mardi 8 août 2023

Îles Féroé

Jour 0 : A mi-chemin entre Ecosse et Islande...

L'an dernier, nous étions particulièrement fiers d'avoir opté pour des vacances d'été aux Orcades, où une température de 18° est considérée comme caniculaire, alors que la région parisienne cuisait sous approximativement 45 et que l'apocalypse climatique semblait à nos portes. En 2023, nous avons donc décidé de réitérer l'expérience et de "fuir la canicule" encore plus haut, aux Îles Féroé, où le thermomètre atteint péniblement les 15° dans un bon jour et où il pleut environ 360 jours par an. Ce que nous n'avions pas prévu, c'était l'authentique tempête hivernale qui allait s'abattre sur le nord de l'Europe la semaine de notre départ... Nos vols Paris-Copenhague et Copenhague-Féroé n'auront heureusement pas été impactés, mais il s'en sera fallu de peu. C'est donc après un trajet sans aucun incident que nous atterrissons à l'aéroport de Vágar, le seul et unique des Féroé, construit par les Britanniques pendant la Seconde Guerre mondiale. Le temps de récupérer notre voiture de location et de lancer un petit Ormurin Langi (parce que quand on a un groupe de metal féroïen dans sa playlist, on en profite), et nous voilà partis pour la capitale, Tórshavn, qui sera notre base le temps d'explorer l'île de Streymoy.


Jour 1 : Saksun et Tjørnuvík

Premier jour complet sur place, première randonnée et première saucée... Et pour attaquer en beauté, ce sera le site de Saksun, délicieux petit village dont la population s'élève à 30 personnes mais qui figure pourtant sur toutes les cartes postales. En même temps, entre les toits de gazon, les multiples cascades, le sable noir, les falaises d'une parfaite verticalité et les moutons partout, on comprend aisément l'attrait touristique. Pour faire des photos magnifiques, il n'y a régler l'appareil en mode rafale et le pointer à peu près n'importe où. La pluie qui nous a suivis depuis Tórshavn se rappelle à notre bon souvenir à intervalles réguliers, jusqu'à se décider pour une bonne grosse ondée continue qui nous pousse à sortir les pantalons imperméables (oui, nous sommes équipés !). Face à la mer, les pieds dans le sable noir et la pluie dans le visage, entourés de ces falaises vertigineuses qui font la réputation des Féroé, nous avons comme un sentiment de fin du monde – mais si la fin du monde ressemble à ça, elle sera au moins agréable à regarder ! Après 10 km de marche et avec l'impression d'être tombés dans la mer, nous reprenons la route, manquons passer à côté de la plus grande cascade des Féroé et atteignons enfin le village le plus septentrional de Streymoy, Tjørnuvík. L'attraction locale, ce sont les deux rochers d'environ 70 m qui se dressent au large de la plage – le Géant et la Sorcière, de leurs petits noms. La légende veut que ces deux-là aient un jour eu envie de ramener les Îles Féroé chez eux, en Islande, mais que l'opération ce soit avérée un peu plus compliquée que prévu et qu'ils aient été surpris par le lever du soleil, lequel les aurait aussitôt changés en pierre. C'est tout de même plus sympa que des considérations rasoir comme la tectonique des plaques et l'érosion ! Contre toute attente, nous aurons tout de même eu droit à un rayon de soleil aujourd'hui : ce chien de berger, sans doute sur son heure de pause, qui nous a suivis pendant plusieurs kilomètres après s'être rendu compte que l'humain mâle aimait bien lancer le bâton. Ce monde ne mérite vraiment pas les chiens.

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Jour 2 : Kirkjubøur, île d'Hestur et Tórshavn

