrichonne... ce qui ne l'empêche pas d'être bien jolie quand même.

Pour ceux qui aiment marcher 8 heures par jour, un sentier permet de rejoindre les lacs supérieurs à pied, mais nous préférons nous économiser pour le reste des vacances et prendre le bateau (électrique, s'il vous plaît ; l'écologie, à Plitvice, c'est du sérieux) pour "revenir sur nos pas". La navette nous dépose sur la rive opposée à notre point de départ et l'ascension peut commencer. Si les cascades dans la partie inférieure étaient nombreuses mais pas bien hautes (à l'exception de Veliki slap, évidemment), ici, elles sont absolument partout et surtout bien plus grandes, ce qui génère de véritables embouteillages provoqués par les pauses selfie des très nombreux visiteurs qui se bousculent sur les plateformes en bois. Sans exagérer, nous passons un bon quart d'heure à faire la queue à quelques mètres des superbes chutes en rideau de Veliki Prstavci avant de pouvoir en profiter. Le plaisir de la balade dans la nature est un peu émoussé par ce qu'il faut bien appeler des files d'attente comme à la Poste, mais il suffit d'attaquer le déjeuner pour passer le temps.

Les lacs inférieurs sont certes impressionnants, mais c'est au niveau des lacs supérieurs qu'on prend toute la mesure de la beauté de Plitvice. Aucun lac ne ressemble au précédent, que ce soit en taille, en couleur, en forme ou en végétaux pétrifiés qui tapissent le fond. En prime, la végétation est ici deux fois plus luxuriante qu'en bas et on se demande parfois si on n'a pas été téléporté dans une région tropicale quand on avait le dos tourné. Après une pause "fin de déjeuner" au sommet, nous décidons d'ignorer la navette qui redescend à l'entrée du parc et préférons rajouter quelques kilomètres de marche à notre compteur, parce qu'il serait tout de même dommage de ne pas voir l'autre rive des lacs supérieurs. La circulation est un peu plus facile sur les sentiers que sur les passerelles, mais arrivés à l'embarcadère où amarrent les bateaux censés nous ramener à la sortie, c'est le retour de la file d'attente qui s'étire sur plusieurs dizaines de mètres. Cette fois, c'est la famille de Français juste derrière nous qui nous aide un peu malgré à elle à tuer le temps et nous conforte à 100 % dans notre style de vie. ("Ne faites pas d'enfants, vous voyez ce que ça donne !", dixit la mère de famille. On ne vous avait pas attendue, ma bonne dame !!!)

Nous laissons derrière nous les superbes lacs de Plitvice aux alentours de 14h30, avec 5 heures et 15,5 km de marche au compteur. Les températures se sont réchauffées au fil de la journée, mais nous sommes ravis d'avoir pu découvrir ce parc magnifique par une météo propice à la randonnée plutôt que sous un soleil de plomb. Il ne nous reste plus qu'à rejoindre notre prochaine étape, Zadar, à 1h30 de route... en voiture, cette fois !

Que d'eau, que d'eau !

mardi 17 août 2021

Croatie, jour 3 - Rovinj & Dvigrad

Hourra, le ciel est voilé ce matin ! Une vraie aubaine, car les visites du jour incluent de l'extérieur et de la grimpette, ce qui est toujours bien plus agréable quand les températures ne dépassent pas allègrement les 30 °C... Au programme ce matin, Rovinj, une des plus jolies cartes postales de Croatie. Avec sa tête de pièce montée couronnée par le clocher de l'église Sainte-Euphémie, la ville, qui était une île jusqu'en 1763, s'apprécie d'abord de loin. Ça tombe bien, le ballet des voitures est tel que nous devons nous rabattre sur un parking situé à un bon gros kilomètre de marche, ce qui nous laisse largement le temps de profiter de la vue.

Une fois les portes de la vieille ville franchies, on découvre un véritable labyrinthe de petites ruelles où se côtoient les ateliers d'artisanat et les boutiques de bonbons (sérieusement, les sucreries sont une obsession dans les villes touristiques croates). Il y a du linge aux fenêtres, des lions de Saint-Marc partout, le vent de la mer pour rafraîchir et suffisamment d'italien dans les rues et sur les panneaux indicateurs pour se demander si on n'a pas changé de pays sans s'en rendre compte. Il ne manquerait plus à Rovinj que de belles plages de sable fin pour piquer une tête dans le bleu intense de l'Adriatique, mais les touristes doivent se contenter de quelques rochers inconfortables pour poser leurs serviettes. Avoir une mer pareille et aucune plage digne de ce nom pour en profiter, c'est tout de même assez vexant !

