Gros, gros bond dans le temps par rapport aux sacrées vieilleries d'hier : ce matin, nous visitons les ruines de la ville franque de Mystra, bâtie en 1249 (on n'a pas dit que c'était récent, juste que c'était moins vieux !) par Guillaume II de Villehardouin, prince d'Achaïe (ou de Morée, c'est pareil), c'est-à-dire d'à peu près tout le Péloponnèse. Avec un nom comme ça, on se doute que le bonhomme n'était pas vraiment du coin : la famille de Villehardouin est originaire de Champagne et s'est arrêtée en Grèce au milieu de la 4è croisade plutôt que de participer à la prise de Constantinople. Ça leur a plutôt réussi.
Le château
Suivant les conseils avisés du Routard, nous commençons notre visite par la ville haute. Et parce qu'il vaut mieux s'attaquer aux épreuves difficiles quand on est encore frais et dispos et que les jambes sont bien reposées de la veille, on attaque la colline et ses pavés glissants pour rejoindre le château. Il y a longtemps qu'il n'y a plus rien à voir, à part quelques créneaux et des pans de murs effondrés, mais dieux que la vue est belle ! Au risque de passer pour un disque rayé avec mes histoires de paysages, la vue sur la plaine de Sparte est à couper le souffle et les montagnes enneigées qui dominent la cité sont renversantes.
Après avoir bien joué aux cabris pour photographier les montagnes sous tous les angles, il faut faire le chemin à l'envers pour découvrir les bâtiments de la ville haute. Personne ne s'est donné la peine d'entretenir les fortifications et le palais à la chute de l'Empire byzantin, mais les églises, c'est une autre histoire : ce sont les seuls bâtiments qui tiennent encore debout. Même si les fresques ont beaucoup souffert, on peut encore en admirer quelques-unes, surtout dans l'église Saint-Nikolaos.
L'autre gros morceau de la ville haute, c'est le palais du Despote (un mot qui voulait plus ou moins dire "prince" dans l'Empire byzantin, le sens a un peu changé). Il y a quelques années, il était dans le même état que le château, mais aujourd'hui, c'est un bâtiment superbe, pour ainsi dire flambant neuf. La reconstruction est financée par l'Unesco, et comme les travaux sont en cours, on ne peut pas le visiter. Mais vu le résultat, prenez tout votre temps, messieurs les bâtisseurs ; les visiteurs des années à venir auront droit à un très, très beau palais !
Après cette première approche de Mystra, notre fidèle voiture nous conduit à la ville basse, encore plus riche en églises. La plus impressionnante est celle qu'on appelle la Métropole, moins pour ses fresques et sa déco chargée que pour la dalle sculptée représentant l'aigle byzantin à deux têtes au milieu de la nef : c'est à cet endroit précis que fut couronné le dernier empereur de Byzance, Constantin Paléologue, en 1448. Sachant que l'Empire byzantin est tombé cinq ans plus tard, ça ne devait déjà plus trop être la joie à ce moment-là...
Étonnamment, l'une des églises du site est toujours utilisée par les religieuses qui vivent là. Le voisinage ne doit pas être trop bruyant, mais il faut composer avec les touristes qui se déversent sur Mystra par cars entiers en été. Nous croisons d'ailleurs une petite vieille dame encapuchonnée et toute de noir vêtue à la sortie de l'église de Pantanassa, ce qui fait un drôle d'effet. On est davantage habitués aux popes, dans ce pays !
Voilà déjà 2h30 que nous crapahutons dans la ville franque, et il est temps de penser au reste du programme de la journée, d'autant que nous n'avons aucune certitude sur l'heure de fermeture des sites (même lorsque le Routard et le site officiel du Ministère de la Culture grec vous disent 20h, ça peut être 15h, ce qui est un peu contrariant). Sans prendre le temps de déjeuner, nous prenons donc le chemin de Bassae pour visiter le temple d'Apollon Epikourios. Oui, je dis bien "le chemin" et pas "la route", car le plus gros du trajet se fait précisément sur de petits chemins sinueux - et c'est un véritable cauchemar. Le GPS n'a pas d'option "Sélectionner la route la plus sûre", et c'est bien dommage, car pour atteindre ce temple à plus de 1 000 mètres d'altitude, il joue avec nos nerfs. Pendant 45 minutes, nous avons donc droit en alternance aux virages en épingles à cheveux, aux nids-de-poules, aux pierres sur une moitié de la route, aux chèvres sur l'autre moitié et aux chemins de terre de plus en plus étroits. On prie tous les dieux du panthéon grec de ne croiser personne en face, sinon on est morts. Benjamin a beau être un excellent conducteur et avoir confiance dans sa voiture, j'ai rarement été aussi terrorisée de toute ma vie. Oui, à ce point !
L'arrivée au temple est un soulagement indescriptible, même si on ne risque pas de l'apercevoir de la route, vu que le bâtiment est recouvert par une immense tente blanche. Et un échafaudage antisismique. Et des étais de consolidation. Ces éléments de protection ont été posés en 1987 et ne risquent pas de disparaître de sitôt, car il y a encore du boulot pour consolider tout ça. Tout ce barda pourrait sembler un peu excessif, mais il y a une bonne raison à sa présence : le temple d'Apollon Epikourios est tout simplement le mieux conservé des temples grecs, et il doit le rester. Toutes ses colonnes sont pratiquement intactes, mais elles sont en calcaire, ce qui n'aide pas à résister aux intempéries. Le temple a été le premier monument grec classé par l'Unesco, et vue l'ampleur des travaux, il doit mobiliser une grosse partie du budget !
La tente (et le froid qu'il fait dessous) donne au site un aspect un peu irréel : on a l'impression de ne pas être face à un vrai temple, plutôt dans un musée, où on aurait reconstitué des colonnes pour faire comme si. Mais quand on prend le temps de réfléchir à l'âge que doivent avoir ces pierres (420 avant notre ère, a priori), l'ensemble est très impressionnant, et le travail que représente sa préservation encore plus. Mais tout ça, ce sont bien des considérations d'humains dont les chèvres se fichent pas mal : pour elles, le site est un garde-manger comme un autre et il faut leur courir après pour les chasser de là !
Histoire de prolonger un peu notre visite, nous faisons un petit tour dans le parc qui entoure le temple, mais le bâtiment étant en excellent état, on n'y trouve pas l'assemblage romantique de pierres qu'on a pu voir à l'agora d'Athènes ou au temple d'Asklépios à Epidaure. Arrive donc l'heure fatidique de reprendre la voiture pour quitter cette satanée montagne... Bon, dans ce sens-là, c'est un peu moins stressant, même si la route jusqu'à notre étape de la soirée serpente toujours un peu trop à mon goût.
Ce soir, nous logeons à Olympie (ouh le gros spoiler sur ce que nous allons visiter demain !). Notre hôtel se trouvant à proximité de la rue commerçante de la ville, nous en profitons pour faire un brin de shopping. Une bonne façon de se détendre après une journée riche en émotions !
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