samedi 4 mai 2019

Rome, jour 6 - Le Quirinal

Pour nous remettre de nos émotions d'hier, ce samedi a été planifié pour être beaucoup plus reposant. Ce matin, nous attaquons (sous la pluie) notre visite du quartier du Quirinal assez tard, puisque nous nous présentons au palazzo Colonna à 10h pour la visite en français de 10h30. Le palais étant toujours habité par la famille Colonna, il n'est ouvert au public qu'une demi-journée par semaine, et nous ne voulons pas risquer d'être refoulés. Nous n'aurions pas dû nous inquiéter : les Colonna, dont l'aîné est toujours Prince Assistant au Saint-Siège au jour d'aujourd'hui, ont mis les petits plats dans les grands et les guides sont archi-nombreux. C'est donc parti pour deux heures de visite dans un palais qui abrite l'une des plus grandes collections d'art de Rome.


La famille est célèbre pour l'amiral Marcantonio Colonna, commandant en chef de la Sainte Ligue pendant la bataille de Lépante, et on ne vous laissera pas l'oublier : une grande partie de la décoration de la grande galerie, des scènes peintes au plafond aux pieds des consoles qui prennent les traits des Turcs vaincus, est là pour rappeler que ce Marc-Antoine-ci a été l'architecte de la victoire d'une des plus grandes batailles navales de l'Histoire, excusez du peu. Autres Colonna connus, les papes Jean XII, Benoît IX et Martin V, ce dernier ayant tout de même mis fin au schisme d'Occident et ramené la papauté d'Avignon à Rome. Une certaine Marie Mancini, mariée de force à un Colonna par son oncle de le cardinal Mazarin, est également passée par là, avant de fuir Rome déguisée en homme au bout de 11 ans de mariage. On ne fait pas les choses à moitié, dans cette famille... L'avantage d'avoir un arbre généalogique vieux de 900 ans, un palais qui en a 700 et plusieurs célébrités historiques dans la famille, c'est que la collection d'art est impressionnante. La grande galerie 100 % baroque renferme de petits trésors, comme des miroirs peints ou un cabinet en ivoire en ébène qui reproduit fidèlement Le Jugement dernier de la chapelle Sixtine. Les artistes ayant signé les tableaux qui s'étalent du sol au plafond sont moins célèbres que ceux de la galerie Pamphilj, mais c'est vraiment pour chipoter...


La visite se poursuit avec les appartements de la princesse Isabelle Colonna, la nonna des propriétaires actuels, qui avait sacrément bon goût en matière de décoration intérieure et a fait refaire tous les sols en marbre pendant l'entre-deux-guerres. C'est l'occasion de découvrir les très nombreux paysages italiens de Van Wittel, que nous ne connaissions pas du tout avant aujourd'hui, mais qui en remontre largement à Canaletto en termes de panoramas. Tout est d'un goût exquis et cette visite passionnante, associée à la disponibilité et à la gentillesse des guides, fait oublier le prix prohibitif du billet d'entrée.

Les appartements de la princesse Isabelle

Toujours sous la pluie, nous prenons le chemin de ce qui est sans doute la fontaine la plus célèbre de Rome : celle de Trevi. Le temps moins qu'idéal n'empêche pas les touristes de céder à la tradition en jetant une pièce dans la fontaine en lui tournant le dos. Benjamin, maître du chaos, préfère quant à lui jeter sa pièce de face, presque en mode ricochet. Ce n'est pas en adaptant les coutumes de cette façon qu'on reviendra dans la Ville Éternelle ! Le nombre de touristes et de parapluies rend les photos assez compliquées, mais la fontaine reste particulièrement jolie en dépit du temps tout gris. Au moins, avec cette pluie, personne n'a l'idée de sauter dans la fontaine pour jouer à Anita Ekberg !


Après le déjeuner, direction l'autre palais de la journée, le palazzo Barberini, qui l'emporte haut la main sur le palazzo Colonna niveau façades, mais pas en termes d'intérieurs. La collection comporte certes plus de grands noms, mais ce palais-ci ne "vit" plus depuis longtemps et ça se sent : les salles sont immenses, ce qui est très pratique pour accrocher des tableaux monumentaux aux murs, mais il n'y a plus le moindre meuble et la visite est très froide et impersonnelle malgré l'enchaînement de chefs-d’œuvre. A l'exception de l'immense plafond à la gloire des Barberini, la décoration intérieure a disparu et la muséographie a la convivialité d'un hôpital. Heureusement qu'il y a du Lippi, du Raphaël, du Caravage bien violent, un célébrissime portrait de Henri VIII par Holbein et quelques chat  pas farouches pour compenser ! (Au bout d'une semaine, nous accusons un sérieux manque de félins...)

Henri VIII par Holbein

Pour finir la journée, petit tour par le couvent des Capucins, un ordre religieux fondé au 16è siècle et ainsi nommé en raison de la capuche pointue que porte les frères. Le petit musée présentant quelques toiles, des reliquaires, des cilices (mais quelle idée...), un habit religieux et la biographie de quelques frères célèbres n'est pas sans intérêt, mais on vient surtout pour la crypte, qui abrite les squelettes de 4 000 moines transférés là par le cardinal Barberini pour vider un cimetière situé près de la fontaine de Trevi. Plutôt que d'empiler les os façon catacombes de Paris, les Capucins ont préféré en faire des œuvres d'art, des lustres et des "moulures" particulièrement macabres. Dans chaque chapelle, plusieurs squelettes (ou momies, c'est selon l'état de décomposition) portent l'habit et rappellent de façon très peu subtile que de toute façon, on est foutu et on finira tous dans le même état. C'est à la fois horrifiant et fascinant, ce que l'expression hallucinée des deux petits garçons qui font la visite juste derrière nous confirme parfaitement. Les photos sont malheureusement interdites, mais ce lien donne une idée de ce que nous avons pu découvrir dans ces catacombes d'un nouveau genre...

Il est 16h30, fin de la journée. Sans rire, notre endurance n'est plus ce qu'elle était...

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