jeudi 16 mai 2024

Italie du Nord, jours 12 et 13 - Le lac de Garde et Vérone

Dernier lac au programme de notre séjour : le lac de Garde, le plus grand d'Italie avec ses 370 km² (le cerveau a vraiment du mal à admettre qu'une telle étendue d'eau n'est pas la mer), aux confins de la Lombardie et de la Vénétie. L'ancien village de pêcheurs de Sirmione, situé tout au bout d'une presqu'île de 4 km de long qui s'avance dans le lac, possède d'ailleurs un superbe château construit par la famille vénitienne qui dirigeait le coin à l'époque, les Della Scala. En bons Vénitiens qui se respectent, ces derniers ont évidemment préféré bâtir leur résidence... sur l'eau, parce que la terre ferme, c'est pour les faibles. Cela dit, on ne va pas se mentir, c'est vraiment délicieux à regarder.


D'ailleurs, à peu près tout à Sirmione est délicieux à regarder : la promenade des Muses le long du lac, les ruelles étroites, les portails des villas de luxe, l'église San Pietro in Mavino avec ses fresques et son oliveraie bien fraîche... Et oui, la fraîcheur, ça compte, car le soleil a manifestement décidé de rattraper tout le retard accumulé depuis le début de l'année et de passer en mode estival au mois de mai. Il paraît que le lac de Garde bénéficie d'un micro-climat, et on veut bien le croire. Les Romains avaient d'ailleurs bien compris que l'endroit était idéal pour passer l'été, et la famille du poète Catulle n'a pas lésiné sur les moyens pour se faire construire une villa de 18 000 m² tout au bout de la péninsule. Non, il n'y a pas d'erreur sur le chiffre, et oui, c'est vraiment, vraiment très impressionnant. Aucune chance d'entendre quelqu'un crier "à table !" pour les convives partis à la plage ou au fond du jardin... Plus près de nous, Maria Callas séjourna également à Sirmione, mais dans une villa un poil plus petite. L'art lyrique dans les années 50, ça ne paie pas aussi bien que la poésie en dans les années -50, il faut croire.


Parce que nous avons vraiment été frustrés de Côme, nous ne voulons pas passer à côté d'une autre balade sur le lac, mais heureusement pour nous, l'activité semble beaucoup moins populaire ici. Il nous est donc beaucoup plus facile de trouver un petit bateau dans lequel nous installer pour découvrir la presqu'île de Sirmione, son château et ses ruines romaines sous un autre angle (dans le cas du pont du château, l'angle en question étant carrément "aplatis sur les banquettes" pour éviter de se cogner la tête). Une jolie façon de se rafraîchir et de conclure la tournée des lacs.


Pas vraiment besoin de nous rafraîchir à Vérone pour le dernier jour des vacances : la pluie se charge très bien toute seule de faire baisser la température – et de doucher notre enthousiasme par la même occasion. Pour ne rien arranger, touristes et groupes scolaires se marchent littéralement dessus dans les rues de la ville et les sites historiques, et nous avons un peu l'impression d'affronter les couloirs de la ligne 13 un jour de grève dans le seul et unique corridor visitables des arènes. Oui, le théâtre est plutôt très bien conservé, mais à moins d'avoir des billets pour la saison d'opéra qui doit s'y tenir, il n'y a pas grand-chose à en voir. Même constat (forcément) à la maison de Juliette : la foule se presse pour aller tripoter la statue d'une gamine de 13 ans dont la crise de pré-ado a causé la mort de six personnes (dont la sienne), et le créneau pour prendre une photo sans personne dessus est d'une demi-seconde à peine, mais nous avons relevé le défi.


Pour la première fois depuis quinze jours, il pleut vraiment, et nous pouvons tellement peu profiter de la visite que nous envisageons sincèrement de retourner à l'hôtel pour mettre nos pantalons à sécher et nous glisser sous la couette avec une bonne tasse de thé. Heureusement, nous sommes sauvés par les églises, cathédrales et autres basiliques, qui, en plus d'être au sec, s'avèrent extrêmement intéressantes, avec leurs fresques et leur espèce de jubé circulaire que nous n'avons jamais vu ailleurs. Le plafond en bois de San Fermo est un vrai tour de force, et nous ne sommes finalement pas mécontents d'avoir fui la pluie en terre consacrée.


La journée et le séjour auraient dû se conclure en regardant le coucher du soleil avec une bouteille de chianti depuis la colline de San Pietro, mais avec une météo pareille, nous n'avons pas d'autre choix que d'y renoncer. Nous avions déjà une dent contre Roméo et Juliette, mais ce n'est pas ce passage humide et encombré à Vérone qui nous fera changer d'avis !!


Au final, encore un bien beau voyage, dont les seuls couacs auront été liés au nombre déjà très important de touristes en cette période de l'année. Mais la beauté de la région vaut bien quelques prises de tête pour trouver une place de parking...

lundi 13 mai 2024

Italie du Nord, jours 9 à 11 - Le lac d'Iseo et ses environs

C'est presque un théorème mathématique : dès qu'il y a moins d'eau et moins de photos instagrammables à faire, la densité de touristes chute drastiquement... Cela ne veut pas dire qu'il n'y a personne dans la vieille ville de Bergame ce matin, mais au moins, nous trouvons facilement à "poser notre serviette", comme dirait Benjamin.

La voiture était un must pour nous rendre dans la ville haute, car après plus d'une semaine de voyage et un certain nombre de kilomètres dans les pattes, nous ne sommes plus vraiment en mesure d'avaler 100 mètres de dénivelé positif de bon matin. Mais qui dit altitude dit forcément jolies vues, et les panoramas sur les Alpes et la plaine du Pô sont absolument magnifiques. Histoire d'en profiter au maximum, nous grimpons au sommet du campanile qui trône au milieu de la superbe Piazza Vecchia   et avec notre timing habituel, nous nous trouvons pile sous les cloches au moment où celles-ci sonnent la demi-heure. Une expérience rigolote... tant qu'on garde les doigts fermement enfoncés dans les oreilles.