Nous poursuivons aujourd'hui notre découverte de l'île de Streymoy avec des visites beaucoup plus proches de notre camp de base, en commençant par Kirkjubøur, l'un des plus anciens sites habités des Féroé et accessoirement le village le plus au sud de l'île principale. Après avoir longtemps dépendu de la Norvège en matière de religion, les Îles Féroé eurent droit à leur propre archevêché aux alentours du 13e siècle. Au Moyen Age, un archevêché nordique, c'était avant tout une ferme, et la situation de Kirkjubøur en faisait l'endroit idéal pour faire pousser les rares trucs qui poussent sous des latitudes pareilles, faire paître des moutons et récupérer du bois flotté. Autant de raisons qui expliquent la présence de l'abbaye St Magnus (ou plutôt de ses jolies ruines), l'un des rares bâtiments médiévaux encore debout aux Féroé. Si on veut être archéologue dans ce pays, il vaut mieux s'intéresser aux Vikings... Malgré la beauté du lieu, c'est une expérience beaucoup plus moderne qui constitue le clou de notre journée : un tour de 90 minutes en speedboat autour de l'île d'Hestur, véritable hôtel de luxe pour oiseaux marins. Le temps est aujourd'hui extrêmement dégagé, et si cela veut dire qu'il fait carrément froid, cela signifie aussi que la mer est calme et que les conditions sont parfaites pour admirer de très, très près les falaises hallucinantes qui constituent 98 % des Îles Féroé (et les grottes qui les traversent par la même occasion). Au passage, nous croisons également nos premiers macareux, quelques guillemots, des colonies entières de mouettes tridactyles et deux phoques très curieux qui avaient l'air de se demander ce que ces idiots d'humains avaient encore inventé. Une expérience décoiffante, surtout lancés à 40 nœuds avec "Highway to Hell" dans les enceintes du bateau !! Nous finissons la journée avec une exploration rapide de Tórshavn, l'une des plus petites capitales du monde (c'est un thème, ici : tout est miniature... sauf les falaises) du haut de ses 23 000 habitants. Il vaut mieux pour les politiciens que les administrés soient contents, car la porte en bois des bureaux du Premier Ministre et du Ministère des Finances ne résisterait sans doute pas à une petite mamie armée de sa seule déclaration de revenus. Avec son intérieur en bois peint de couleurs vives, la cathédrale est le lieu de culte le plus dépouillé que nous ayons jamais visité, et le centre historique tient dans un mouchoir de poche. Malgré son nom grandiloquent ("havre/port de Thor"), Tórshavn, c'est la capitale des Polly Pocket.


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Jour 3 : Viðareiði et Múli

Si l'adage veut que la météo féroïenne passe par les quatre saisons en une seule journée, d'une île et d'une journée à l'autre, c'est encore pire ! Après avoir quitté Tórshavn et Streymoy via le seul tunnel sous-marin de notre connaissance à posséder un rond-point, nous prenons la direction des îles du nord, et plus précisément de Viðareiði, le point le plus septentrional des Féroé accessible en voiture. L'objectif est d'atteindre le point le plus septentrional des Féroé tout court, le sommet du mont Enniberg, qui culmine à un petit 754 m d'altitude, mais la tempête qui se déchaîne sur cette partie du pays nous fait bien vite comprendre que l'exploit est compromis : au niveau de la mer et de la petite église de Viðareiði, le vent est tel qu'il est impossible de se tenir debout et que nous refusons de laisser les portes de la voiture ouvertes de peur qu'elles ne soient arrachées ou qu'elle ne claquent accidentellement sur nos tibias (absolument véridique). La pluie est bien évidemment de la partie, elle aussi, ce qui rend l'ascension de l'Enniberg dangereuse en plus d'être difficile et déplaisante. Ajoutez à cela une certaine voyageuse souffrant d'asthme et vilainement malade depuis le début des vacances, et vous comprendrez pourquoi nous n'avons pas dépassé un tiers du trajet. Nous avons pu profiter un peu de la vue époustouflante sur les îles de Vidoy et Bordoy, et c'est déjà bien. Dans la vie, il faut savoir choisir ses combats ! Malgré la pluie persistante et le vent qui a décidé de battre des records de vitesse, nous poursuivons les visites prévues avec le Dernier Village Avant la Fin du Monde, Múli. Considéré comme abandonné depuis 1992, ce minuscule hameau (le dernier de l'archipel à avoir été raccordé à l'électricité... en 1970) se situe tout au bout du bout de la seule route qui traverse Bordoy. Ce qui ne nous a pas effleurés au moment de préparer le planning de notre road trip, c'est que qui dit village abandonné dit aussi... route abandonné. Nous comprenons très vite notre erreur lorsque les pneus de notre pauvre voiture maltraitée rencontrent les premiers nids de poule de la taille d'impacts de petits astéroïdes. Au final, après un quart d'heure de conduite qui nous fait craindre pour notre caution, nous ne pouvons même pas vraiment profiter de la vue, car la météo nous fait clairement comprendre que nous ne sommes pas du tout les bienvenus. Message reçu, cette fois-ci ; notre dernière étape nous conduit à notre camp de base pour les deux prochaines nuits, Klaksvík, la plus grande ville des îles du nord. Au programme : du chauffage, une bonne douche chaude et au lit avec les poules, car la journée de demain promet d'être rock'n'roll.



