IL NE PLEUT PLUS. C'est ce que nous retenons en montant dans la voiture ce matin et en prenant la route de l'abbaye de Tintern. Bon, d'accord, tout est relatif : en plus d'une heure de route, nous apercevons bien quelques gouttes/un vague crachin, mais rien d'insurmontable. Le temps d'arriver à Tintern (une bonne demi-heure plus tard que prévu en raison d'une déviation qui nous oblige à quitter la grande route pour prendre des kilomètres de mini-routes de campagne), il faut même sortir les lunettes de soleil et retirer les gilets. Joie !
L'abbaye de Tintern, fondée en 1131 par les Cisterciens, a longtemps fait le bonheur de tous les Romantiques britanniques, à commencer par Turner, et on comprend pourquoi en arrivant sur le site. Ce bon vieux Henri VIII ayant décrété que toutes les abbayes ayant un revenu annuel inférieur à 200£ devaient fermer boutique, Tintern fut abandonnée pendant la Réforme et il n'en reste plus que des ruines colossales et gothiques à souhait. A l'époque de Turner, le lierre envahissait même les façades et les arcades ; ce n'est plus le cas aujourd'hui (vous savez ce que ça fait aux vieilles pierres, le lierre ?!), mais ça reste sacrément imposant.
L'abbaye est immense et on se demande un temps comment un endroit pareil se débrouillait pour ne pas atteindre les 200£ de revenus, avant de se rappeler que les Cisterciens étaient très orientés pauvreté/refus des possessions terrestres et des ornements, et que leur richesse venait de la terre, ce qui permet de manger mais pas vraiment de remplir le compte bancaire. Les restes de l'infirmerie, presque plus grande à elle toute seule que le dortoir des moines, témoignent bien de la taille globale du site. Le plus impressionnant reste bien sûr l'église à proprement parler, et surtout cette façade nord toute en voûtes gothiques si bien immortalisée par Turner. A défaut de savoir peindre (quoique, l'une d'entre nous se débrouille pas mal !), nous nous rabattons sur les photos, d'autant qu'il n'y a toujours pas de pluie pour venir nous contrarier. On croise les doigts pour la suite...
Nous avions à l'origine prévu de passer par un joli point de vue, mais celui-ci nous éloignerait largement de notre destination suivante, et nous décidons donc de nous arrêter à la place au château de Raglan, qui se trouve littéralement sur notre route. On continue dans la thématique "ruines", mais la ressemblance avec Tintern s'arrête là : à Raglan, on a affaire à un château avec un certain nombre de tours encore debout, qui vit passer un certain Henri Tudor, alias le futur Henri VII (le papa du VIII, donc, au moins c'est simple), quand il était enfant. Particularité du lieu : le donjon, dernier bastion à défendre en cas d'attaque, est construit à l'écart du corps du château, histoire de rendre Raglan encore plus difficile à prendre qu'en temps normal. Bon, ça ne l'a pas empêché de tomber pendant la Guerre Civile, mais quand les attaquants sortent le mortier, ça calme...
Il ne pleut toujours pas, ce qui nous permet de profiter à fond de ce vaste site aux douves de carte postale (les nénuphars nuisent un peu au côté dissuasif...). Il est assez rare de pouvoir faire le tour d'un donjon aussi particulier, alors pas question de se priver ! Pour le reste de la visite, il ne faut compter que sur des ruines (au demeurant extrêmement jolies) et non sur des pièces reconstituées, mais les quelques éléments de muséographie à destination des enfants font aussi plaisir aux grands. C'est aussi l'occasion de jouer aux photographes animaliers grâce aux innombrables hirondelles qui occupent toutes les anfractuosités des murs et prennent la pose sur les créneaux. Encore un petit jeu dont nous n'aurions pas pu profiter avec la météo d'hier...
