mardi 26 septembre 2023

Bavière, jours 9 à 13 - Le nord de la région

Jour 9 - Augsbourg et Dachau

Quand nous partons en vacances, pousser la voiture pour lui permettre de démarrer et d'arriver au garage le plus proche figure rarement au programme de nos journées, mais il faut bien une première fois à tout ! Dans notre malheur, nous avons tout de même eu beaucoup de chance : non seulement la présence d'Amaury est plus que bienvenue pour aider cette blogueuse aux bras de T-rex à pousser, mais la rue dans laquelle se trouve son appartement est en outre très peu passante (pratique pour lancer la machine tranquillement) et... située à 500 m d'un garage. L'avantage d'Augsbourg par rapport à Füssen, c'est aussi que les garagistes parlent un excellent anglais, ce qui rend la communication beaucoup plus facile. Notre allemand est suffisant pour nous dépatouiller dans la vie de tous les jours, mais certainement pas pour parler automobile... Le mécano qui prend la voiture en charge confirme notre diagnostic au bout de deux phrases : la batterie est morte et doit être remplacée. Efficacité allemande oblige, l'opération ne devrait pas prendre plus de deux heures, ce qui nous laisse le temps de faire exactement ce qui était prévu au programme, à savoir visiter la vieille ville d'Augsbourg. Contretemps ? Quel contretemps ?

Augsbourg est une ville particulièrement choupi pour une balade de 10 km, mais en dehors de la cathédrale et du quartier de Fuggerei, composé de "logements sociaux" construits au 16e siècle et dont les loyers s'élèvent encore aujourd'hui à 88 CENTIMES D'EURO par an (contre 8€ le billet d'entrée pour les touristes, ahem...), aucun bâtiment ne sort particulièrement du lot. Il n'y a même pas de château commandité par un Wittelsbach ou un autre pour sa maîtresse, son chien ou ses vacances de printemps, c'est dire ! Le temps de faire le tour de la ville, nous revenons au garage aux alentours de 12h30. La batterie de remplacement vient seulement d'arriver et nous devons patienter un peu avant qu'elle soit installée, mais dans l'ensemble, toute cette opération aura été rondement menée. Même s'ils ne liront jamais ces lignes, un grand merci à Kfz-Möckl GmbH pour nous avoir tirés de la panade !

Après un pique-nique en compagnie d'Amaury près de la rivière Wertach, nous prenons congé pour nous rendre au mémorial de Dachau, parce que la journée n'a pas été assez compliquée comme ça... Nous appréhendions un peu la visite, à la fois indispensable et pas drôle du tout, car les souvenirs du mémorial d'Hiroshima sont encore très présents dans nos esprits et nous nous demandions sincèrement si Dachau (le tout premier camp de concentration, ouvert en 1933, sur lequel tous les autres furent basés par la suite) serait pire. Au final, le musée, logé dans les anciens bâtiments administratifs du camp, bien qu'extraordinairement complet et ne cachant rien des horreurs qui ont pu se produire sur le site, est aussi très clinique, ce qui permet d'aborder la visite sous l'angle historique et de laisser l'affect en retrait. A Hiroshima, nous avions très vite sorti les mouchoirs ; à Dachau, on a surtout envie de faire comme Indiana Jones et de marmonner : "Les Nazis... je hais ces gars-là" environ 10 fois par salle.

Malheureusement, nos soucis de voiture nous aurons tout de même coûté un peu de temps, et nous n'avons qu'une heure et demi à consacrer au mémorial, alors qu'il en faudrait facilement trois pour explorer l'ensemble du site et lire la moindre légende de la moindre photo du musée. Mais nous avons au moins pu en apprendre davantage sur la période allant de 1933 à 1938, dont on ne nous a évidemment jamais parlé à l'école (1939-1945, c'est de l'histoire mondiale ; avant, ça reste de l'histoire allemande). Et les visiteurs qui franchissent aujourd'hui la fameuse porte portant l'inscription "Arbeit macht frei" savent qu'ils la passeront dans l'autre sens dans la même journée. Certaines opposants au régime nazi sont restés au camp pendant douze ans, de l'arrivée d'Hitler au pouvoir à la fin de la guerre. On se demande encore comment ils ont fait pour survivre si longtemps...

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Jour 10 - Die Befreiungshalle et Ratisbonne

Aujourd'hui est une petite journée, consacrée principalement à faire de la route afin de remonter vers le nord de la Bavière (maintenant que la voiture roule, on en profite !), mais avec tout de même quelques arrêts culture en chemin. En premier lieu, la Befreiungshalle, monument tout en construit à l'initiative de Louis Ier et commémorant les victoires allemandes remportées pendant les guerres napoléoniennes. Les différents royaumes allemands du début du 19e siècle avaient beau ne pas s'entendre sur grand-chose, quand il s'agissait d'aller taper sur Napoléon, là, tout le monde était d'accord pour former une coalition. L'empereur aura donc, à sa façon, contribué à l'unité de l'Allemagne. C'est d'une ironie délicieuse.

Deuxième arrêt, la ville de Regensburg, connue en français sous le nom de Ratisbonne, parce qu'utiliser un toponyme celte pour désigner une ville de Germanie, c'est tout de même le truc le plus gaulois du monde. Avec ses restes de muraille romaine (il faut bien justifier cette étymologie...) et ses ponts jetés sur le Danube, la vieille ville est particulièrement choupi et se prête bien à une pause déjeuner et à une petite marche avant de rejoindre notre destination de la soirée, Nuremberg.

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Jour 11 - Nuremberg

S'il y a bien une chose dont nous nous sommes rendu compte depuis notre arrivée en Allemagne, c'est que se garer exige une formation spéciale – et celle-ci ne nous aura jamais autant fait défaut qu'à Nuremberg. Après une bonne demi-heure passée à tourner autour de la vieille ville pour trouver une place, nous pouvons enfin nous rendre au Kaiserburg, le château impérial, bien plus proche du Hohes Schloss de Füssen que de Neuschwanstein. Nous autres Français connaissons surtout Nuremberg pour son Gutenberg, sa presse et ses procès à la fin de la Seconde Guerre mondiale, mais on sait moins que ce fut pendant longtemps une ville d'une importance considérable pour le Saint Empire romain germanique de 962 à 1806 (ça fait long). C'est en effet là que devait impérativement se tenir la première Diète (la première réunion avec les sous-fifres, quoi) de chaque empereur nouvellement élu, ce qui en faisait un des sièges de l'empire avec Francfort (où les souverains étaient élus) et Aix-la-Chapelle (où ils étaient couronnés). La visite est donc l'occasion d'en apprendre davantage sur ce Saint Empire dont, encore une fois, on ne nous dit pas grand-chose à l'école française, et aussi de s'amuser un peu devant une exposition d'armures et de vilaines armes qui piquent (notre enthousiasme face à la flamberge et aux Zweihänder n'est sans doute pas sain).

Le "marché d'automne" (c'est comme un marché de Noël, mais en moins froid) situé sur la place centrale de la vieille ville fournit le déjeuner le plus décadent et le plus nutritionnellement discutable du monde, mais il faut bien plusieurs saucisses et une crêpe par personne pour assurer le tour des douves avec la météo actuelle. Transformées en jardins et en aires de jeux, elles font aujourd'hui le bonheur des promeneurs de chiens, des écureuils roux pas farouches et des touristes qui aiment profiter des murailles dans une fraîcheur relative.


Dernier arrêt du jour, le Centre de documentation sur l'ancien site des congrès du parti nazi. Oui, l'endroit est à peu près aussi marrant à visiter que Dachau, mais encore une fois, la quantité d'informations assimilée lors de la visite est folle et permet de mieux comprendre ce qui a pu justifier les délires grandiloquents du NSDAP (réponse : ce fameux passé impérial dont on parlait plus tôt). Aujourd'hui, il ne reste pratiquement rien des bâtiments utilisés à l'époque, à l'exception d'un immense théâtre à l'antique désormais utilisé en partie par l'orchestre de Nuremberg, mais la somme de documents, images, films et témoignages rassemblée dans le Centre de documentation est absolument fascinante. Il est bon de savoir que le site est aujourd'hui utilisé pour organiser des festivals de musique qui auraient profondément agacé les Nazis !