En dehors de la pièce montée aux façades de toutes les époques, l'autre attraction de Rovinj, c'est son église Sainte-Euphémie, du nom de la fille d'un sénateur romain qui a eu la mauvaise idée de prendre fait et cause pour les Chrétiens persécutés et a fini en reliques pour sa peine. L'autel en marbre, qui fait un peu trop l'éloge du dragonicide à notre goût, et l'énorme sarcophage en pierre renfermant les reliques de la pauvre Euphémie tranchent un peu avec les vitraux ultra-modernes, mais bizarrement, la juxtaposition du très ancien et du nouveau fonctionne plutôt bien. Etant incapables de voir une tour sans avoir envie de monter au sommet, nous nous lançons dans l'ascension du campanile, dont les escaliers en bois promettent de belles entorses (au mieux) à qui serait assez fou pour les aborder en tongs. On ne saura sans doute jamais comment des familles avec de très jeunes enfants ont réussi à monter, et encore moins à descendre, car même les adultes ne font pas les fiers. Au sommet, c'est toujours du bleu à perte de vue, et l'envie de plonger qui ne fait que s'intensifier...

De retour sur le plancher des vaches après quelques frayeurs et pas mal d'embouteillages dans les escaliers, nous quittons la vieille ville par la très vénitienne arche de Balbi pour aller retrouver notre voiture. Nous sommes d'ailleurs bien les seuls à faire le trajet dans ce sens, puisque c'est apparemment l'heure à laquelle les touristes fondent en masse sur la ville, sans doute pour aller déjeuner avant d'aller passer l'après-midi à la "plage". Les voitures, quand ce ne sont pas des cars entiers, sont quasiment à l'arrêt, pare-chocs contre pare-chocs, sur une bonne dizaine de kilomètres depuis la vieille ville, et il continue d'en arriver alors que nous nous éloignons de Rovinj. Inutile de préciser que nous sommes ravis d'être arrivés tôt et d'avoir échappé à ce cauchemar...

Prochaine étape, à seulement quelques kilomètres de tout ce chaos : les ruines de Dvigrad, un petit village médiéval abandonné au 17e siècle. La première chose que l'on remarque en arrivant, c'est le donjon carré digne des livres d'histoire de primaire, qui montre son meilleur profil au visiteur (il lui manque un mur à l'arrière, mais chut). Pour les enfants et ceux qui le sont resté, Dvigrad est un vrai terrain de jeu à ciel ouvert, qui permet de jouer au cabri sur les murs à demi écroulés des 200 maisons, de l'église et de l'enceinte. Aucune barrière, aucun panneau d'interdiction d'escalader... Lorsqu'on se balade à plusieurs dizaines de mètres du sol et que le vent se met à souffler de façon un peu insistante, on ne peut s'empêcher de se demander quel pourcentage de perte le site enregistre à l'année !

Il est à peine plus de midi et les visites sont déjà finies pour aujourd'hui, car nous avons près de 3h30 de route devant nous pour rejoindre le nord de la Dalmatie et le parc national des Lacs de Plitvice. Nous faisons donc en sens inverse le trajet emprunté la veille pour entrer en Istrie, mais les conditions ne sont plus tout à fait les mêmes : alors qu'hier le thermomètre affichait jusqu'à 36 °C, aujourd'hui, le vent se fait de plus en plus fort au fur et à mesure du trajet, et nous regardons la température chuter pratiquement tous les trois kilomètres. Au point que, lorsque nous faisons étape sur la même aire d'autoroute que la veille pour déjeuner (un pur hasard, promis), il ne fait plus que 15 petits degrés ! C'est à y perdre son latin, et sans doute sa santé par la même occasion !

La deuxième partie du trajet, du golfe du Kvarner à la Dalmatie, est à l'avenant, et nous finissons avec 13 °C au compteur. La route, en revanche, est absolument superbe et bucolique à souhait. Nous croisons même un couple de cigognes dans un petit village, ce qui laisse l'Alsacien de marbre mais ravit celle qui n'a pas grandi avec ces bestiaux sur le toit de sa maison. L'arrivée en Dalmatie se fait par la toute petite porte, ou, dans le cas présent, par les toutes petites routes de forêt de Plitvice, du genre où l'on redoute à tous les virages de croiser une autre voiture de peur de finir dans le ravin. Les villages du coin ont de faux airs de stations de ski alpin, la neige en moins. Ici, l'eau se trouve surtout à l'état très, très liquide – mais ça, c'est une histoire qu'on vous raconte demain !

