Ce matin, même si nous nous sommes levés plus tôt que d'habitude pour cause de petit-déjeuner se terminant à 9h à l'hôtel, la journée commence un peu plus tard qu'à l'ordinaire car il nous faut d'abord passer à la banque récupérer des levas. Les distributeurs automatiques étant hors service, il faut patienter le temps qu'on veuille bien nous recevoir au guichet pour changer nos euros. Bon, le retard est peut-être aussi dû au fait que nous nous sommes perdus. Encore.
Les sites touristiques dans les villes ont une fâcheuse tendance à être plus difficiles à trouver qu'en pleine cambrousse, la faute à un sacré déficit d'indications. Ce matin, pour trouver le Musée de la Rose, on ne peut compter ni sur le guide, ni sur l'adresse fournie par le site Internet du musée, ni même sur le seul panneau que nous trouvons sur notre chemin (et qui, nous nous en rendrons compte par la suite, indique une direction diamétralement opposée à celle du musée ; très fort !). Nous tombons d'abord sur un musée en construction et par conséquent inaccessible au public. Un peu contrariés, nous décidons de demander des informations à la Maison de la culture, qui s'avère elle aussi fermée. Faut-il que nous soyons franchement bornés pour tenter notre chance au musée d'histoire, un peu plus loin... Victoire, on nous y apprend que le "vieux" musée est bien ouvert et que le bâtiment flambant neuf en travaux abritera bientôt le nouveau. Une dame parlant un excellent français nous explique comment nous rendre au musée, et par la même occasion, à la tombe thrace, autre étape sur notre programme. Celle-ci étant beaucoup plus près, nous changeons nos plans pour commencer par là.
La tombe d'origine, protégée des regards indiscrets
Les Thraces sont aux Balkans ce que les Étrusques sont au monde romain : on sait où et quand ils ont vécu et on trouve régulièrement des œuvres d'art signées par eux, mais c'est à peu près tout. On ne sait d'eux que ce que les Grecs et les Romains ont bien voulu nous en dire, et c'est un peu léger. Toujours est-il que l'actuelle Kazanlak est située à proximité de l'ancienne capitale thrace de Seuthopolis et qu'on a retrouvé plusieurs tombes dans les environs, dont une totalement par hasard en 1944. Vu l'âge de la chose, l'original est sous cloche et on ne visite qu'une copie, mais ça suffit pour se faire une idée du niveau artistique des Thraces. Une fois passée la horde de scolaires qui nous précède, on pénètre dans un tout petit espace circulaire dont le plafond est couvert de fresques : course de char, serviteurs, musiciens, couple royal, etc. On a vite fait le tour, mais c'est une intéressante entrée en matière, quelque part entre culture grecque et rites funéraires celtiques.
Finalement, grâce aux indications obtenues au musée d'histoire, nous trouvons le tout petit Musée de la Rose dans un bâtiment qui ne paie pas de mine à la sortie de la ville. On comprend la volonté de le déménager, mais vu ce qu'il y a dedans, on se demande surtout comment il sera étoffé pour remplir un espace plus grand !
Ce n'est malheureusement pas tout à fait la saison, mais en mai et juin, Kazanlak croule littéralement sous les roses. La rose de Damas, comme son nom ne l'indique pas, se développe particulièrement bien dans ce coin de Bulgarie et la région vit essentiellement de la production d'huile de rose. 3 000 kg de pétales pour obtenir 1 kg d'huile, quand même... Sans compter que la récolte doit avoir lieu entre 4 et 10 heures du matin, car les pétales cueillis l'après-midi perdent jusqu'à 50 % de leur teneur en huile. Le musée est minuscule mais nous auras au moins appris ça ! On y découvre surtout des photos anciennes montrant la culture de la rose au début du 20è siècle, ainsi que des outils employés il n'y pas si longtemps pour distiller l'huile et l'exporter dans le monde entier. Le tout dans une atmosphère saturée de l'odeur que vous imaginez. Heureusement que la visite n'est pas très longue, sinon ça monterait vite à la tête !
Après un détour obligatoire par la boutique, puis par un supermarché pour acheter de quoi déjeuner, nous prenons la direction du parc national de Shipka (que nous avons déjà croisé plus tôt dans notre séjour). Comme Pierre le fait remarquer toutes les 5 minutes depuis que nous avons mis le nez dehors : "Au moins, il ne pleut pas !", ce qui nous permet de visiter tranquillement les deux sites d'intérêt du parc, à commencer par le monument du col de Shipka.
Pendant la guerre russo-turque de 1877-78 (mais si, on en a parlé au jour 3), le col de Shipka fut le théâtre d'une série d'affrontements entre les Russes et les volontaires bulgares d'un côté, et les Ottomans de l'autre. La Russie a fini par l'emporter, mais une guerre ne se fait pas sans victimes (surtout quand on se bat en plein hiver au sommet d'une montagne bulgare) et ce monument est là pour leur rendre hommage. A l'intérieur, on a droit à un rappel historique (ce n'est pas du luxe...) et à une petite exposition de tableaux, de photos, d'armes d'époque et d'objets retrouvés dans les fosses communes. Dehors, c'est un paysage digne d'une pub Volvic qui nous attend et qui vaut le déplacement à lui tout seul. A cette altitude (plus de 1 000 mètres), le vent est un peu frais et il reste même des plaques de neige dans les coins que le soleil n'a pas réussi à atteindre.
Après exploration complète du site et un mitraillage photographique dans les règles, nous nous lançons sur une route en très mauvais état pour rejoindre le monument de Buzludzha, un gros machin en béton qui ressemble beaucoup à une soucoupe volante. C'est en fait un ancien centre de congrès du Parti communiste, construit en 1981 et abandonné après la chute du communisme. C'est une véritable horreur architecturale et il faut s'infliger plus de 20 minutes de marche intense pour y accéder, à tel point qu'on se demande un peu ce qu'on fiche là. Réponse très simple : c'est un lieu vraiment unique et il est peu probable qu'on revoie ça un jour dans notre vie.
Il fut un temps où le monument, même abandonné, était accessible au public, mais il est aujourd'hui tout simplement dangereux et tous les accès sont condamnés. Il faut se contenter d'en faire le tour pour déchiffrer les tags, ce qui est déjà bien car ce gros OVNI a quelque chose d'inquiétant. On se croirait dans un film post-apocalyptique, une sensation que même le superbe paysage autour n'arrive pas à faire disparaître. En tous cas, c'est un résumé parfait du communisme lui-même : grandeur, mégalomanie et décadence...
Ce soir, nous faisons étape à Plovdiv, à 2h de route de là. Le hasard fait parfois bien les choses et le restaurant juste en face de notre hôtel est tout simplement parfait en termes de nourriture et de programmation musicale. Rien de tel pour finir une grosse journée qu'une dégustation de plusieurs rakias différentes !
(Pour les curieux, on trouve d'impressionnantes photos de Buzludzha avant/après ici.)
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