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Jour 12 - Rothenburg ob der Tauber et Wurtzbourg

Comme la vague impression d'être tombés dans un conte de Grimm, aujourd'hui... Notre premier arrêt du jour est la petite ville médiévale de Rothenburg ob der Tauber (ou o.d.T si vous avez la flemme), restée totalement dans son jus depuis la guerre de Trente Ans, soit le milieu du 17e siècle. Les maisons à colombages, les tours et la totalité de l'enceinte fortifiée sont toujours là, et seules les voitures des résidents et la modernité de certaines enseignes nous rappellent que nous sommes en 2023 (non, Lindt n'était pas encore maître chocolatier en 1648). La porte aux tours rondes et rose donnant sur les jardins du château n'appartient absolument pas au monde réel mais à un conte de fées, les enseignes sur lesquelles s'entortillent des fleurs en fer forgé auraient tout à fait leur place dans une série TV de fantasy et le chemin de ronde semble tout droit sorti d'un livre pour enfants sur les châteaux forts (bon, OK, certaines sections ont dû être reconstruites suite aux bombardements de 1945, mais quand même). La balade est un véritable enchantement, et il y a de fortes chances que nous ne puissions plus jamais lire un livre de fantasy medfan sans y apposer nos souvenirs de Rothenburg.

Deuxième arrêt, un chouia plus récent et surtout plus bling, la Residenz de Wurtzbourg, ancien fief des princes-évêques, un concept quasi-exclusif au Saint Empire romain germanique qui nous retourne un peu le cerveau et que Wikipedia expliquera bien mieux que nous. Détruite à 90 % en même temps que le reste de la ville par la Royal Air Force en mars 1945 (300 000  bombes incendiaires lâchées par 225 bombardiers en 20 minutes, ça pique), la Residenz ne doit son salut qu'aux forces d'occupation américaines, qui ont immédiatement protégé les fresques épargnées par les bombes pour leur éviter une disparition définitive. On visite donc surtout une reconstruction, mais une reconstruction exemplaire, basée sur les plans, dessins et schémas d'époque, et décorée avec les meubles d'origine, mis à l'abri quand les choses ont commencé à sentir le roussi pour l'Allemagne. La muséographie concernant les années de restauration et la quantité de travail nécessaires pour remettre sur pied ce palais épiscopalo-princier sont tout aussi intéressantes que les appartements d'apparat eux-mêmes, et on ne peut que féliciter les Monuments Men de 1945 pour leur action rapide et les artistes des temps modernes pour leurs incroyables réalisations, surtout dans la salle des miroirs.

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Jour 13 - Bamberg

Dernière étape de notre voyage, Bamberg, ville rattachée à la Bavière seulement depuis le 19e siècle et à peine bombardée pendant la Seconde Guerre mondiale, accessible depuis notre hôtel par un chemin bucolique (il n'y a pas d'autre mot) qui traverse la forêt et longe les berges de la Regnitz. Au programme, centre médiéval avec sa cathédrale à 4 tours et double autel, Neue Residenz des princes-évêques avec sa roseraie toute choupi, et surtout ancien hôtel de ville à colombages posé au-dessus de la rivière comme s'il avait toujours su que l'appareil photo serait inventé un jour et que les touristes se presseraient depuis les divers ponts de la ville pour l'immortaliser. Et comme nous sommes des idiots qui n'avons manifestement pas eu notre compte de pentes raides aux Féroé, nous prenons le temps de monter au sommet de la colline où trône l'Altenburg, un château médiéval aujourd'hui transformé en Biergarten avec vue.

Les 12 km du jour marquent la fin du voyage, que nous célébrons en allant dîner en même temps que les Allemands (à 18 heures, donc) dans une brasserie locale dont le Biergarten géant est extrêmement fréquenté en ce vendredi soir de quasi-été. Pour bien finir les vacances, notre menu se compose de Currywurst, de Klöβe et d'Apfelschorle, parce que quand le manger local est une tuerie, on en profite. Pour Benjamin, le dossier "Bavière" ouvert il y a environ 25 ans est désormais clos. La météo fut de notre côté (presque un peu trop, on aimerait bien un peu d'automne, maintenant, merci...) et les châteaux parfaitement conformes à nos attentes/espoirs. Sans les voitures partout, les problèmes de stationnement et la pollution dont le niveau a réveillé notre asthme et nos allergies dès notre arrivée, nous n'aurions que des choses positives à dire sur ce road trip en terre bavaroise !

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vendredi 22 septembre 2023

Bavière, jours 5 à 8 - Les châteaux de Louis II

Jour 5 - Château de Herrenchiemsee

Départ matinal aujourd'hui : le château d'Herrenchiemsee étant posé sur une île au milieu d'un lac, nous sommes forcément tributaires des horaires de bateau pour y accéder. L'avantage de prendre le bateau de 9h, c'est qu'à l'exception d'un groupe de collégiens allemands en sortie scolaire, les touristes se font rare, et que nous pouvons profiter de nos premiers pas sur Herreninsel en toute tranquillité. Nous sommes parmi les tous premiers à arriver au château ce matin-là, et la découverte n'en est que plus agréable.

Bon, on dit "découverte", mais il y a tout de même un sacré air de déjà vu et l'impression d'être beaucoup plus près de la maison que nous ne le sommes en réalité... Herrenchiemsee est en effet qualifié de "Versailles bavarois", et ce n'est vraiment pas pour rien. De la façade aux statues en passant par le canal et sa perspective, tout est fait pour rappeler le château du Roi Soleil, à l'exception peut-être de la feuille d'or en extérieur. Il faut dire que Louis II de Bavière, dont ce fut le dernier château rêvé, était complètement obsédé par la monarchie absolue française en général et Louis XIV en particulier. Après deux visites à Versailles, le roi décide qu'il veut la même chose pour lui, merci bien, et que le prix n'est pas un problème. Malheureusement, c'est déjà le troisième délire que Louis II s'est fait construire, et les caisses de la Bavière trouvent que si, justement, le prix est un sacré problème. Le 12 juin 1886, le roi est arrêté à Neuschwanstein, déclaré fou et envoyé au château de Berg pour y être soigné (ou, plus probablement, interné). Le lendemain soir, son psychiatre et lui sont retrouvés morts dans le lac attenant au château, dans des circonstances toujours pas élucidées à ce jour. Herrenchiemsee est laissé inachevé. Sur 70 pièces prévues, seules 20 sont terminées. Louis II y aura passé 9 jours.

La visite guidée est un vrai régal, car à cette heure matinale, nous ne sommes que quatre dans le groupe et pouvons donc explorer les pièces à loisir sans nous marcher dessus. Le couple de retraités qui nous accompagne étant également français, nous avons droit à l'audioguide dans notre langue maternelle et nous nous chargeons de traduire les anecdotes supplémentaires de notre adorable guide. Les photos sont malheureusement interdites à l'intérieur des châteaux de Louis II, donc il faudra nous croire sur parole si nous vous disons que "Versailles" est effectivement la description la plus appropriée pour ce délire décoratif. Ici, aucune touche personnelle ; à Herrenchiemsee, Louis II n'avait pas l'intention de recevoir de la famille (avec qui il était en froid), des amis (qu'il n'avait pas) ou des politiques (qu'il détestait), mais seulement de rendre hommage à ce Roi Soleil qu'il vénérait – au point de ne même pas oser dormir dans la chambre d'apparat, copiée sur celle de Louis XIV, par respect pour ce dernier. Rappelons que Louis XIV était mort depuis environ 130 ans lorsque son homonyme bavarois est né. (Oui, Loulou le jeune était câblé... différemment.) La Galerie des glaces mesure 8 m de plus en longueur et 2 m de plus en largeur que son homologue versaillaise, les consoles sont en céramique de Meissen et la quantité de feuille d'or explique où sont passés les fonds du royaume. C'est grandiose, absurde, magnifique, délirant... et au final très triste. Passer des pièces terminées à celles qui ne le furent jamais est une douche froide : on a l'impression de quitter une scène de théâtre pour la triste réalité des coulisses, et l'image correspond plutôt bien à ce que fut la vie de Louis II.