La Piazza Vecchia compte également son lot d'édifices religieux assez remarquables, à commencer par la chapelle Colleoni, sa façade qui se la pète et sa statue intégralement en or de Bartolomeo Colleoni, chef des armées vénitiennes pendant une partie des quatre siècles où Bergame fut gouvernée par la Sérénissime. Juste à côté, la basilique Santa Maria Maggiore paraît carrément sobre de l'extérieur, mais à l'intérieur, c'est une autre histoire. Entre les marqueteries à tomber par terre de la clôture du chœur, la débauche de stucs et de fresques, les tapisseries florentines, le confessionnal finement sculpté et le tombeau de Donizetti, on ne sait plus vraiment où donner de la tête et de l'objectif. Pour une "petite église", la quantité de merveilles au centimètre carré est assez sidérante. Le duomo adjacent est également une excellente surprise : les blancs et les ors sont très élégants, les peintures en trompe-l'œil du plafond impressionnantes, et le grande croix en argent du chœur vaut son pesant de cacahuètes. Nous sommes rarement en désaccord avec le Guide du Routard, mais pour une fois, nous estimons que cette cathédrale vaut bien plus que l'unique étoile qui lui a été attribuée !!

Toujours dans le thème "le dénivelé, non merci", nous empruntons le funiculaire pour nous rendre au castello San Vigilio, perché à 100 mètres au-dessus de la vieille ville. Il ne reste plus grand-chose de ce château médiéval qui surveillait les environs avant que les Vénitiens, les Français et les Autrichiens ne s'en emparent successivement, mais la vue, elle, est toujours aussi spectaculaire. On aperçoit même les gratte-ciel de Milan qui se découpent au loin, dans leur petit nuage de pollution... La descente étant tout de même plus simple que la montée, nous faisons l'effort de redescendre à pied à la vieille ville, histoire de profiter un peu plus longtemps des paysages.

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Autre ville de la région valant son pesant de cacahuètes : Brescia, deuxième dame de Lombardie après Milan, berceau de plus de 100 000 entreprises et usines. Forcément, la vue depuis les hauteurs est moins sympa, mais la vieille ville renferme quand même des trésors de taille, à commencer par le castello, l'une des plus grandes forteresses du nord de l'Italie. Malgré les pentes plus que costaudes qui y mènent, le parc du château est envahi de cyclistes et de joggeurs qui profitent de la météo quasi estivale. De notre côté, nous trouvons qu'il fait déjà trop chaud et préférons de loin découvrir le Musée des Armes et ses collections de hallebardes rigolotes (les gens qui les ont prises dans les tripes ont dû les trouver beaucoup moins drôle).

La piazza Papa Paolo VI a ceci d'exceptionnel qu'on y trouve non pas un, mais deux duomi : l'ancien, qui date du 11e siècle et renferme des fragments de mosaïques romaines ainsi que de jolies fresques, et le nouveau, beaucoup plus baroque et doté d'une coupole de 80 m de haut (la troisième plus haute d'Italie). C'est d'ailleurs là que ledit pape Paul VI, prédécesseur de Jean-Paul II (non, le pontificat de 33 jours de Jean-Paul Ier ne compte pas) fut ordonné prêtre, ce qui explique le nom de la place.

Mais le vrai joyau de Brescia, c'est le complexe muséal de Santa Giulia, qui permet de découvrir l'histoire de la ville de la préhistoire aux Carolingiens, avec un gros accent mis sur l'époque romaine. L'orientation entre les différentes salles, ailes et chapelles est franchement compliquée, même pour un Benjamin dont le sens de l'orientation légendaire nous a sauvé la vie plusieurs fois, mais vu la quantité de merveilles dont regorge le musée, la lutte avec le plan vaut largement le coup. Honnêtement, nous ne savons pas trop ce qui nous a le plus impressionnés. Peut-être le chœur des nonnes ou l'oratoire de Santa Maria in Solario couverts de fresques aux couleurs aussi vives que si elles avaient été peintes hier. Ou les bornes romaines aux inscriptions toujours impeccables. Ou les mosaïques parfaitement préservées des deux domus romaines dont on distingue toujours nettement le plan des pièces (à défaut de pouvoir déplacer les villas dans un musée, on a construit le musée dessus). Le niveau de conservation de la plupart des pièces présentées est tout bonnement sidérant. On s'attendrait presque à voir les anciens propriétaires débarquer pour récupérer leurs bibelots et leurs maisons et reprendre leur vie comme si de rien n'était.

Mais le plus époustouflant (du moins pour nous) est à chercher du côté du parc archéologique de Brixia, le nom romain de Brescia. Complètement abandonné autour de l'an 800, le temple dédié à Jupiter, Junon et Minerve est resté enseveli sous des tonnes de terre pendant un bon millénaire et n'a été redécouvert et excavé au 19e siècle. La terre en question a fait des miracles pour préserver fresques et statues pendant tout ce temps, et le niveau de précautions pris pour accueillir les visiteurs est digne de Fort Knox : on entre à heure fixe et par petits groupes pour éviter d'ouvrir les portes trop souvent et ainsi conserver une température et une humidité à peu près fixes. Résultat, les couleurs sont aussi éclatantes qu'au premier jour, et la Victoire ailée datant du 1er siècle de notre ère ne fait vraiment pas son âge. C'est bien simple, nous sommes tombés fous amoureux de cette merveille.

Un musée pas facile à suivre, mais sans doute l'une des plus belles collections que nous ayons eu la chance de voir au cours de nos voyages !

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Maintenant que nous avons bien exploré la partie "environs" du titre de cet article, il est temps de passer à la partie "lac d'Iseo", en commençant par le petit village de basse montagne de Clusone. Si le village lui-même ne paie pas de mine, il abrite pourtant une basilique à l'intérieur un peu tagapeur (dans le bon sens du terme), et surtout une Danse macabre exceptionnelle de 1485. La Faucheuse couronnée y est accompagnée de deux serviteurs qui dégomment du vivant à l'arc et au tromblon, tandis que les puissants de ce monde font tout ce qu'ils peuvent (en vain, bien sûr) pour la tenir à distance. Dans la chapelle attenante, on découvre une véritable "bande dessinée" consacrée à la vie de Jésus dans le même état de conservation spectaculaire. L'ensemble est délirant, et forcément, on adore.