Jour 4 : Trøllanes, Mikladalur et Klaksvík

Décidément, les journées se suivent et ne se ressemblent pas ! Après la tempête d'hier, nous avons droit aujourd'hui à un temps de rêve pour la randonnée, ce qui n'est pas du luxe pour ce qui nous attend... Si le phare de Kallur, sur l'île de Kalsoy, est devenu un grand favori des amateurs de crapahutage en visite aux Féroé, les locaux n'ont pas eu le mémo. En effet, le ferry qui relie Klaksvík à Kalsoy ne circule qu'une demi-douzaine de fois par jour et ne peut accueillir que 12 voitures, ni plus ni moins. Autant dire qu'il faut se lever tôt (littéralement) et avoir une stratégie réfléchie pour espérer accéder à ce satané phare. Le réveil sonne donc à l'heure inacceptable de 6h30 pour que Benjamin puisse déposer la voiture au terminal du ferry à 6h41 (le premier bateau du jour est parti à 6h40) et ait le temps de revenir petit-déjeuner et se préparer au BnB. A 7h20, nous nous mettons en route (à pied, donc) pour le port. A 7h30, moins de 5 minutes avant l'embarquement, nous voici tranquillement dans la voiture, premiers de la file. J'aime quand un plan se déroule sans accroc ! Après 20 de traversée et 20 minutes de voiture supplémentaires, nous voici à Trøllanes, point de départ de la randonnée tant vantée. Il fait presque chaud, il n'y a pas un nuage à l'horizon, et nous pouvons profiter à 100 % des paysages absolument hallucinants de la pointe nord de Kalsoy. Le phare lui-même n'a strictement aucun intérêt, mais ce qu'il y autour vaut 1000 fois le réveil matinal et les litres de sueur perdus pour gravir 3 petits kilomètres. Cette vue, ce cadre, cette nature dans toute sa gloire, c'est pile la raison pour laquelle nous avons fait le voyage. De retour au niveau de la mer, nous décidons d'explorer un peu Trøllanes, et bien nous en prend, car nous découvrons une petite colonie de macareux à l'autre bout du village... et qui dit macareux dit obligatoirement séance photos. L'autre attraction de Kalsoy, c'est la statue de selkie (ou Kópakonan dans l'idiome local) installée face à la mer dans le petit village de Mikladalur. La dame est belle, mais les cascades autour le sont tout autant et valent absolument le détour. Il est à peine 13h lorsque nous allons prendre notre place dans la file pour le ferry de retour, et nous sommes déjà 8e alors que le départ n'est pas prévu avant 15h10. Du début à la fin, notre stratégie aura payé !! N'ayant visiblement pas assez marché aujourd'hui, de retour à Klaksvík, nous montons jusqu'au point de vue de Klakkur, qui offre une superbe vue sur la ville et les îles les plus proches. Non, nous n'avons pas eu le courage de grimper jusqu'au sommet – une montagne par jour, ça suffit, merci bien ! De toute façon, dans le coin, le paysage est à couper le souffle quelle que soit l'altitude. La journée fut stressante et sportive, mais elle fut surtout mémorable !



Jour 5 : Gjógv, Elduvík et Oyndarfjørður

Le voyage touche presque à sa fin, et il est temps de quitter les îles du nord pour nous rapprocher de Vágar, de son aéroport et des belles visites qu'il nous reste encore à faire. Aujourd'hui est donc principalement une journée de route, ponctuée de jolis arrêts dans des villages perdus autour de l'un des fjords de l'île d'Esturoy. Nous commençons par l'adorable Gjógv, sa rivière, son monument aux disparus en mer et surtout, son chemin de randonnée en bord de falaise, qui met les mollets et les cuisses à mal de bon matin. Mais nous tombons sur une petite famille de macareux en chemin et cela rend tout le suite l'ascension plus choupignonne et plus agréable. Viennent ensuite Elduvík, son chemin côtier et sa statue de sirène, puis Oyndarfjørður et ses parcs à saumon qui alimentent l'usine Mowi toute proche (miam). Le temps de trajet n'étant apparemment pas assez long pour la journée, nous faisons un détour par la micro-ville de Vestmanna (un peu moins de 1300 habitants, autant une mégalopole dans le coin !!) en espérant pouvoir visiter la distillerie Faer Isles, mais les visites guidées n'ont malheureusement pas lieu tous les jours. Quant à découvrir la production librement, il ne faut pas trop y penser dans un pays où la vente d'alcool est contrôlée par le gouvernement et limitée à un grand total de 10 magasins officiels pour une population de 53 000 personnes... Un coup d'épée dans l'eau, donc, mais nous n'avons pas vraiment perdu notre temps pour autant : ici, le simple fait de regarder la route défiler est une expérience spectaculaire, et il y a toujours des idiots de moutons dont se moquer. Notre dernier camp de base du voyage, Gasadalur (c'est sympa de pouvoir écrire un nom de bled sans avoir à le copier depuis Google pour être sûre d'avoir toutes les lettres bizarres correctement placées...), nous permettra d'explorer Vágar pendant les deux jours à venir.