Le temps de notre visite, le site s'est considérablement rempli, et le réveil un peu trop matinal nous apparaît de plus en plus comme le meilleur choix du monde. Après avoir fait le tour du musée consacré à Louis II (où l'on apprend qu'un nouveau château de conte de fées était dans les tuyaux avant sa mort), nous prenons le temps d'explorer le parc et son "Grand Canal", et nous finissons par l'ancien monastère des Augustins, où se tint en 1948 la conférence destinée à rédiger la nouvelle Constitution allemande et qui abrite aujourd'hui une exposition sur le sujet. La muséographie est intéressante et le sujet mérite qu'on s'y attarde ("Qu'est-ce que la démocratie ? Qu'est-ce que la liberté et qui en est le garant ?" Vous avez quatre heures), mais dans une langue que nous maîtrisons mal et avec les spécificités politiques de l'Allemagne de l'après-guerre, c'est un peu intense pour nous...

Le retour se fait sous un soleil magnifique, accompagné par les petits voiliers, les kayaks et les pédalos des locaux venus profiter des dernières heures officielles de l'été. Ce soir, nous serons dans les Alpes !

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Jour 6 - Abbaye d'Ettal et château de Linderhof

C'est désormais officiellement l'automne, et la Bavière a bien eu le mémo : après une semaine de temps superbe, nous avons aujourd'hui droit à une pluie continue qui rend les visites en extérieur un peu compliquées. Après une courte halte à l'abbaye d'Ettal, dont seule la petite église se visite (le monastère est en activité et produit des liqueurs, de la bière et du fromage), nous nous rendons au deuxième château de Louis II à notre programme, Linderhof.

A peu près aussi délirant que Herrenchiemsee à l'intérieur, Linderhof a au moins le mérite d'être fini en raison de sa taille réduite. Des fontaines supplémentaires étaient prévues dans le parc, mais le manque d'argent et, accessoirement, la mort de Louis II auront eu raison de ces projets. Si le décor intérieur est toujours un hommage à Louis XIV et Louis XV, les pavillons qui parsèment le parc, eux, sont une déclaration d'amour à l'autre héros du roi de Bavière, Richard Wagner. Outre un kiosque mauresque et un pavillon marocain qui lui permettaient d'aller jouer au sultan, Louis II s'est fait construire à Linderhof de véritables décors sortis tout droit des opéras de Wagner : la hutte de Hunding, tiré de La Walkyrie, l'hermitage de Gurnemanz, extrait de Parsifal, ou encore la grotte de Vénus (malheureusement fermée à l'heure actuelle pour restauration), que l'on retrouve dans Tannhäuser. Aujourd'hui, des haut-parleurs diffusent forcément des extraits des opéras dès que l'on pose le pied dans les pavillons, mais à l'époque, Loulou aimait aller y faire du cosplay en Siegfried ou en Tristan, parce qu'il est bien connu que le monde réel est un peu nul et que la fantasy, c'est quand même vachement mieux. On a beau partager le sentiment, là encore, l'éblouissement initial finit par laisser place à une certaine tristesse : le pauvre Louis avait besoin du Seigneur des Anneaux en version longue et d'une version mp3 de la Tétralogie, pas des responsabilités d'un roi...

Pour nous, la météo est synonyme d'inquiétude permanente pour l'appareil photo, ce qui explique le nombre limité de photos aujourd'hui. Malgré les K-ways, nous finissons trempés jusqu'aux os, et devoir attendre une heure entre la fin du tour du parc et la visite guidée de l'intérieur achève de nous frigorifier. Heureusement que nous n'avons que 30 petites minutes de route jusqu'à Garmisch-Partenkirchen avant de pouvoir prendre une bonne douche brûlante !!

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Jour 7 - Schwangau et Füssen

Gros changement de programme en vue… Aujourd’hui, nous avions prévu d’emprunter le train à crémaillère et la télécabine qui permettent d’accéder au sommet du Zugspitze, le point culminant des Alpes bavaroises, mais tout est remis en question une fois à la gare. En effet, la météo ne s’est vraiment pas améliorée depuis hier, et les caméras qui donnent un aperçu en direct des conditions au sommet montrent que l’on n’y voit pas à 10 mètres. Ajoutez à cela une température annoncée de 3 °C, et vous comprendrez pourquoi nous avons préféré ne pas débourser le prix un tantinet excessif du billet. Nous devions passer la nuit à Füssen ? Nous y passerons aussi la journée !

Après un trajet d’une petite heure sur les routes… d’Autriche (si si, vive l’Europe) pour contourner les montagnes, nous rallions Schwangau, où nous allons admirer l’église St Coloman et surtout baver devant les deux châteaux au programme de la visite de demain, puis la vieille ville de Füssen. Si Schwangau a réussi à conserver son charme de petit village, Füssen est ultra-touristique en raison de sa proximité avec Neuschwanstein. C’est aussi une petite ville médiévale adorable en elle-même, avec son église St Magnus et son Hohes Schloss perché, comme son nom l’indique, au sommet de la colline. Malgré le caractère totalement improvisé de la visite, il y a de quoi faire, entre les peintures en trompe-l’œil et l’exposition d’art religieux médiéval du vieux palais épiscopal et le monastère (toujours consacré à St Magnus) faisant office de musée. L'enchaînement des expositions, de la lutherie de Füssen aux horloges bizarres, est un peu random, mais c'est souvent comme ça que notre cerveau fonctionne, alors nous n’avons aucune raison de nous plaindre.

Et le plus important, dans cette affaire ? Nous avons laissé la pluie derrière nous. La visite du plus important château de la région devrait se faire au sec !

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Jour 8 - Hohenschwangau et Neuschwanstein

Nous sommes le 24 septembre et la journée a tout pour être parfaite : il fait beau, nous sommes à moins de 10 minutes de route du site où nous devons passer la journée et nous avons une place garantie pour la visite de deux des châteaux les plus célèbres de la planète. A priori, l'organisation idéale... jusqu'à ce que la voiture (la nôtre, celle de tous les jours, avec laquelle nous sommes arrivés de région parisienne) refuse de démarrer. La batterie a-t-elle "pris froid" (il commence à faire vraiment frisquet la nuit) ? Le câble USB branché sur l'allume-cigare l'a-t-il vidée ? A-t-elle tout bonnement rendu son tablier après avoir conduit davantage en une semaine qu'en presque neuf ans de bons et loyaux services ? Aucune idée, mais le résultat final ne change de toute façon rien : kaput elle est bel et bien, et avec elle nos chances d'accéder facilement et simplement jusqu'aux châteaux. Nous découvrons le problème à 9h20. Notre visite de Hohenschwangau est prévue pour 10h05. Stress.

Un problème et une solution à la fois. Comme nous ne connaissons ni les arrêts ni les horaires des bus, nous nous rabattons sur un taxi pour nous conduire aussi rapidement et aussi haut que possible sur le site, histoire de nous éviter les 20 minutes de marche qui mènent normalement du parking visiteurs à Hohenschwangau. Nous parvenons à faire le trajet en un temps record (même si l'inhalateur est de sortie, car la pente est raide) et arrivons devant le château avec 10 bonnes minutes d'avance. Le temps de la visite, nous refusons de seulement penser à la voiture et aux démarches qui nous attendent une fois sortis...

Hohenschwangau, initialement appelé Schwanstein, ne fait techniquement pas partie des châteaux de Louis II de Bavière. C'est en réalité une réalisation de papa, Maximilien II, qui tomba un jour sur les ruines lors d'une randonnée et décida de redonner à ces vieux cailloux médiévaux leur cachet d'antan. Il le fit donc transformer en résidence d'été néo-gothique, où les Wittelsbach du 19e venaient passer leurs vacances entre pêche et rando dans un cadre à couper le souffle. Le château a servi jusque dans les années 1910, et l'ascenseur installé pour le prince régent Luitpold, qui se déplaçait en fauteuil roulant sur la fin de sa vie, tranche bizarrement avec le mobilier à faire pleurer William Morris de jalousie et le décor de fresques relatant les aventures du Chevalier au Cygne (pour la référence à Schwanstein), la naissance de Charlemagne et diverses légendes germaniques. Ce délire-là, Louis II n'en est pas responsable, mais lorsqu'on passe toutes ses vacances dans un environnement pareil, il n'est pas étonnant qu'on finisse par avoir envie de bâtir sa propre version en plus grand, plus fou, plus tout.