Après le gros échec de Côme, nous avons fini par redouter de nous approcher des lacs, mais le petit Iseo n'a pas le même attrait que ses grands voisins pour les touristes – tant pis pour eux, parce que c'est joli comme tout, et tant mieux pour nous, parce que nous avons un peu la paix, pour une fois ! La promenade sur le lungolago dans le village qui a donné son nom au lac est très reposante (les rares touristes à avoir fait le déplacement sont tous au restaurant), même si nous manquons y laisser nos chaussures lorsque les vagues créées par le passage d'un bateau inondent la chaussée. La rue au ras de l'eau, c'est joli sur les photos, mais c'est un danger public !!

Parce que tout ça manquait apparemment d'un peu d'eau, nous finissons la journée dans le hameau de Gaina, pour une petite randonnée de 5 km le long du Sentier des Cascades. La version "facile" de la balade étant plutôt ardue (nos mains nous ont servi presque autant que nos pieds), nous nous demandons à quoi doit ressembler la version "experts". Cordes et mousquetons sont apparemment requis, d'après les panneaux au début du sentier. Et on nous dit que nos vacances ne sont pas reposantes !

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vendredi 10 mai 2024

Italie du Nord, jours 7 et 8 - Le lac de Côme

A chaque journée son thème, et celui du jour sera... "embouteillages". Nous quittons Varèse ce matin en direction du lac de Côme, un trajet qui nous fait longer le lac de Lugano jusqu'en Suisse. Question paysages, on a fait plus laid !! Le passage de la "frontière" (traduction : un drapeau suisse qui claque au vent et un douanier qui regarde passer les voitures) se fait sans problème de notre côté, mais dans l'autre sens, la file de véhicules s'étire sur plusieurs kilomètres – ce qui deviendra un problème récurrent même une fois les roues revenues en territoire italien. Car il y a une différence importante entre le lac Majeur et le lac de Côme : l'escarpement des berges. A Côme, la distance entre les rives du lac et la montagne est très réduite, ce qui se traduit par une petite route. Ajoutez à cela les travaux permanents, les feux de circulation et la foule déjà bien présente, et vous obtenez la recette pour des kilomètres de bouchons. Si la circulation ressemble à ça en basse saison, nous ne voulons pas savoir ce qu'elle donne en plein été !

Après deux bonnes heures de route et un stationnement plus que sauvage (nous ne demandons pas mieux que de trouver un parking payant, mais ils sont pleins !!), nous pouvons enfin découvrir le front de lac de Menaggio, petite station balnéaire qui en jette. Au risque de sonner comme un vieux disque rayé, les vues sur le lac sont à tomber par terre, et si nous avions pu régler la météo nous-mêmes, nous n'aurions pas fait mieux. Les photos se prennent pratiquement toutes seules et nous restons un peu les bras ballants devant tant de beauté.

Deuxième étape du jour (après avoir miraculeusement trouvé une vraie place de parking), Tremezzo et sa Villa Carlotta, une immense villa acquise par un copain de Napoléon au tout début du 19e siècle. On vient moins pour l'intérieur, qui se limite à quelques jolies sculptures et une poignée de pièces meublées en style Empire, que pour les jardins bien abrupts, dont les plantes assez exubérantes font pratiquement office de cadre pour des prises de vue magnifiques sur le lac. Les panoramas depuis l'oliveraie, en particulier, sont de toute beauté, même s'ils se méritent (il n'y a pas grand-chose de plat dans la région).

Nous avions prévu de nous arrêter à Lenno afin d'apercevoir, au moins de loin, cette star du grand écran qu'est la villa Balbianello (vue dans La Chartreuse de Parme pour les gens avec de la culture, et dans l'épisode II de Star Wars pour les geeks), mais il nous est tout bonnement impossible de nous arrêter tant le ballet des voitures est dense. Les 35 km de Lenno à Côme (la ville) nous prennent pas moins de 1h20, dont près de 15 minutes à l'arrêt complet, à attendre que deux camions réussissent à se croiser. Je n'ai pourtant pas souvenir d'avoir vu James Bond coincé dans les embouteillages lorsqu'il prenait des vacances bien méritées à la villa Balbianello dans Casino Royale...

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Mais avec le recul, cette première journée au lac de Côme s'est avérée plutôt positive, car nous avons pu au moins faire quelque chose. La deuxième journée est infiniment plus frustrante, et pour des raisons similaires. En escale à Côme ce matin, nous avions prévu une balade en bateau sur le lac, mais la file d'attente s'élève à vue de nez à deux bonnes heures pour acheter des billets, et ça ne va tout simplement pas être possible. Une promenade sur le lungolago pour compenser ? Il ne faut pas y penser, car une bonne partie est en travaux. Heureusement que le centre historique est choupi et le duomo tout simplement magnifique, avec sa voûte bleu et or et ses orgues grandioses, car il y aurait de quoi être un peu frustrés dans le cas contraire...

Et en parlant de frustration, c'est à peu près tout ce qui nous attend pour le reste de la journée. Notre programme comportait la visite de la station balnéaire de Bellagio, mais après une heure de route et un bon quart d'heure à faire le tour des parkings disponibles, il faut nous rendre à l'évidence : il est là aussi strictement impossible de se garer, que ce soit sur des places "officielles" ou inventées, et nous n'avons plus qu'à rendre les armes et gagner notre logement de Bergame.

Le gros point fort du lac de Côme ? C'est incroyablement beau. Le gros point faible... c'est que le monde entier est au courant.