Après un trajet bucolique dans des collines parsemées de moutons en liberté (on aurait été contrariés de ne pas en croiser au milieu de la route pendant la séjour), changement total de siècle et d'ambiance avec notre prochaine étape : The Big Pit, alias l'ancienne mine de fer et de charbon de Blaenavon. Elle a beau être qualifiée de "big", c'est loin d'être la plus profonde du pays, puisqu'elle ne descend qu'à 90 m de profondeur. Tout est resté dans son jus depuis la fermeture en 1980, jusqu'aux anciens mineurs qui sont là pour vous faire visiter les galeries. Car tout l'intérêt de la visite est là : descendre au fond du fond de la mine avec un casque, une lampe frontale et un masque à gaz, et écouter le guide évoquer les conditions de travail absolument épouvantables des hommes, femmes, enfants et chevaux qui ont trimé là pendant des décennies. Bon, notre guide à nous est beaucoup trop jeune pour avoir connu ça (les anciens mineurs avançant tous sérieusement en âge, ils sont progressivement remplacés par une génération de guides à peine assez âgée pour avoir connu les mines en activité), mais cela ne change rien aux informations qu'il a à dispenser.
Le moindre appareil contenant une batterie est interdit au fond de la mine pour cause de risque d'étincelle (ce n'est pas comme si une explosion était à craindre étant donné que le charbon n'est plus exploité depuis 40 ans, mais c'est la loi, alors on obéit), et cela inclut évidemment les appareils photos et téléphones, donc pas de photos des galeries. Mais la visite est réellement impressionnante, surtout quand il faut se casser en deux pour passer une porte de ventilation (et bien refermer ladite porte derrière soi, sinon l'air respirable ne peut plus circuler dans la mine et tout le monde meurt) ou quand le guide nous demande de couper les lampes frontales pour se faire une idée de ce que subissaient les gamins préposés à l'ouverture et à la fermeture desdites portes. Brrr... Malgré les infos pas franchement riantes qu'il partage (coups de grisou, travail des enfants à partir de 5 ans, journées de travail de 12 heures, 74 chevaux qui ne voyaient jamais le soleil et congés payés à partir de 1947), notre guide contribue à rendre la visite vraiment exceptionnelle avec un humour et une bonne humeur à toute épreuve. Les deux petites filles de notre groupe en ressortent un peu traumatisées (personne n'a jamais dû leur dire que fut un temps, elles auraient déjà un boulot), mais les adultes, eux, ont trouvé la visite fascinante. Même les deux qui ont dû faire l'interprétation simultanée tout du long pour leurs mamans respectives !
Le reste de la visite, encore plus complet, nous fait passer par la salle des machines actionnant l'ascenseur, ainsi que par les vestiaires et les douches des mineurs. Il aura fallu attendre le début du 20è siècle pour que quelqu'un ait l'idée de génie de permettre aux gueules noires de se laver après leur journée de travail, plutôt que de rentrer chez eux couverts de poussière de charbon... On aurait bien aimé lire l'intégralité des panneaux du musée lui-même, mais le tout est tellement riche et complet que nous y serions sans doute encore. Vie quotidienne des épouses de mineurs, formation du charbon, équipement de travail, grandes grèves du milieu du 20è siècle, tous les sujets y passent, et c'est tout simplement fascinant. Le site est classé au patrimoine de l'Unesco et c'est franchement mérité.
Pas vilains, les paysages...
Nous avions à l'origine prévu un arrêt au prieuré de Llanthony, mais le temps nous manque un peu (la faute à une Big Pit géniale qui nous aura occupés trois heures) et nous préférons pousser jusqu'à Hay-on-Wye, à une bonne heure de route. Surnommée "Booktown", la ville des livres, Hay est célèbre pour compter une bonne trentaine de librairies, soit environ une pour 65 habitants. Heureusement que nous arrivons sur le coup de 18h, que tout est fermé et que nous devons nous contenter d'une balade pour prendre des photos, c'est plus économique et ça évite l'excédent de bagages à l'aéroport ! La plupart des librairies étant concentrées dans quelques rues de l'hypercentre, nous passons un moment à flâner et à mitrailler les façades. Et nous pouvons nous le permettre parce qu'IL NE PLEUT TOUJOURS PAS. Ce qui est quand même 'achement mieux pour jouer aux touristes...
Notre hôtel pour la nuit se trouve à 5 minutes de route de Hay, et c'est plutôt une bonne chose car la journée a encore été riche. Vu le programme de demain, plus qu'à espérer que la météo se maintienne...
Il paraît qu'on a marché sur la Lune il y a 50 ans tout pile, mais aujourd'hui, on a préféré les profondeurs à l'espace...
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