Après 30 minutes de parenthèse enchantée dans ce château magique, qui fleure bon un Moyen-Âge chevaleresque n'ayant probablement jamais existé, nous revenons à la triste réalité et à nos problèmes de voiture. Pendant que Benjamin contacte l'assurance (merci le roaming) et rejoint le centre-ville en bus, je gère le stress selon la méthode approuvée par les femmes depuis la nuit des temps : en faisant du shopping. Il nous fallait des livres contenant des photos des intérieurs des châteaux de Louis II, et désormais, nous les avons. Un dépanneur avec des pinces crocodile plus tard, Benjamin parvient à faire parcourir à la voiture les quelques kilomètres qui la séparaient du parking des châteaux, et nous poursuivons la visite du site en croisant les doigts pour que tout se passe bien lors de notre départ ce soir.

En attendant notre visite de Neuschwanstein, prévue pour 17h10 (oui, tout est minuté), nous avons largement le temps de découvrir le Musée des rois de Bavière posé juste en face de l'Alpsee. Très riche en informations, celui-ci permet d'en apprendre davantage sur les Wittelsbach dont les châteaux précédents nous ont pour l'instant peu parlé, à savoir le prédécesseur de Louis II, son père Max II (qui encouragea le retour au costume traditionnel pour les Bavarois ; si vous trouvez que le Dirndl et le Lederhose sont un peu clichés, c'est à lui qu'il faut le remonter), et ses successeurs immédiats, notamment le prince régent Luitpold. La famille existe encore aujourd'hui, et même si tous ces beaux châteaux sont techniquement la propriété de la Bavière, elle touche toujours une petite partie des revenus astronomiques que génèrent les visites. A la fin du 19e siècle, les folies architecturales de Ludwig ont vidé les caisses de l'état. Aujourd'hui, elles les remplissent largement...

Nous qui pensions que la pente menant à Hohenschwangau était un peu raide, nous en sommes quittes pour laisser un demi-poumon chacun sur la route menant à Neuschwanstein (mais cette fois, nous avons amplement le temps). Louis II n'y est pas allé de main morte en voulant percher son château de rêve à 925 m d'altitude... Mais le trajet à lui seul vaut le coup, car la vue sur la vallée est absolument superbe, pour ne rien dire de la "carte postale en vrai" que représente Neuschwanstein lui-même. Et depuis le Marienbrücke, le pont à suspension en fer garanti 100 % d'époque, le château est tout bonnement à couper le souffle. Au final, même si nous avons apprécié tous les châteaux que nous avons visités jusqu'à présent, c'est pour lui que nous avons fait le déplacement, et nous ne sommes vraiment pas déçus du voyage.

A l'intérieur, c'est un véritable rêve éveillé. Herrenchiemsee était là pour que Louis II puisse jouer à Louis XIV ; Linderhof, pour qu'il joue à Siegfried, à Tristan, à Tannhäuser ou à n'importe quel autre personnage de Wagner ; Neuschwanstein, lui, était là pour qu'il jouer à être son propre saint patron, Louis IX, ou Perceval, ou une représentation idéalisée d'un chevalier sans peur et sans reproche qui trouve le Graal à la fin. En 2023, l'homme serait un atout de poids dans une troupe de GN, autour d'une table de jeu de rôle, ou même en tant qu'auteur de fantasy. Dans les années 1880, il n'avait pas d'autre choix que de faire construire une grotte dans ses appartements privés, de peindre les murs aux couleurs de ses légendes préférés et de faire construire des chaises ressemblant à des trônes gothiques. Un véritable décor de théâtre pour super-nerd à une époque où ce mot n'existait pas, et une visite exceptionnelle pour ces deux touristes qui savent reconnaître une âme sœur quand ils en voient une.

La descente est forcément plus simple et plus rapide que la montée, mais une fois revenus à la voiture, nous devons nous rendre à l'évidence : encore une fois, la batterie ne repartira pas sans un coup de pouce. Pour l'assurance, le plan consistait à passer une nuit supplémentaire à Füssen et faire remorquer la voiture jusqu'à un garage pour remplacer la batterie demain. Le dépanneur n'est pas de cet avis, et une fois la batterie relancée, il nous conseille de prendre la route pour Augsbourg, comme prévu dans notre programme, pour faire le nécessaire là-bas. C'est donc avec beaucoup d'appréhension et en redoutant le moindre allumage de phares ou de clignotant que nous parcourons les 100 km qui nous séparent d'Augsbourg et de l'appartement de notre ami Amaury, chez qui nous avions prévu de loger ce soir. Titine a été bien vaillante jusqu'ici, mais elle n'ira pas plus loin sans une batterie neuve...

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lundi 18 septembre 2023

Bavière, jours 1 à 4 - Munich et alentours immédiats

Jour 1 - De Strasbourg à Munich

On the route encore ! Un mois après notre retour des Féroé, nous partons cette fois pour notre premier voyage à l'étranger en voiture. Après une première étape de Rambouillet à Strasbourg hier, nous voici aujourd'hui de l'autre côté de la frontière, sur les autoroutes allemandes souvent vantées pour leur absence de limite de vitesse et décriées pour leur revêtement pourri. Sur le revêtement, rien à redire ; en revanche, pour la vitesse, on repassera, car la nôtre descend assez souvent sous les 100 km/h pour cause de bouchons et de travaux absolument PAR-TOUT. Résultat, il nous faut environ 5h30 pour effectuer un trajet qui aurait dû en prendre 4, et c'est donc largement plus tard que prévu que nous attaquons notre visite de la capitale de l'Etat libre de Bavière (si, en vrai, c'est son nom complet).

La bonne blague, c'est que Munich s'est mise il y a 10 ans au "badge environnemental", que nous n'étions pas au courant et que nous devons donc nous garer à des lieues du centre-ville et faire le reste du trajet à pattes. Ce qui n'est pas vraiment une épreuve quand ledit trajet passe par l'Englischer Garten, alias "le Central Park munichois", même si la version new yorkaise n'est pas aussi grande. C'est dimanche, l'Oktoberfest a démarré hier et il fait un temps estival  en d'autres termes, tous les critères sont réunis pour que le parc soit envahi de locaux venus faire trempette dans les cours d'eau, disputer une partie de volley, lire à l'ombre des arbres, pédaler autant que la chaleur le permet et, bien sûr, descendre de la bière au litre dans le Biergarten. Dirndl pour elles et Lederhosen pour eux sont de sortie, et franchement, nous n'aurions pas pu rêver meilleur et plus traditionnel accueil (dommage que nous ayons tous les deux la bière en horreur...).

L'heure étant un peu tardive pour espérer visiter la Pinacothèque, nous nous rabattons sur l'impressionnante église rococo des Théatins  ordre dont nous n'avions jamais entendu parler avant aujourd'hui, mais c'est à ça que sert de visiter des églises qui n'étaient même pas au programme. Le rococo à beau ne pas être notre style de prédilection, à petites doses, ça se laisse admirer. A l'autre bout de Ludwigstraße, la grande artère munichoise qui donne une idée de ce à quoi ressembleraient les Champs-Elysées sans des boutiques de luxe et des McDo partout, se dresse l'équivalent local de l'Arc de Triomphe, la Siegestor, dont l'original date du règne de Louis Ier de Bavière mais qu'il a forcément fallu reconstruire après les bombardements de la Seconde Guerre mondiale (70 % kaput en 1945, Munich ; aïe). Pour conclure cette première journée un peu écourtée, nous allons profiter des derniers rayons du soleil en terrasse dans le quartier de Schwabing, en dégustant un spritz commandé à un serveur portant fièrement son Lederhose. Je sens que nous n'allons pas nous en lasser...