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mercredi 8 mai 2024

Italie du Nord, jours 5 et 6 - Le lac Majeur

Après le "petit" lac d'Orta hier, place aujourd'hui au deuxième plus grand d'Italie, le lac Majeur. En consultant les prévisions météo hier après-midi, nous nous sommes rendu compte que le temps ne serait pas vraiment propice à une balade dans Stresa le lendemain. Nous avons donc profité d'une éclaircie à notre retour d'Orta pour aller découvrir la ville et ajouter 4 km de marche à notre compteur. Mais comme j'aime les choses organisées et qu'il n'est pas question de mélanger les lacs, le compte-rendu et les photos feront donc partie du compte-rendu du jour 5.

Stresa, c'est la ville balnéaire du 19e par excellence, parsemée d'hôtels luxueux conçus pour les voitures à cheval et les crinolines sur le front de mer (non, ce n'est pas vraiment la mer, mais le lac est si grand qu'on a tendance à l'oublier) et de villas pleines de tourelles et de balcons sur les hauteurs. La vieille ville est choupi comme tout, la vue sur les îles Borromées est absolument superbe, et les agences immobilières nous racontent des choses intéressantes sur le prix moyen au mètre carré. Dommage que l'endroit doive grouiller de monde en été, car on pourrait presque s'imaginer prendre notre retraite dans le coin !


Mais le vrai gros morceau du lac Majeur, ce sont les îles Borromées, un micro-archipel de quatre îles dont deux furent achetées au 15e siècle par une famille lombarde, les Borromeo, qui compte quand même un saint, un cardinal et... la bru de Caroline de Monaco. Posséder des îles, c'est bien, mais c'est encore mieux si on met quelque chose dessus ; les Borromeo se sont donc appliqué à couvrir leurs cailloux lacustres de jolis palais et de jardins adorables histoire de passer l'été au frais.

Nous commençons notre visite par l'isola Madre, la plus grande, entièrement occupée par un palais et des jardins exotiques rendus possibles grâce au micro-climat qui règne sur l'île. En fait de palais, les Borromeo se sont fait construire une résidence charmante et presque sobre, où on se verrait bien poser nos valises pour l'été. Les amateurs de plantes auraient sans doute été enchantés par les diverses essences pas vraiment locales qui parviennent à pousser dans le parc, mais les amoureux des animaux que nous sommes sont bien plus intéressés par les paons blancs et les faisans argentés et dorés qui se promènent en ignorant royalement les humains. S'il y a besoin de quelqu'un pour les nourrir, nous sommes volontaires en échange du gîte et du couvert, merci.


L'isola dei Pescatori, appelée aussi isola Superiore, est minuscule et n'offre pas d'autre intérêt que de permettre aux touristes de photographier le lac Majeur sous un autre angle. Nous en faisons le tour en un quart d'heure à peine, ce qui nous laisse une bonne heure à patienter avant le prochain bateau (mais il y a un chat à l'embarcadère, alors tout va bien). L'isola Bella, la plus connue, abrite quant à elle un vrai palais baroque, moins cosy (il y fait un froid de canard) mais aussi beaucoup plus tape-à-l'oeil que son pendant d'isola Madre. Entre la salle du trône, les 24 m sous plafond du salon rond, la salle des peintures plus chargée que celle du château de Chantilly et les grottes couvertes du sol au plafond de coquillages et de petits cailloux, on se demande un peu comment les Borromée parvenaient à justifier leur devise, "Humilitas". Les jardins en terrasses, que nous avions repérés dès notre premier soir à Stresa, sont en revanche sublimes, et le théâtre avec ses statues à gogo est extrêmement impressionnant. L'humilité à l'italienne a du bon...



Pour en finir avec la rive piémontaise du lac Majeur, nous mettons à nouveau à mal le moteur et la boîte de vitesses de la voiture en nous rendant au sommet du Mottarone, 1491 m d'altitude tout de même, pour une courte marche et une vue à couper le souffle sur les Alpes, le lac d'Orta et son isola san Giulio. Dire que le site est magnifique serait l'euphémisme du siècle, mais il arrive que les mots manquent complètement pour décrire la beauté d'un endroit et l'effet qu'il peut avoir sur les visiteurs. Le deuxième point de vue du Mottarone, donnant sur le lac Majeur et les îles Borromées, sera la chasse réservée de Benjamin, car le pollen est de retour en même temps que le soleil et la photographe habituelle a déjà bien perdu ses poumons avec le premier dénivelé...


Côté rive lombarde du lac, nous faisons escale à l'ermitage de Santa Caterina del Sasso, construit à flanc de falaise et perché à 16 mètres au-dessus de la surface. Fondé au 12e siècle par un marchand rescapé d'un naufrage sur le lac après avoir prié Sainte Catherine d'Alexandrie, l'ermitage est accessible en descendant 268 marches... qu'il faut donc remonter pour repartir. Le thème du jour sera donc la grimpette ! Tout petit et tout chou, le site offre lui aussi de jolis points de vue sur le lac, même si la vilaine grue qui construit un nouvel embarcadère vient un peu gâcher le paysage.

Dernière étape, toujours totalement dans le thème : le Sacro Monte de Varese (techniquement plus proche du lac de Lugano que du lac Majeur, mais chut, on va dire que). Comme son cousin d'Orta San Giulio, ce mont sacré-ci est classé au Patrimoine mondial de l'Unesco et ses 14 chapelles abritent fresques et statues grandeur nature. Mais la comparaison s'arrête là, car ici, les scènes décrivant la vie de Jésus sont cachées derrière des grilles et des vitres, et donc beaucoup moins visibles que la version St François d'Assise qui nous avait tant surpris. Le dénivelé total étant de... 400 mètres, nous préférons nous économiser et nous arrêter à trois chapelles. Nous nous contentons du très joli sanctuaire baroque (comprendre : il y en a partout) et de la vue encore plus jolie sur la plaine et la tripotée de lacs autour.


Bilan du jour, selon notre appli de marche : 370 mètres de dénivelé positif dans la journée pour moi, et 420 pour Benjamin. La montagne, ça vous gagne. Surtout dans les mollets.

lundi 6 mai 2024

Italie du Nord, jour 4 - Le lac d'Orta

Preuve que le printemps tout pourri n'est pas limité à la France, nous partons ce matin découvrir le lac d'Orta sous la pluie et dans le brouillard. Mais comme ce n'est pas exactement le déluge et que nous nous sommes bien équipés depuis la jolie douche subie à Linderhof, l'humeur et la journée de marche sont sauves.