Jour 6 : Trælanípa, Bøsdalafossur et Gasadalur

Le moins que l'on puisse dire, c'est que nous aurons eu une chance folle en matière de météo pour les "grosses" randonnées de notre programme. Marcher sous la pluie, ça va un moment, mais il est tout de même plus agréable de découvrir les lieux emblématiques de sa destination de vacances sous le soleil. Au programme de notre samedi ultra-ensoleillé (indiscutablement la plus belle journée de la semaine), Sørvágsvatn, Trælanípa et Bøsdalafossur. Ces noms imprononçables pour nous ne disent sans doute rien à personne, mais si on vous dit "le lac suspendu au-dessus de la mer avec la cascade", il y a de fortes chances que ça vous parle davantage. Quiconque a déjà vu des photos de ce site extrêmement célèbre des Îles Féroé s'est forcément exclamé : "Oooooh, c'est beau !!!". Sans surprise aucune, ça l'est encore plus en vrai... On se demande vraiment ce que Mère Nature a cherché à faire avec cette configuration plus que bizarre, mais au final, quelle importance ? C'est à couper le souffle et c'est tout ce qui compte. Le gros point positif du lac, c'est que cela implique un terrain relativement plat, et que nous ne passons donc pas nos trois heures de randonnée à marche comme des moutons à flanc de falaise, ce que les mollets apprécient grandement. Après cette balade iconique, nous passons dire bonjour au kelpie qui vit dans les eaux de Sørvágsvatn (ou plutôt à sa statue), puis, comme le thème du jour semble être aquatique, nous concluons avec la superbe cascade de Múlafossur, qui se situe en contrebas de notre village-étape, Gasadalur. Encore un coin où Mère Nature a décidé de se la péter...



Jour 7 : Mykines

Le ferry à destination de l'île de Mykines ayant été annulé hier "à cause de la météo" (ce n'est pas parce qu'il fait grand soleil que la mer est calme), nous nous inquiétions un peu de savoir si nous pourrions nous y rendre ce matin, mais la chance est encore une fois avec nous. L'énorme nuage qui s'est posé sur l'île hier reste fermement en place, mais ce n'est apparemment pas un problème pour prendre la mer. La traversée, censée durer 45 minutes, prend plutôt une bonne heure, car nous avons droit à un petit détour par l'îlot de Tindhólm, histoire d'admirer son arche, ses cinq pics et ses falaises vertigineuses qui donnent l'impression de s'approcher d'un kaiju endormi ou de Skull Island (pas de singe de 100 m de haut à l'horizon, on serait presque déçus). Une fois débarqués à Mykines, il devient très vite évident que le panorama ne sera pas le point fort de la visite, car le brouillard est plus que dense. Aucune importance : l'attraction principale, elle, est suffisamment proche pour être bien visible malgré la purée de pois. Car Mykines, c'est avant tout un site de reproduction et de nichage pour une colonie de 200 000 macareux moines (contre 1000 moutons et 8 humains à l'année), qui justifient à eux tout seuls de réserver un ferry 6 semaines à l'avance et d'affronter un chemin de randonnée qui donne l'impression de gravir l'Everest par la face nord. Et elles sont VRAIMENT partout, ces créations choupissimes de Mère Nature. Si elles ne se laissent pas exactement approcher (il est de toute façon interdit de sortir du chemin, sous peine de marcher sur des nids), elles ne sont en revanche pas farouches pour deux sous et vivent leur vie comme si les humains en adoration armés d'appareils photos vingt fois plus lourds qu'elles n'étaient même pas là. Une rencontre absolument incroyable, et un bel exercice physique en prime, qui voit la plupart des passagers du ferry du retour opter pour une petite sieste. L'air de la mer, le vent et l'escalade, ça vous achève un touriste...



Conclusion

Une destination au-delà du sublime, à recommander à tous ceux qui n'ont pas peur de passer leur été sous la pluie, ainsi qu'aux amoureux de nature, de paysages et de randonnée. Fans de musées et de visites en intérieur s'abstenir : les Féroé, c'est le pays de la marche et de la vie au grand air ! (Frais, l'air. Trèèèèès frais...)