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Jour 2 - Le Munich de carte postale

La météo annonçant l'arrivée de la pluie en début d'après-midi, nous profitons d'une matinée toujours très ensoleillée pour poursuivre notre découverte de Munich en extérieur, avec un tour très complet de l'Altstadt (la Vieille ville) mené de main de maître par le seul membre de ce couple capable de lire un plan. La première partie se concentre sur toutes les églises dignes de ce nom en centre-ville, avec notamment l'église St Michel, moins dédiée à l'archange qu'à tous les ducs/princes/rois de Bavière ayant soutenu la Contre-Réforme dans la région, et surtout la Frauenkirche, la cathédrale de Munich, dont l'intérieur blanc franchement dépouillé est compensé par le superbe mausolée de Louis Ier de Bavière.

Nous faisons souvent remarquer que nous avons une chance insolente, et nous le prouvons encore aujourd'hui en arrivant sur la Marienplatz à midi pile, soit l'heure à laquelle les personnages en cuivre du carillon du Neues Rathaus (le nouvel hôtel de ville) s'animent pour rejouer le tournoi des noces du duc Guillaume V. La foule amassée là était apparemment au courant de l'attraction ; nous nous sommes contentés de profiter d'un timing parfait. Entre poissons moches sur les fontaines, jolie Vierge au sommet de sa colonne et architecture néogothique assumée, les occasions de prendre des photos carte postale ne manquent pas – d'autant que le Neues Rathaus est l'un des rares survivants des bombardements et que cette façade du 19e est donc parfaitement authentique. L'Altes Rathaus (l'ancien hôtel de ville, donc), lui, n'a pas eu cette chance, et la version qui se dresse aujourd'hui à l'est de la place, bien qu'identique à la précédente, ne date que d'après la guerre. La visite de l'Altstadt ne serait pas complet sans un petit tour par le Viktualienmarkt (je ne vais pas vous faire l'insulte de traduire), avec son arbre de mai et ses étals proposant bière, bretzels et assez de charcut' pour nourrir une armée.

La deuxième moitié de la journée est consacrée à un autre très gros morceau : la Residenz, lieu de résidence de la famille d'abord ducale, puis princière et enfin carrément royale de Bavière, les Wittelsbach. Quiconque a des souvenirs de Romy Schneider en Sissi se souvient forcément du nom de famille, mais ce que les films ne disent pas, c'est que les Wittelsbach ont régné sur la Bavière à partir de 1080 et seraient sans doute encore là si la Première Guerre mondiale n'avait pas méchamment mis un frein à toutes ces histoires de monarchies européennes. Tous les châteaux de la région ont donc été commandités et occupés par les Wittelsbach, ce qui est bien pratique pour les rédactrices de blog qui pourront s'épargner des détails dans leurs prochains articles.


De façon pratique, la visite permet de découvrir les 130 pièces du château (pour la plupart très vides ; ce sont surtout les plafonds et les admirables éléments de décor en scagliola, c'est-à-dire en marbre 100 % toc, qui valent le coup), dont le style va du Renaissance au néoclassique, le Trésor, son bling somptueux et ses bijoux de la couronne (les portes blindées ne sont pas tout à fait aussi larges que celles de la Tour de Londres, mais il s'en faut de peu), et le tout petit théâtre rococo qui arrive à cumuler autant d'or et de velours rouge que tout l'opéra Garnier. Une horreur pour les pieds (3h à piétiner, ça pique), mais un régal pour les yeux. Compteur de châteaux : 1. Il y en aura beaaaaucoup plus d'ici la fin du séjour.

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Jour 3 : le complexe palatial de Schleißheim

Ce matin, direction le nord de Munich pour la visite des trois palais qui composent le complexe de Schleißheim, à savoir l'Altes Schloss, le Neues Schloss (jusque-là, fastoche) et le relais de chasse de Lustheim. A l'origine, l'objectif du prince-électeur Max II Emanuel était de construire un immense palais qui relierait l'Altes et le Neues Schloss, puis d'ajouter quelques ailes de plus pour faire bonne mesure, mais un exil de 11 ans en France suite à une vilaine défaite militaire lors de la guerre de succession d'Espagne, alors que la construction avait à peine commencé, ont mis à mal ce beau projet. Aujourd'hui, l'ancien et le nouveau château sont toujours bien distincts, mais en tant que touristes, on s'en fiche pas mal, du moment que c'est joli (et ça l'est).

Lorsqu'on nous a annoncé une "exposition d'art religieux" dans l'Altes Schloss (méchamment abîmé pendant la guerre et reconstruit de façon assez brute de décoffrage), nous nous attendions bêtement à un trésor classique tel qu'on en trouve dans la moitié des musées et des cathédrales du monde. A notre grande surprise, il s'agit en fait d'une collection de 6 000 pièces plus ou moins modernes venues du monde entier, allant de la crèche provençale traditionnelle à la version native américaine (parce qu'il n'y a AUCUNE raison que Jésus ne soit pas né dans un tipi, après tout), en passant par des œufs de Pâques des quatre coins du monde, des Cènes brésiliennes et des descentes de croix africaines. La collection est tellement impressionnante (et bizarrement spécifique...) qu'elle forme carrément une branche du Musée national bavarois. L'art religieux comme ça, on en redemande !

Le Neues Schloss baroque (le "vrai château", comme nous l'a décrit la dame à la billetterie de l'Altes) est quant à lui beaucoup plus classique, avec son hall qui contiendrait aisément 10 fois notre appartement, son escalier à rendre jaloux le palais de Caserte et son étage de 160 m de long toutes portes ouvertes. Contrairement à la cour de Max Emanuel qui faisait le trajet en calèche, nous n'avons que nos pieds de plébéiens pour parcourir le petit kilomètre de jardins à la française qui nous sépare du "relais de chasse" de Lustheim. Là encore, on découvre en fait une annexe du Musée national bavarois, consacré cette fois à la deuxième plus grande collection de céramiques de Meissen du pays. Entre les animaux, les chinoiseries et les services à thé de toutes les couleurs, il y en a pour tous les goûts, et la visite est organisée de façon à ne jamais être monotone.

Il y a quelques années, nous aurions profité d'une journée aussi courte pour retourner au centre de Munich et faire un tour à la Pinacothèque que nous n'avons pas pu visiter le jour de notre arrivée. Aujourd'hui, nous préférons retourner à l'hôtel nous remettre de nos 14 km de marche d'hier. Compteur de châteaux : allez, disons 2 pour faire comme si le rêve de Max Emanuel s'était réalisé !

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Jour 4 - Le château de Nymphenburg

Notre dernier jour dans la capitale bavaroise est consacré au château de Nymphenburg, distant d'à peine 8 km de la Residenz et de l'Englischer Garten, mais qui faisait malgré tout office de "résidence d'été" pour les Wittelsbach. Ça doit être un truc de prince-électeur qu'on ne peut pas comprendre. Blague à part, alors que la Residenz ressemble à un gros cube fonctionnel planté au milieu de la ville et donc un peu ramassé sur lui-même, Nymphenbourg est beaucoup plus aéré, et son parc est clairement fait pour l'agrément – de la famille régnante à l'époque et des habitants du quartier qui peuvent en profiter librement aujourd'hui.


A l'intérieur, c'est toujours cette succession ahurissante de styles allant du baroque au néoclassique, de lustres en cristal de Bohême et d'explosions de couleurs au plafond, mais c'est aussi, pour changer un peu, la "galerie des beautés" de Louis Ier (une série de portraits de jeunes femmes qui seraient toutes actrices ou mannequins aujourd'hui et que le roi aimait aller admirer quand sa femme lui tapait sur le système), et accessoirement la chambre de naissance du Louis de Bavière le plus (tristement) connu, le numéro II. Les parterres des jardins à la française valent largement moins le coup que les délicieux petits pavillons thématiques qui parsèment le parc. Mention spéciale au Magdalenenklause, pensé comme une "retraite spirituelle" de style ruine (oui, ça existe ; oui, on découvre) et érigé à moins de 500 m du Pagodenburg, où la famille se réunissait pour prendre une collation après avoir joué au croquet. On rappelle qu'un prince-électeur, ça ne sait pas vraiment utiliser ses pieds, donc il ne faudrait pas que le temporel soit trop loin du spirituel...