Orta a beau n'être ni le plus grand, ni le plus connu des lacs italiens, nous avons tout de même réussi à nous mettre une dizaine de kilomètres dans les pattes, ce qui promet pour la suite ! Il faut dire aussi que nous sommes montés au Sacro Monte di Orta à pied, et que les mollets l'ont bien senti passer. Mais la grimpette en valait la peine, car les vues sur le "petit" lac sont vraiment superbes depuis les hauteurs. Les 20 chapelles qui retracent la vie de St François d'Assise à coups de fresques et de statues grandeur nature (l'une des scènes en compte plus de 50) sont en revanche un peu kitsch à notre goût, mais il faut se mettre dans l'état d'esprit de la fin du 15e siècle, date du début de la construction, pour saisir tout l'intérêt et toute la valeur de la déco.

Nous avons moins l'occasion d'admirer le paysage sur le chemin du retour vers le lac, car les rues pavées de petits galets ronds ont été rendues très glissantes par la pluie et il vaut mieux regarder où on met les pieds si on veut éviter l'accident (et malgré toutes nos précautions, Benjamin manque y laisser le coccyx une première fois, et une cheville la deuxième...). Sur le port du petit village d'Orta San Giulio, les bateliers alpaguent tous les touristes qui se présentent pour leur proposer de les conduire sur l'isola San Giulio, ce qui tombe plutôt bien car c'est précisément la suite de notre programme. Malgré ses dimensions plus que réduites (140 m x 275 m), l'île réussit à posséder non pas une église, mais carrément une basilique, dont la crypte accueille la dépouille dudit San Giulio. Au IVe siècle, le Julot aurait utilisé sa cape comme un paddle pour accéder à ce petit caillou posé au milieu du lac et aurait tué toutes les bébêtes type dragons et serpents qui y vivaient tranquillement et n'avaient rien demandé à personne. L'église catholique récompense donc le génocide de reptiles innocents par la canonisation. C'est du propre.

Avec ses fresques toujours très colorées et son sarcophage qui brille, la basilique est absolument ravissante, mais le reste de l'île se visite en approximativement 5 minutes en raison de ses dimensions de timbre poste. En cette saison, les touristes sont suffisamment peu nombreux pour que les injonctions au calme et au respect soient respectées – c'est qu'il y a une communauté nonnes qui ont fait vœu de silence, sur cette île, et elles aimeraient bien qu'on les y aide un peu... De retour sur la terre ferme après une très courte traversée, nous empruntons (toujours à pied) la route qui fait le tour du lac et qui permet de découvrir des paysages magnifiques et des maisons que seul les George Clooney de l'univers peuvent s'offrir. Coup de chance, la pluie a cessé et le ciel commence à se dégager. Nous pouvons donc profiter de la balade presque au sec et avec une lumière moins apocalyptique qu'en début de journée.

Comme nous avons fini notre programme et qu'il reste relativement tôt, nous décidons de nous rendre au belvédère de Quarna Sopra. La notion de belvédère implique forcément un lieu élevé, mais nous n'avions vraiment pas prévu que ledit lieu élevé se trouve au bout d'une route en lacets, où les épingles à cheveux se succèdent sur plusieurs kilomètres et où Benjamin n'envisage même pas de passer la troisième. L'exercice a l'air de beaucoup l'amuser, ce qui est le principal, mais la passagère, elle, n'en mène pas large... Cela dit, là encore, l'effort en valait la peine, car la vue sur le lac d'Orta est vertigineuse, et les nuages qui s'accrochent encore aux flancs des montages sont particulièrement impressionnants. C'est de cette hauteur qu'on se rend compte à quel point la notion de "petit lac" est relative. Si Orta est un modèle réduit, on se demande à quoi vont ressembler les autres !!

Bon. Plus qu'à redescendre, maintenant...

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dimanche 5 mai 2024

Italie du Nord, jours 1 à 3 - Milan

Notre petite voiture nous ayant prouvé l'an dernier qu'elle était capable d'affronter de longs périples comme une grande (on a dit qu'on ne parlait plus de l'affaire de la batterie...), nous remettons le couvert en ce printemps 2024 particulièrement moche, en nous rendant cette fois de l'autre côté des Alpes. Comme pour la Bavière, nous faisons le trajet sur deux jours (il n'y a toujours qu'un seul conducteur, la deuxième y travaille !), et nous pouvons désormais cocher le tunnel du Mont-Blanc sur notre liste de choses à voir avant de mourir. Côté français, il fait 11 petits degrés et le brouillard s'accroche aux montagnes comme s'il n'était pas au courant que nous sommes en mai. A peine le tunnel franchi et les roues sur l'asphalte italien, c'est ambiance ciel bleu et températures plus proches de l'été que du printemps. Avec cette météo, les Alpes côté italien, avec leurs cascades, leurs torrents, leurs maisons surélevées et leurs vaches de carte postale, sont particulièrement agréables à regarder.

Nous laissons finalement les montagnes derrière nous et atteignons Milan en tout début d'après-midi. La circulation étant limitée en centre-ville, nous posons la voiture à l'hôtel et rejoignons la capitale lombarde en métro. Seule destination au programme de cet après-midi : la Pinacothèque ambrosienne, installée dans le palazzo dell'Ambrosiana depuis 1618, ce qui en fait le plus vieux musée de la ville. A regarder le plan des lieux, on pourrait presque penser qu'il n'y a pas grand-chose à voir, mais le palais à des airs de sac à main de Mary Poppins et, surtout, la liste des peintres exposés est impressionnante : il y a du Titien, du Luini, la seule nature morte jamais réalisée par le Caravage (quand on aime mettre du sang et du clair-obscur partout, les humains morts, c'est plus intéressant), un très beau Botticelli que l'on reconnaît à la tête caractéristique de la Madone, et surtout, surtout... les cartons de L'Ecole d'Athènes de Raphaël, dont nous avons vu la version finie au Vatican en 2019. Un joli brouillon de 8 mètres sur 3 qui donne presque autant le tournis que la peinture en couleurs. Résultat des courses, le "petit musée" nous aura pris 2 grosses heures. Et comme nous avons déjà 5 heures de voiture dans les pattes, nous en restons là pour la journée.

