Parmi la palanquée de châteaux que notre "base arrière" nous permet de visiter dans les environs, nous commençons ce matin par le plus connu des amateurs de BD : Cheverny, alias Moulinsart-avec-des-ailes-en-plus. La famille Hurault, qui possède le château depuis 600 ans, a choisi de jouer à fond la carte Tintin, et ça se voit dès la boutique : les tintinophiles doivent se bousculer au portillon pour acheter figurines de collection et livres dérivés. A peine la caisse franchie, on trouve même une exposition interactive consacrée aux "Secrets de Moulinsart", et comme nous avons un peu plus d'une heure devant nous avant le repas des chiens de chasse, c'est par là que nous commençons.
Tout pareil !
L'exposition propose des reconstitutions de certains accessoires aperçus dans la BD, voire carrément de plusieurs pièces emblématiques de Moulinsart, dont le salon du château pendant l'orage (mais si, vous savez bien, le coup de téléphone et la boucherie Sanzot ?) ou le laboratoire du professeur Tournesol. Et bien évidemment, elle fait la part belle au Trésor de Rackham le Rouge et à François de Haddoque, l'ancêtre du capitaine, qui planqua son trésor dans la cave du château. Pour le plaisir, on peut même découvrir une version à taille réelle du sous-marin en forme de requin conçu par Tryphon Tournesol que Tintin utilise dans ce volume. C'est ludique, c'est mignon et ça fait forcément un petit effet madeleine.
Une fois l'expo terminée, on repasse aux choses un peu plus sérieuses, ou en tous cas plus historiques. Le potager est absolument adorable, avec ses choux et ses poireaux qui poussent au milieu des roses et des hémérocalles (ma nouvelle fleur préférée), et la salle des trophées impressionne par son vitrail illustrant la sortie d'un équipage de vénerie. En parlant de vénerie, les chiens qui tournent en rond dans le chenil d'à côté commencent à montrer des signes d'impatience ; l'apparition de tous ces humains autour de leur chez-eux est signe que l'heure du manger approche ! Mais il reste officiellement une petite demi-heure à attendre, alors pour patienter, nous allons faire un petit tour dans le parc. La partie librement accessible étant limitée (il faut prendre un petit train et un bateau pour visiter le canal et l'ensemble du domaine), nous avons vite fait le tour et nous revenons assister au repas des chiens avec environ 90 % des visiteurs présents sur le site.
On chasse toujours à courre de nos jours à Cheverny, et la meute se compose actuellement de 130 chiens... que le préposé au manger est capable d'identifier et de nommer au premier coup d’œil. Tous les visiteurs sont très admiratifs, et un peu abasourdis quand 130 chiens de chasse de pure race se jettent sur leur gamelles comme s'ils n'avaient rien mangé depuis une semaine. On passe en une seconde des aboiements frénétiques au quasi-silence, et une fois que la meute a fini de manger, il n'y a même pas besoin de nettoyer les gamelles !
Le spectacle terminé, nous pouvons passer à l'intérieur du château. Pour dire les choses simplement, si Cheverny est excitant de dehors, vu de dedans, c'est une véritable merveille. La décoration est exquise, les tapisseries qui y sont conservées sont dans un état inouï (on dirait qu'elles sont sorties des ateliers hier) et la salle d'armes, avec ses armures et ses antiques pelles à tarte, est une petite merveille. On aurait adoré la visite telle quelle, mais depuis 15 jours sont venues s'y ajouter des sculptures pas banales : des reproductions des Fables de La Fontaine en... briques Lego. Des grands classiques aux fables plus obscures, les œuvres sont éparpillées dans toutes les pièces du château, sous forme de sculptures en 3D ou de reproductions en "tableau" des gravures de Gustave Doré. C'est tout bonnement GE-NIAL et très impressionnant : certaines œuvres ont demandé des dizaines d'heures de travail pour assembler plusieurs dizaines de milliers de briques (dont aucune n'a été créée pour l'occasion, tout a été réalisé à partir de briques existantes). On aurait bien ramené la boîte de Lego "Le Lion et le rat" à la maison, mais la boutique ne l'avait pas.
Après être bien retombés en enfance pendant une heure, il ne nous reste plus qu'à explorer les jardins dits "des Apprentis", en hommage aux jeunes en difficulté qui l'ont conçu sous la direction d'une paysagiste. Ce n'est toujours pas Versailles, mais il y en a tout de même plus qu'à Chambord, et la très jolie façade arrière du château ajoute un petit côté romantique.
Comme hier, changement d'échelle pour le château suivant, à savoir Beauregard. Malgré le nombre insensé de châteaux dans la région, il n'y en a pas deux qui se ressemblent et tous ont une spécificité qui rend forcément la visite intéressante. Ici, c'est un très grand parc à l'anglaise, avec beaucoup d'arbres et peu de jardins, et surtout, une galerie de 327 portraits historiques illustrant pas moins de 315 ans d'Histoire de France, de Philippe VI à Louis XIII.
La Galerie des Illustres a été construire sur trois générations, papy s'occupant des tableaux eux-mêmes, fiston des 5 600 carreaux en porcelaine de Delft représentant l'armée de Louis XIII qui décorent le sol, et la petite-fille, du plafond peint à la poudre de lapis-lazuli. L'avantage de la pierre semi-précieuse sur le pigment bleu, c'est que ça tient mieux et que le plafond n'a pas eu besoin d'être restauré depuis environ 300 ans ! On resterait bien assis à écouter la guide raconter des anecdotes sur les tableaux et l'Histoire de France pendant deux heures, mais il y a d'autres pièces à visiter, comme le cabinet de travail du fondateur du château ou la grande cuisine et sa batterie de 80 pièces en cuivre, nettoyées une fois par an sur deux jours. De façon plus surprenante, on découvre aussi une série de portraits de chiens (et un chat) de célébrités, réalisés par un ami photographe des propriétaires du château. C'est un chouia moins classe que cette espèce de livre d'or des rois de France dans la galerie d'à côté, mais c'est original !
La visite de l'intérieur est ultra-culturelle, mais étrangement, l'extérieur l'est aussi. Dans tout le parc sont disséminés des portraits tirés de la Galerie des Illustres et des anecdotes historiques ou linguistiques. C'est parfois un peu dense, et la chaleur à la limite du supportable n'encourage pas vraiment à tout lire, mais l'idée est bonne - surtout quand on a le droit, voire l'obligation, de marcher sur la pelouse pour partir à la chasse aux informations.
Ce soir encore, nous rentrons assez tôt à l'hôtel pour nous remettre de toute cette marche en plein cagnard et laisser la chaleur de la journée s'évacuer un peu. Demain, le soleil devrait être éclipsé par des orages ; sachant que nous devons passer la journée au jardin, on ne sait pas si on doit s'en réjouir ou pas...
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