L'autre attraction de Nymphemburg, c'est son musée des carrosses, logé dans les anciennes écuries (classique), qui présente des traîneaux à la fonctionnalité parfois questionnable, des harnais des grands jours, la "galerie des beautés" de Louis II, cette fois (des chevaux à la place des jeunes femmes), et surtout, surtout, le carrosse de couronnement de Karl VII, véritable monument rococo sur roues, et les carrosses de parade de Louis II, à peine moins ouvragés. Le garçon aimait Louis XIV, et ça se voit dans son choix de véhicules. A l'étage du dessus, le petit musée des porcelaines n'est pas aussi impressionnant que celui de Schleißheim, mais tous les châteaux ne peuvent pas avoir une extension du Musée national de Bavière dans leurs dépendances !

Compteur de châteaux : 3. Pas mal pour une seule ville ! Cet après-midi, nous quittons Munich pour le sud de la Bavière, où nous attend l'objet principal de ce voyage : les très dispendieuses dingueries de Louis II.

mardi 8 août 2023

Îles Féroé

Jour 0 : A mi-chemin entre Ecosse et Islande...

L'an dernier, nous étions particulièrement fiers d'avoir opté pour des vacances d'été aux Orcades, où une température de 18° est considérée comme caniculaire, alors que la région parisienne cuisait sous approximativement 45 et que l'apocalypse climatique semblait à nos portes. En 2023, nous avons donc décidé de réitérer l'expérience et de "fuir la canicule" encore plus haut, aux Îles Féroé, où le thermomètre atteint péniblement les 15° dans un bon jour et où il pleut environ 360 jours par an. Ce que nous n'avions pas prévu, c'était l'authentique tempête hivernale qui allait s'abattre sur le nord de l'Europe la semaine de notre départ... Nos vols Paris-Copenhague et Copenhague-Féroé n'auront heureusement pas été impactés, mais il s'en sera fallu de peu. C'est donc après un trajet sans aucun incident que nous atterrissons à l'aéroport de Vágar, le seul et unique des Féroé, construit par les Britanniques pendant la Seconde Guerre mondiale. Le temps de récupérer notre voiture de location et de lancer un petit Ormurin Langi (parce que quand on a un groupe de metal féroïen dans sa playlist, on en profite), et nous voilà partis pour la capitale, Tórshavn, qui sera notre base le temps d'explorer l'île de Streymoy.


Jour 1 : Saksun et Tjørnuvík

Premier jour complet sur place, première randonnée et première saucée... Et pour attaquer en beauté, ce sera le site de Saksun, délicieux petit village dont la population s'élève à 30 personnes mais qui figure pourtant sur toutes les cartes postales. En même temps, entre les toits de gazon, les multiples cascades, le sable noir, les falaises d'une parfaite verticalité et les moutons partout, on comprend aisément l'attrait touristique. Pour faire des photos magnifiques, il n'y a régler l'appareil en mode rafale et le pointer à peu près n'importe où. La pluie qui nous a suivis depuis Tórshavn se rappelle à notre bon souvenir à intervalles réguliers, jusqu'à se décider pour une bonne grosse ondée continue qui nous pousse à sortir les pantalons imperméables (oui, nous sommes équipés !). Face à la mer, les pieds dans le sable noir et la pluie dans le visage, entourés de ces falaises vertigineuses qui font la réputation des Féroé, nous avons comme un sentiment de fin du monde – mais si la fin du monde ressemble à ça, elle sera au moins agréable à regarder ! Après 10 km de marche et avec l'impression d'être tombés dans la mer, nous reprenons la route, manquons passer à côté de la plus grande cascade des Féroé et atteignons enfin le village le plus septentrional de Streymoy, Tjørnuvík. L'attraction locale, ce sont les deux rochers d'environ 70 m qui se dressent au large de la plage – le Géant et la Sorcière, de leurs petits noms. La légende veut que ces deux-là aient un jour eu envie de ramener les Îles Féroé chez eux, en Islande, mais que l'opération ce soit avérée un peu plus compliquée que prévu et qu'ils aient été surpris par le lever du soleil, lequel les aurait aussitôt changés en pierre. C'est tout de même plus sympa que des considérations rasoir comme la tectonique des plaques et l'érosion ! Contre toute attente, nous aurons tout de même eu droit à un rayon de soleil aujourd'hui : ce chien de berger, sans doute sur son heure de pause, qui nous a suivis pendant plusieurs kilomètres après s'être rendu compte que l'humain mâle aimait bien lancer le bâton. Ce monde ne mérite vraiment pas les chiens.

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Jour 2 : Kirkjubøur, île d'Hestur et Tórshavn

Nous poursuivons aujourd'hui notre découverte de l'île de Streymoy avec des visites beaucoup plus proches de notre camp de base, en commençant par Kirkjubøur, l'un des plus anciens sites habités des Féroé et accessoirement le village le plus au sud de l'île principale. Après avoir longtemps dépendu de la Norvège en matière de religion, les Îles Féroé eurent droit à leur propre archevêché aux alentours du 13e siècle. Au Moyen Age, un archevêché nordique, c'était avant tout une ferme, et la situation de Kirkjubøur en faisait l'endroit idéal pour faire pousser les rares trucs qui poussent sous des latitudes pareilles, faire paître des moutons et récupérer du bois flotté. Autant de raisons qui expliquent la présence de l'abbaye St Magnus (ou plutôt de ses jolies ruines), l'un des rares bâtiments médiévaux encore debout aux Féroé. Si on veut être archéologue dans ce pays, il vaut mieux s'intéresser aux Vikings... Malgré la beauté du lieu, c'est une expérience beaucoup plus moderne qui constitue le clou de notre journée : un tour de 90 minutes en speedboat autour de l'île d'Hestur, véritable hôtel de luxe pour oiseaux marins. Le temps est aujourd'hui extrêmement dégagé, et si cela veut dire qu'il fait carrément froid, cela signifie aussi que la mer est calme et que les conditions sont parfaites pour admirer de très, très près les falaises hallucinantes qui constituent 98 % des Îles Féroé (et les grottes qui les traversent par la même occasion). Au passage, nous croisons également nos premiers macareux, quelques guillemots, des colonies entières de mouettes tridactyles et deux phoques très curieux qui avaient l'air de se demander ce que ces idiots d'humains avaient encore inventé. Une expérience décoiffante, surtout lancés à 40 nœuds avec "Highway to Hell" dans les enceintes du bateau !! Nous finissons la journée avec une exploration rapide de Tórshavn, l'une des plus petites capitales du monde (c'est un thème, ici : tout est miniature... sauf les falaises) du haut de ses 23 000 habitants. Il vaut mieux pour les politiciens que les administrés soient contents, car la porte en bois des bureaux du Premier Ministre et du Ministère des Finances ne résisterait sans doute pas à une petite mamie armée de sa seule déclaration de revenus. Avec son intérieur en bois peint de couleurs vives, la cathédrale est le lieu de culte le plus dépouillé que nous ayons jamais visité, et le centre historique tient dans un mouchoir de poche. Malgré son nom grandiloquent ("havre/port de Thor"), Tórshavn, c'est la capitale des Polly Pocket.