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Les choses sérieuses commencent le samedi matin, avec le visite du Castello Sforzesco, qui fut forteresse militaire sous les Visconti avant de devenir château résidentiel sous les Sforza (ducs de Milan quand les Français voulaient bien leur fiche la paix). Aujourd'hui, le castello tient plutôt du Louvre, en cela qu'il renferme 36 musées différents (sculptures, mobilier, pinacothèque, arts décoratifs, instruments de musique, et même une salle entièrement dédiée à la toute dernière œuvre de Michel-Ange, dont la légende raconte qu'il travaillait encore dessus 4 jours avant sa mort). De là, nous nous rendons ensuite à l'église Santa Maria delle Grazie, surtout connu pour son joli dôme signé Bramante et, accessoirement, une certaine peinture sur le mur du réfectoire de l'ancien couvent dominicain. Malheureusement pour nous, la Cène est devenue un chouia culte depuis que Léonard de Vinci y a mis son dernier coup de pinceau en 1498, et bien que nous ayons cherché à acheter des billets pour la voir le jour même de leur mise en vente, nous n'avons jamais réussi à en obtenir (tout le mois de mai était booké en seulement quelques heures). Aucune annulation n'ayant eu lieu le jour J, il n'y avait rien à espérer en nous rendant directement sur place. Nous espérions au moins pouvoir visiter l'église elle-même, mais même là, nous sommes déçus, car elle est inaccessible pour une raison qui restera mystérieuse. Quant à la casa degli Atellani, que nous avions prévu de visiter sur les recommandations du Routard, elle est carrément fermée au public depuis fin 2023. Une belle brochette d'échecs successifs !

Pas découragés pour autant, nous profitons du beau temps pour nous rendre au Cimitero monumentale, sorte d'hybride entre le Père Lachaise et le cimetière de Highgate... mais sous hormones. Disons-le clairement, c'est un délire absolu, un concours de mégalomanie et de tape-à-l'œil absolument jouissif pour les touristes qui aiment prendre des photos (comprendre : bibi). Ici, pas une tombe qui ne soit totalement excessive, pas un mausolée qui ne soit colossal et prétentieux. Tous les styles, de l'antique à l'Art Nouveau, sont représentés, toutes les sculptures possibles et imaginables (de la Cène grandeur nature sur la tombe de Davide Campari, dont le nom parlera aux amateurs d'apéro, aux traditionnels anges, en passant par les faucheuses, les animaux, les petits enfants, les moines ou les jeunes filles éplorées) fleurissent dans les allées. Une folie des grandeurs génialissime qui donne envie de se taper la tête contre le marbre des catafalques et nous conforte dans nos souhaits de crémation. Contre toute attente, nous nous sommes amusés comme des petits fous. La mort, quand c'est prétentieux, c'est tout bonnement un régal.

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Pour notre troisième et dernier jour à Milan, dimanche oblige, nous allons faire un petit tour à l'église – ou plutôt à la cathédrale, parce qu'on aime bien les excès. Et comme on aime bien aussi la grimpette, on commence par les 160 marches bien raides qui mènent aux toits du Duomo. Une visite à mi-chemin entre L'Age heureux et les tours de Notre-Dame, qui permet moins de découvrir la ville d'en haut que d'apprécier les très belles spires et les arcs élégants qu'on ne distingue que très vaguement sur le plancher des vaches. La comparaison avec une forêt de pierre vaut non seulement pour les toits, mais également pour l'intérieur, car les 5 nefs que compte la cathédrale sont soutenues par pas moins de 52 piliers de 3,5 m de large (nous ne sommes pas dans la 3e plus grande église du monde catholique pour rien). Ce n'est pas un détail comme la présence d'une horde de touristes qui va empêcher la messe d'être dite (comptez environ 50 visiteurs payants pour chaque fidèle), et il faut admettre que le combo encens/chants religieux met vraiment dans l'ambiance.

Après un petit détour par la galleria Vittorio Emanuele II, une arcade 19e qui accueille restaurants, cafés et boutiques de luxe, nous nous rendons à la Scala, que l'on ne devrait pas avoir à présenter. Un peu comme le Royal Opera House de Londres, la Scala n'a pas de marches, ce qui la ferait presque passer inaperçue et perturbe un peu les quasi-Parisiens qui ont l'habitude du Palais Garnier. Là encore, nous n'avons pas vraiment de chance : non seulement le bâtiment est couvert d'échafaudages, ce qui nous empêche de profiter de la façade extérieure, mais une représentation est prévue à 14h30 (donc pas de visite guidée aujourd'hui) et des répétitions sont en cours (impossible donc d'apercevoir la salle depuis le musée). Nous devons donc nous contenter des portraits et bustes des compositeurs et des chanteurs et chanteuses célèbres passés par la Scala lors de cette visite, mais pour l'amatrice d'opéra que je suis, c'est déjà bien. (Verdi vivait à côté, et Verdi, c'est bien.)

Après trois petits jours d'exploration, il est déjà temps de quitter Milan et de rejoindre la région des lacs. Ce soir, c'est direction le Lac Majeur et la petite ville de Stresa pour s'en mettre plein les mirettes.