Adieu à l'Istrie !

lundi 16 août 2021

Croatie, jour 2 - Poreč, Pula & Bale

Il n'est que 9h du matin lorsque nous prenons la route de l'Istrie, et le thermomètre de la voiture indique déjà 26 °C, ce qui laisse présager des températures accablantes pour le reste de la journée... Environ 1h30 de trajet nous sépare de notre première étape, Poreč, ce qui nous laisse largement le temps de nous extasier sur la beauté des paysages de la région, quelque part entre la Toscane pour ses collines et la Suisse pour ses "châlets", et la qualité du réseau routier croate (c'est quand on trouve les routes et les ponts dignes d'éloges qu'on se dit qu'on vieillit un peu, ma bonne dame). Nous arrivons à Poreč, au bord de l'Adriatique, en même temps que les amateurs de bronzette, ce qui rend le stationnement un peu compliqué. Mais quand on n'a pas de place de parking, on a des jambes, et on a connu pire que la marche à pieds le long d'une mer bleu azur.

La principale attraction touristique de Poreč (en dehors de cette eau dans laquelle tous mes instincts me hurlent de me jeter, évidemment), c'est sa basilique euphrasienne, ainsi nommée en référence à l'évêque qui la fit construire, Euphrasius. Bâtie au milieu du 6e siècle, en pleine apogée de l'Empire romain d'Orient, la basilique est toujours fréquentée par les fidèles de nos jours pour la messe, et le palais épiscopal attenant a même abrité l'évêque local jusqu'à la fin du 20e siècle. Conséquence de bientôt quinze siècles d'utilisation et d'occupation constante, le complexe est dans un état de conservation irréprochable, et Euphrasius ne serait sans doute pas trop dépaysé s'il revenait aujourd'hui (à condition de ne pas se rendre à la plage, évidemment). L'ascension du campanile est franchement raide, mais la vue sur la ville et l'Adriatique depuis le sommet est superbe et valait bien un petit effort.

Le musée de la basilique renferme quelques statues et retables plutôt agréables à regarder, mais pour la première fois de notre vie, ce qui nous intéresse avant tout, c'est le lapidaire. D'ordinaire, les collections de cailloux, ce n'est pas exactement notre fort, mais qui dit Empire romain d'Orient dit mosaïques – et là, les cailloux prennent une toute autre dimension. C'est bien simple, il y en a partout : au sol, sur les murs, dans le musée, à l'air libre... Dans la basilique, on marche carrément sur des petits carreaux colorés qui n'ont pas été jugés dignes d'être exposés dans le lapidaire, et il faut grimper dans les étages du musée pour apprécier pleinement les mosaïques extérieures. Mais les plus impressionnantes sont celles de l'abside, puisqu'il s'agit de mosaïques... sur fond d'or, évidemment. C'est Byzance en Croatie, c'est éblouissant, et on n'ose pas vraiment imaginer le nombre d'heures de travail nécessaires pour arriver à ce résultat.

Après une visite rapide (parce qu'il est midi et que l'ombre se fait rare) de la vieille ville et de ce qui reste de ses fortifications, nous décidons de nous rendre à Pula, tout au sud de l'Istrie. L'étape n'était pas du tout prévue au programme, mais nous avons un peu d'avance sur notre planning, ce qui nous permet de continuer le thème "Empire romain" dans ce qui fut l'une des plus importantes colonies romaines à compter du 1er siècle. Le coin ressemble à l'Italie, on y produit du vin et de l'huile d'olive... Les Romains s'y sont vite sentis chez eux, et pour y être tout à fait à leur aise, ils y ont évidemment fait construire des arènes. Que voulez-vous, les vacances sans combats de gladiateurs, ce ne sont pas vraiment des vacances. Nous ne sommes pas exactement aux dimensions du Colisée, mais les arènes de Pula sont bien conservées et se découpent joliment sur le bleu de l'Adriatique (ou de ses chantiers navals, en tous cas...), ce qui n'est pas le plus courant. Le jeu consiste à voir le plus de choses possibles en rasant les murs pour éviter l'insolation, et même comme ça, le site réussit à être particulièrement photogénique.

Encore plus près de la mer, dans le prolongement de ce qui ressemble toujours à un forum romain, architecture moderne en plus, on trouve le temple d'Auguste et ses six colonnes corinthiennes. En période de Covid, s'entasser dans un intérieur minuscule n'est pas la meilleure idée qui soit, et nous préférons profiter du site en extérieur... mais pas trop longtemps, car encore une fois, la chaleur nous pousse rapidement à regagner la voiture et la climatisation. Notre hôtel nous attend à mi-chemin entre Pula et Poreč, et nous allons nous rafraîchir et nous reposer un peu avant le dîner dans le petit village médiéval de Bale. Avec ses grosses tours carrées, ses lions de Saint-Marc qui trahissent le passage des Vénitiens dans le coin, ses ruelles fleuries et ses chats flemmasses et peu farouches, l'endroit est chou comme tout, et la visite à la fraîche ne gâche rien. La journée se termine par un dîner sous une tonnelle, avec des températures enfin vivables. Que demande le peuple ?

Le bleu est ma couleur.