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Jour 3 : Viðareiði et Múli

Si l'adage veut que la météo féroïenne passe par les quatre saisons en une seule journée, d'une île et d'une journée à l'autre, c'est encore pire ! Après avoir quitté Tórshavn et Streymoy via le seul tunnel sous-marin de notre connaissance à posséder un rond-point, nous prenons la direction des îles du nord, et plus précisément de Viðareiði, le point le plus septentrional des Féroé accessible en voiture. L'objectif est d'atteindre le point le plus septentrional des Féroé tout court, le sommet du mont Enniberg, qui culmine à un petit 754 m d'altitude, mais la tempête qui se déchaîne sur cette partie du pays nous fait bien vite comprendre que l'exploit est compromis : au niveau de la mer et de la petite église de Viðareiði, le vent est tel qu'il est impossible de se tenir debout et que nous refusons de laisser les portes de la voiture ouvertes de peur qu'elles ne soient arrachées ou qu'elle ne claquent accidentellement sur nos tibias (absolument véridique). La pluie est bien évidemment de la partie, elle aussi, ce qui rend l'ascension de l'Enniberg dangereuse en plus d'être difficile et déplaisante. Ajoutez à cela une certaine voyageuse souffrant d'asthme et vilainement malade depuis le début des vacances, et vous comprendrez pourquoi nous n'avons pas dépassé un tiers du trajet. Nous avons pu profiter un peu de la vue époustouflante sur les îles de Vidoy et Bordoy, et c'est déjà bien. Dans la vie, il faut savoir choisir ses combats ! Malgré la pluie persistante et le vent qui a décidé de battre des records de vitesse, nous poursuivons les visites prévues avec le Dernier Village Avant la Fin du Monde, Múli. Considéré comme abandonné depuis 1992, ce minuscule hameau (le dernier de l'archipel à avoir été raccordé à l'électricité... en 1970) se situe tout au bout du bout de la seule route qui traverse Bordoy. Ce qui ne nous a pas effleurés au moment de préparer le planning de notre road trip, c'est que qui dit village abandonné dit aussi... route abandonné. Nous comprenons très vite notre erreur lorsque les pneus de notre pauvre voiture maltraitée rencontrent les premiers nids de poule de la taille d'impacts de petits astéroïdes. Au final, après un quart d'heure de conduite qui nous fait craindre pour notre caution, nous ne pouvons même pas vraiment profiter de la vue, car la météo nous fait clairement comprendre que nous ne sommes pas du tout les bienvenus. Message reçu, cette fois-ci ; notre dernière étape nous conduit à notre camp de base pour les deux prochaines nuits, Klaksvík, la plus grande ville des îles du nord. Au programme : du chauffage, une bonne douche chaude et au lit avec les poules, car la journée de demain promet d'être rock'n'roll.



Jour 4 : Trøllanes, Mikladalur et Klaksvík

Décidément, les journées se suivent et ne se ressemblent pas ! Après la tempête d'hier, nous avons droit aujourd'hui à un temps de rêve pour la randonnée, ce qui n'est pas du luxe pour ce qui nous attend... Si le phare de Kallur, sur l'île de Kalsoy, est devenu un grand favori des amateurs de crapahutage en visite aux Féroé, les locaux n'ont pas eu le mémo. En effet, le ferry qui relie Klaksvík à Kalsoy ne circule qu'une demi-douzaine de fois par jour et ne peut accueillir que 12 voitures, ni plus ni moins. Autant dire qu'il faut se lever tôt (littéralement) et avoir une stratégie réfléchie pour espérer accéder à ce satané phare. Le réveil sonne donc à l'heure inacceptable de 6h30 pour que Benjamin puisse déposer la voiture au terminal du ferry à 6h41 (le premier bateau du jour est parti à 6h40) et ait le temps de revenir petit-déjeuner et se préparer au BnB. A 7h20, nous nous mettons en route (à pied, donc) pour le port. A 7h30, moins de 5 minutes avant l'embarquement, nous voici tranquillement dans la voiture, premiers de la file. J'aime quand un plan se déroule sans accroc ! Après 20 de traversée et 20 minutes de voiture supplémentaires, nous voici à Trøllanes, point de départ de la randonnée tant vantée. Il fait presque chaud, il n'y a pas un nuage à l'horizon, et nous pouvons profiter à 100 % des paysages absolument hallucinants de la pointe nord de Kalsoy. Le phare lui-même n'a strictement aucun intérêt, mais ce qu'il y autour vaut 1000 fois le réveil matinal et les litres de sueur perdus pour gravir 3 petits kilomètres. Cette vue, ce cadre, cette nature dans toute sa gloire, c'est pile la raison pour laquelle nous avons fait le voyage. De retour au niveau de la mer, nous décidons d'explorer un peu Trøllanes, et bien nous en prend, car nous découvrons une petite colonie de macareux à l'autre bout du village... et qui dit macareux dit obligatoirement séance photos. L'autre attraction de Kalsoy, c'est la statue de selkie (ou Kópakonan dans l'idiome local) installée face à la mer dans le petit village de Mikladalur. La dame est belle, mais les cascades autour le sont tout autant et valent absolument le détour. Il est à peine 13h lorsque nous allons prendre notre place dans la file pour le ferry de retour, et nous sommes déjà 8e alors que le départ n'est pas prévu avant 15h10. Du début à la fin, notre stratégie aura payé !! N'ayant visiblement pas assez marché aujourd'hui, de retour à Klaksvík, nous montons jusqu'au point de vue de Klakkur, qui offre une superbe vue sur la ville et les îles les plus proches. Non, nous n'avons pas eu le courage de grimper jusqu'au sommet – une montagne par jour, ça suffit, merci bien ! De toute façon, dans le coin, le paysage est à couper le souffle quelle que soit l'altitude. La journée fut stressante et sportive, mais elle fut surtout mémorable !



Jour 5 : Gjógv, Elduvík et Oyndarfjørður

Le voyage touche presque à sa fin, et il est temps de quitter les îles du nord pour nous rapprocher de Vágar, de son aéroport et des belles visites qu'il nous reste encore à faire. Aujourd'hui est donc principalement une journée de route, ponctuée de jolis arrêts dans des villages perdus autour de l'un des fjords de l'île d'Esturoy. Nous commençons par l'adorable Gjógv, sa rivière, son monument aux disparus en mer et surtout, son chemin de randonnée en bord de falaise, qui met les mollets et les cuisses à mal de bon matin. Mais nous tombons sur une petite famille de macareux en chemin et cela rend tout le suite l'ascension plus choupignonne et plus agréable. Viennent ensuite Elduvík, son chemin côtier et sa statue de sirène, puis Oyndarfjørður et ses parcs à saumon qui alimentent l'usine Mowi toute proche (miam). Le temps de trajet n'étant apparemment pas assez long pour la journée, nous faisons un détour par la micro-ville de Vestmanna (un peu moins de 1300 habitants, autant une mégalopole dans le coin !!) en espérant pouvoir visiter la distillerie Faer Isles, mais les visites guidées n'ont malheureusement pas lieu tous les jours. Quant à découvrir la production librement, il ne faut pas trop y penser dans un pays où la vente d'alcool est contrôlée par le gouvernement et limitée à un grand total de 10 magasins officiels pour une population de 53 000 personnes... Un coup d'épée dans l'eau, donc, mais nous n'avons pas vraiment perdu notre temps pour autant : ici, le simple fait de regarder la route défiler est une expérience spectaculaire, et il y a toujours des idiots de moutons dont se moquer. Notre dernier camp de base du voyage, Gasadalur (c'est sympa de pouvoir écrire un nom de bled sans avoir à le copier depuis Google pour être sûre d'avoir toutes les lettres bizarres correctement placées...), nous permettra d'explorer Vágar pendant les deux jours à venir.



Jour 6 : Trælanípa, Bøsdalafossur et Gasadalur

Le moins que l'on puisse dire, c'est que nous aurons eu une chance folle en matière de météo pour les "grosses" randonnées de notre programme. Marcher sous la pluie, ça va un moment, mais il est tout de même plus agréable de découvrir les lieux emblématiques de sa destination de vacances sous le soleil. Au programme de notre samedi ultra-ensoleillé (indiscutablement la plus belle journée de la semaine), Sørvágsvatn, Trælanípa et Bøsdalafossur. Ces noms imprononçables pour nous ne disent sans doute rien à personne, mais si on vous dit "le lac suspendu au-dessus de la mer avec la cascade", il y a de fortes chances que ça vous parle davantage. Quiconque a déjà vu des photos de ce site extrêmement célèbre des Îles Féroé s'est forcément exclamé : "Oooooh, c'est beau !!!". Sans surprise aucune, ça l'est encore plus en vrai... On se demande vraiment ce que Mère Nature a cherché à faire avec cette configuration plus que bizarre, mais au final, quelle importance ? C'est à couper le souffle et c'est tout ce qui compte. Le gros point positif du lac, c'est que cela implique un terrain relativement plat, et que nous ne passons donc pas nos trois heures de randonnée à marche comme des moutons à flanc de falaise, ce que les mollets apprécient grandement. Après cette balade iconique, nous passons dire bonjour au kelpie qui vit dans les eaux de Sørvágsvatn (ou plutôt à sa statue), puis, comme le thème du jour semble être aquatique, nous concluons avec la superbe cascade de Múlafossur, qui se situe en contrebas de notre village-étape, Gasadalur. Encore un coin où Mère Nature a décidé de se la péter...