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mardi 26 septembre 2023

Bavière, jours 9 à 13 - Le nord de la région

Jour 9 - Augsbourg et Dachau

Quand nous partons en vacances, pousser la voiture pour lui permettre de démarrer et d'arriver au garage le plus proche figure rarement au programme de nos journées, mais il faut bien une première fois à tout ! Dans notre malheur, nous avons tout de même eu beaucoup de chance : non seulement la présence d'Amaury est plus que bienvenue pour aider cette blogueuse aux bras de T-rex à pousser, mais la rue dans laquelle se trouve son appartement est en outre très peu passante (pratique pour lancer la machine tranquillement) et... située à 500 m d'un garage. L'avantage d'Augsbourg par rapport à Füssen, c'est aussi que les garagistes parlent un excellent anglais, ce qui rend la communication beaucoup plus facile. Notre allemand est suffisant pour nous dépatouiller dans la vie de tous les jours, mais certainement pas pour parler automobile... Le mécano qui prend la voiture en charge confirme notre diagnostic au bout de deux phrases : la batterie est morte et doit être remplacée. Efficacité allemande oblige, l'opération ne devrait pas prendre plus de deux heures, ce qui nous laisse le temps de faire exactement ce qui était prévu au programme, à savoir visiter la vieille ville d'Augsbourg. Contretemps ? Quel contretemps ?

Augsbourg est une ville particulièrement choupi pour une balade de 10 km, mais en dehors de la cathédrale et du quartier de Fuggerei, composé de "logements sociaux" construits au 16e siècle et dont les loyers s'élèvent encore aujourd'hui à 88 CENTIMES D'EURO par an (contre 8€ le billet d'entrée pour les touristes, ahem...), aucun bâtiment ne sort particulièrement du lot. Il n'y a même pas de château commandité par un Wittelsbach ou un autre pour sa maîtresse, son chien ou ses vacances de printemps, c'est dire ! Le temps de faire le tour de la ville, nous revenons au garage aux alentours de 12h30. La batterie de remplacement vient seulement d'arriver et nous devons patienter un peu avant qu'elle soit installée, mais dans l'ensemble, toute cette opération aura été rondement menée. Même s'ils ne liront jamais ces lignes, un grand merci à Kfz-Möckl GmbH pour nous avoir tirés de la panade !

Après un pique-nique en compagnie d'Amaury près de la rivière Wertach, nous prenons congé pour nous rendre au mémorial de Dachau, parce que la journée n'a pas été assez compliquée comme ça... Nous appréhendions un peu la visite, à la fois indispensable et pas drôle du tout, car les souvenirs du mémorial d'Hiroshima sont encore très présents dans nos esprits et nous nous demandions sincèrement si Dachau (le tout premier camp de concentration, ouvert en 1933, sur lequel tous les autres furent basés par la suite) serait pire. Au final, le musée, logé dans les anciens bâtiments administratifs du camp, bien qu'extraordinairement complet et ne cachant rien des horreurs qui ont pu se produire sur le site, est aussi très clinique, ce qui permet d'aborder la visite sous l'angle historique et de laisser l'affect en retrait. A Hiroshima, nous avions très vite sorti les mouchoirs ; à Dachau, on a surtout envie de faire comme Indiana Jones et de marmonner : "Les Nazis... je hais ces gars-là" environ 10 fois par salle.

Malheureusement, nos soucis de voiture nous aurons tout de même coûté un peu de temps, et nous n'avons qu'une heure et demi à consacrer au mémorial, alors qu'il en faudrait facilement trois pour explorer l'ensemble du site et lire la moindre légende de la moindre photo du musée. Mais nous avons au moins pu en apprendre davantage sur la période allant de 1933 à 1938, dont on ne nous a évidemment jamais parlé à l'école (1939-1945, c'est de l'histoire mondiale ; avant, ça reste de l'histoire allemande). Et les visiteurs qui franchissent aujourd'hui la fameuse porte portant l'inscription "Arbeit macht frei" savent qu'ils la passeront dans l'autre sens dans la même journée. Certaines opposants au régime nazi sont restés au camp pendant douze ans, de l'arrivée d'Hitler au pouvoir à la fin de la guerre. On se demande encore comment ils ont fait pour survivre si longtemps...

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Jour 10 - Die Befreiungshalle et Ratisbonne

Aujourd'hui est une petite journée, consacrée principalement à faire de la route afin de remonter vers le nord de la Bavière (maintenant que la voiture roule, on en profite !), mais avec tout de même quelques arrêts culture en chemin. En premier lieu, la Befreiungshalle, monument tout en construit à l'initiative de Louis Ier et commémorant les victoires allemandes remportées pendant les guerres napoléoniennes. Les différents royaumes allemands du début du 19e siècle avaient beau ne pas s'entendre sur grand-chose, quand il s'agissait d'aller taper sur Napoléon, là, tout le monde était d'accord pour former une coalition. L'empereur aura donc, à sa façon, contribué à l'unité de l'Allemagne. C'est d'une ironie délicieuse.

Deuxième arrêt, la ville de Regensburg, connue en français sous le nom de Ratisbonne, parce qu'utiliser un toponyme celte pour désigner une ville de Germanie, c'est tout de même le truc le plus gaulois du monde. Avec ses restes de muraille romaine (il faut bien justifier cette étymologie...) et ses ponts jetés sur le Danube, la vieille ville est particulièrement choupi et se prête bien à une pause déjeuner et à une petite marche avant de rejoindre notre destination de la soirée, Nuremberg.

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Jour 11 - Nuremberg

S'il y a bien une chose dont nous nous sommes rendu compte depuis notre arrivée en Allemagne, c'est que se garer exige une formation spéciale – et celle-ci ne nous aura jamais autant fait défaut qu'à Nuremberg. Après une bonne demi-heure passée à tourner autour de la vieille ville pour trouver une place, nous pouvons enfin nous rendre au Kaiserburg, le château impérial, bien plus proche du Hohes Schloss de Füssen que de Neuschwanstein. Nous autres Français connaissons surtout Nuremberg pour son Gutenberg, sa presse et ses procès à la fin de la Seconde Guerre mondiale, mais on sait moins que ce fut pendant longtemps une ville d'une importance considérable pour le Saint Empire romain germanique de 962 à 1806 (ça fait long). C'est en effet là que devait impérativement se tenir la première Diète (la première réunion avec les sous-fifres, quoi) de chaque empereur nouvellement élu, ce qui en faisait un des sièges de l'empire avec Francfort (où les souverains étaient élus) et Aix-la-Chapelle (où ils étaient couronnés). La visite est donc l'occasion d'en apprendre davantage sur ce Saint Empire dont, encore une fois, on ne nous dit pas grand-chose à l'école française, et aussi de s'amuser un peu devant une exposition d'armures et de vilaines armes qui piquent (notre enthousiasme face à la flamberge et aux Zweihänder n'est sans doute pas sain).