Jour 7 : Mykines

Le ferry à destination de l'île de Mykines ayant été annulé hier "à cause de la météo" (ce n'est pas parce qu'il fait grand soleil que la mer est calme), nous nous inquiétions un peu de savoir si nous pourrions nous y rendre ce matin, mais la chance est encore une fois avec nous. L'énorme nuage qui s'est posé sur l'île hier reste fermement en place, mais ce n'est apparemment pas un problème pour prendre la mer. La traversée, censée durer 45 minutes, prend plutôt une bonne heure, car nous avons droit à un petit détour par l'îlot de Tindhólm, histoire d'admirer son arche, ses cinq pics et ses falaises vertigineuses qui donnent l'impression de s'approcher d'un kaiju endormi ou de Skull Island (pas de singe de 100 m de haut à l'horizon, on serait presque déçus). Une fois débarqués à Mykines, il devient très vite évident que le panorama ne sera pas le point fort de la visite, car le brouillard est plus que dense. Aucune importance : l'attraction principale, elle, est suffisamment proche pour être bien visible malgré la purée de pois. Car Mykines, c'est avant tout un site de reproduction et de nichage pour une colonie de 200 000 macareux moines (contre 1000 moutons et 8 humains à l'année), qui justifient à eux tout seuls de réserver un ferry 6 semaines à l'avance et d'affronter un chemin de randonnée qui donne l'impression de gravir l'Everest par la face nord. Et elles sont VRAIMENT partout, ces créations choupissimes de Mère Nature. Si elles ne se laissent pas exactement approcher (il est de toute façon interdit de sortir du chemin, sous peine de marcher sur des nids), elles ne sont en revanche pas farouches pour deux sous et vivent leur vie comme si les humains en adoration armés d'appareils photos vingt fois plus lourds qu'elles n'étaient même pas là. Une rencontre absolument incroyable, et un bel exercice physique en prime, qui voit la plupart des passagers du ferry du retour opter pour une petite sieste. L'air de la mer, le vent et l'escalade, ça vous achève un touriste...



Conclusion

Une destination au-delà du sublime, à recommander à tous ceux qui n'ont pas peur de passer leur été sous la pluie, ainsi qu'aux amoureux de nature, de paysages et de randonnée. Fans de musées et de visites en intérieur s'abstenir : les Féroé, c'est le pays de la marche et de la vie au grand air ! (Frais, l'air. Trèèèèès frais...)

lundi 27 mars 2023

Gulen, Norvège - Safari nudibranches

Faire le déplacement en Norvège en plein mois de mars n'est pas exactement une décision digne de gens censés, mais pour notre défense, 1) nous ne sommes pas des gens censés, et 2) ce n'est pas nous qui avons choisi la date.

Tout commence en -1 av. l'apocalypse zombie (en 2019, donc, pour ceux qui préfèrent utiliser le calendrier normal), lorsque Benjamin reçoit une newsletter de PADI faisant l'éloge du centre de plongée norvégien Gulen Dive Resort et de son "safari nudibranches". Une semaine de plongée dans un fjord qui abrite 80 des 130 espèces de nudibranches recensées en Norvège ? Il n'en fallait pas plus pour que le fanboy des mini-mollusques colorés se mette en tête de s'offrir un appareil photo sous-marin et de se former à la plongée en combinaison étanche (parce qu'il faudrait être un brin suicidaire pour plonger en combi humide dans un fjord au mois de mars) pour se joindre au safari. 2020 et 2021 n'ayant pas été les meilleures années qui soient pour les voyageurs, nous avons dû attendre l'été 2022 pour nous former, et 2023 pour le safari proprement dit. Le safari n'ayant lieu qu'une semaine par an, il s'agissait de ne pas louper le créneau.

L'été dernier, après notre deuxième et dernière journée de stage aux Orcades, j'écrivais naïvement ceci : "Après une deuxième plongée particulièrement réussie et une bordée de compliments de la part de notre divemaster (il paraît qu'on gère la combi étanche et que nous sommes particulièrement bons pour économiser de l'air ; merci, on prend !!), nous sommes fiers de pouvoir dire que nous avons chopé la technique, même si l'eau à 13 °C reste un sacré challenge. Safari nudibranches en Norvège, nous voilà !!" En fait non. Nous n'avons pas "chopé la technique". Ou si nous l'avons chopée, nous n'étions plus trop sûrs de savoir où nous l'avions rangée quand est venu le moment de nous mettre à l'eau à Gulen.

Nous l'avons appris à nos dépens, le safari nudibranches de Gulen Dive Resort est conçu pour les plongeurs ultra expérimentés et/ou les obsessionnels de la photo sous-marine, et pas pour les plongeurs du dimanche dans notre genre. Entre le matériel de location mal adaptée, la plongée étanche que nous étions loin de bien maîtriser, l'eau à 6 °C, la visibilité épouvantable due à une apparition précoce du plancton et l'absence de divemaster, nous étions totalement hors de notre élément. En un mot comme en 100, nous n'avions absolument pas le niveau requis. Jusqu'à l'avant-dernier jour, nos plongées ont donc été davantage consacrées à gérer notre flottabilité, à chercher notre chemin et à éviter de mourir d'hypothermie qu'à la chasse aux nudibranches. Cela dit, nous sommes fiers de ne pas avoir abandonné et d'avoir pu enregistrer un temps de plongée de 45 minutes le dernier jour.

Si nous avons surtout passé notre temps sous l'eau à nous battre contre notre matériel et les lois de la physique, nous avons tout de même pu profiter un peu de la faune locale, dont les fameux nudibranches (45 espèces collectées par de bien meilleurs plongeurs que nous cette année), de gros oursins et une floppée de grosses d'araignées de mer. Nous avons même eu l'occasion d'apercevoir un phoque dans le fjord par la fenêtre de notre logement un midi. Moins exotique que les orques qui passent parfois dans le coin en cette saison, mais aussi beaucoup moins dangereux pour ceux qui ont la drôle d'idée d'aller se mettre à l'eau plusieurs fois par jour...

Nous avons débusqué des nudibranches dans la nature et nous avons les photos pour le prouver, mais ce safari était surtout l'occasion de ramener lesdits nudibranches sur la terre ferme pour les coller sous un microscope. Car le séjour n'était pas seulement sportif, mais aussi éducatif : entre deux plongées, les participants étaient invités à assister à des cours maigistraux dispensés par des spécialistes des nudibranches et à étudier les caractéristiques de ces drôles de mollusques à la loupe. Il n'y a pas à dire, le nudi au zoom x40 sur le plancher des vaches, c'est plus facile à immortaliser que sous l'eau...

Même si nous n'y étions clairement pas à notre place, ce safari nudibranches aura surtout été captivant grâce aux interventions de scientifiques passionnés, qui viennent à Gulen tous les ans depuis 2010 pour dispenser leur science, encourager la science citoyenne et faire des découvertes majeures. Plusieurs nouvelles espèces ont ainsi été découvertes en un peu plus de 10 ans dans ce fjord perdu à 2h30 de route au nord de Bergen, et les propriétaires du lieu sont fiers d'avoir donné leur nom à deux d'entre elles !

Benjamin voulait voir des nudibranches. Nous n'étions pas assez bons plongeurs pour en profiter pleinement dans leur habitat naturel, mais son petit cœur de scientifique aura malgré tout été comblé par l'aspect plus théorique de ce séjour un peu particulier.


Photos Gulen

Photos sous-marines

Photos au microscope