Le "marché d'automne" (c'est comme un marché de Noël, mais en moins froid) situé sur la place centrale de la vieille ville fournit le déjeuner le plus décadent et le plus nutritionnellement discutable du monde, mais il faut bien plusieurs saucisses et une crêpe par personne pour assurer le tour des douves avec la météo actuelle. Transformées en jardins et en aires de jeux, elles font aujourd'hui le bonheur des promeneurs de chiens, des écureuils roux pas farouches et des touristes qui aiment profiter des murailles dans une fraîcheur relative.


Dernier arrêt du jour, le Centre de documentation sur l'ancien site des congrès du parti nazi. Oui, l'endroit est à peu près aussi marrant à visiter que Dachau, mais encore une fois, la quantité d'informations assimilée lors de la visite est folle et permet de mieux comprendre ce qui a pu justifier les délires grandiloquents du NSDAP (réponse : ce fameux passé impérial dont on parlait plus tôt). Aujourd'hui, il ne reste pratiquement rien des bâtiments utilisés à l'époque, à l'exception d'un immense théâtre à l'antique désormais utilisé en partie par l'orchestre de Nuremberg, mais la somme de documents, images, films et témoignages rassemblée dans le Centre de documentation est absolument fascinante. Il est bon de savoir que le site est aujourd'hui utilisé pour organiser des festivals de musique qui auraient profondément agacé les Nazis !

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Jour 12 - Rothenburg ob der Tauber et Wurtzbourg

Comme la vague impression d'être tombés dans un conte de Grimm, aujourd'hui... Notre premier arrêt du jour est la petite ville médiévale de Rothenburg ob der Tauber (ou o.d.T si vous avez la flemme), restée totalement dans son jus depuis la guerre de Trente Ans, soit le milieu du 17e siècle. Les maisons à colombages, les tours et la totalité de l'enceinte fortifiée sont toujours là, et seules les voitures des résidents et la modernité de certaines enseignes nous rappellent que nous sommes en 2023 (non, Lindt n'était pas encore maître chocolatier en 1648). La porte aux tours rondes et rose donnant sur les jardins du château n'appartient absolument pas au monde réel mais à un conte de fées, les enseignes sur lesquelles s'entortillent des fleurs en fer forgé auraient tout à fait leur place dans une série TV de fantasy et le chemin de ronde semble tout droit sorti d'un livre pour enfants sur les châteaux forts (bon, OK, certaines sections ont dû être reconstruites suite aux bombardements de 1945, mais quand même). La balade est un véritable enchantement, et il y a de fortes chances que nous ne puissions plus jamais lire un livre de fantasy medfan sans y apposer nos souvenirs de Rothenburg.

Deuxième arrêt, un chouia plus récent et surtout plus bling, la Residenz de Wurtzbourg, ancien fief des princes-évêques, un concept quasi-exclusif au Saint Empire romain germanique qui nous retourne un peu le cerveau et que Wikipedia expliquera bien mieux que nous. Détruite à 90 % en même temps que le reste de la ville par la Royal Air Force en mars 1945 (300 000  bombes incendiaires lâchées par 225 bombardiers en 20 minutes, ça pique), la Residenz ne doit son salut qu'aux forces d'occupation américaines, qui ont immédiatement protégé les fresques épargnées par les bombes pour leur éviter une disparition définitive. On visite donc surtout une reconstruction, mais une reconstruction exemplaire, basée sur les plans, dessins et schémas d'époque, et décorée avec les meubles d'origine, mis à l'abri quand les choses ont commencé à sentir le roussi pour l'Allemagne. La muséographie concernant les années de restauration et la quantité de travail nécessaires pour remettre sur pied ce palais épiscopalo-princier sont tout aussi intéressantes que les appartements d'apparat eux-mêmes, et on ne peut que féliciter les Monuments Men de 1945 pour leur action rapide et les artistes des temps modernes pour leurs incroyables réalisations, surtout dans la salle des miroirs.

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Jour 13 - Bamberg

Dernière étape de notre voyage, Bamberg, ville rattachée à la Bavière seulement depuis le 19e siècle et à peine bombardée pendant la Seconde Guerre mondiale, accessible depuis notre hôtel par un chemin bucolique (il n'y a pas d'autre mot) qui traverse la forêt et longe les berges de la Regnitz. Au programme, centre médiéval avec sa cathédrale à 4 tours et double autel, Neue Residenz des princes-évêques avec sa roseraie toute choupi, et surtout ancien hôtel de ville à colombages posé au-dessus de la rivière comme s'il avait toujours su que l'appareil photo serait inventé un jour et que les touristes se presseraient depuis les divers ponts de la ville pour l'immortaliser. Et comme nous sommes des idiots qui n'avons manifestement pas eu notre compte de pentes raides aux Féroé, nous prenons le temps de monter au sommet de la colline où trône l'Altenburg, un château médiéval aujourd'hui transformé en Biergarten avec vue.

Les 12 km du jour marquent la fin du voyage, que nous célébrons en allant dîner en même temps que les Allemands (à 18 heures, donc) dans une brasserie locale dont le Biergarten géant est extrêmement fréquenté en ce vendredi soir de quasi-été. Pour bien finir les vacances, notre menu se compose de Currywurst, de Klöβe et d'Apfelschorle, parce que quand le manger local est une tuerie, on en profite. Pour Benjamin, le dossier "Bavière" ouvert il y a environ 25 ans est désormais clos. La météo fut de notre côté (presque un peu trop, on aimerait bien un peu d'automne, maintenant, merci...) et les châteaux parfaitement conformes à nos attentes/espoirs. Sans les voitures partout, les problèmes de stationnement et la pollution dont le niveau a réveillé notre asthme et nos allergies dès notre arrivée, nous n'aurions que des choses positives à dire sur ce road trip en terre bavaroise !

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