On prend pratiquement les mêmes et on recommence : ce matin, nous partons pour l'autre cité médiévale du Val du Loire, Loches, à une petite heure de route de Chinon. Si c'est là-bas que Jeanne a "reconnu" Charles au milieu de ses courtisans, c'est ici qu'elle lui a soufflé qu'il serait peut-être temps de prendre la route de Reims, histoire de se donner une légitimité. C'est également ici que Charles, enfin devenu VII, installa la première favorite officielle de l'Histoire de France, une certaine Agnès Sorel. Entre la Pucelle et la favorite, c'est un peu le grand écart (sans mauvais jeu de mots...).
La collégiale Saint-Ours
Après avoir présenté nos respects à la dame de Beauté, dont le gisant et le tombeau se trouvent dans la collégiale Saint-Ours (pas sûre qu'un officier d'état civil accepterait un nom pareil de nos jours), nous commençons la visite par les logis royaux... dont la scénographie est actuellement en cours de modification. Les intérieurs sont donc fermés à la visite pour un bon moment, mais quand on a visité Chinon la veille, ce n'est finalement pas très grave. On se contente de la vue que les terrasses des logis offrent sur la ville, et on en profite d'autant plus que la météo reste au beau fixe malgré le vent. Même punition du côté du donjon : deux des tours annexes sont inaccessibles, mais très franchement, après toutes les marches d'hier, ce n'est pas plus mal ! Le gros de la visite, le donjon de 36 mètres, est suffisamment violent pour les mollets. Pour rendre toute cette masse un peu moins écrasante, un petit jardin d'inspiration médiévale a été créé au milieu des tours. C'est petit, mais c'est mignon - et ça permet d'oublier un instant que le donjon fut une prison jusqu'en 1926. Pour la minute WTF, l'ouverture à la visite s'est faite en 1910. Prisonniers inclus dans le prix du billet !
La pause déjeuner est suivie d'une petite balade digestive dans la ville médiévale, avec ce que cela implique de petites ruelles, de jolies façades et de portes d'enceinte sacrément mastoc. En début d'après-midi, direction le château de Montrésor, qui porte particulièrement bien son nom. L'extérieur ne paie pas de mine (il y a des châteaux privés autrement plus spectaculaires en Val de Loire !), mais à l'intérieur, c'est une autre histoire. Le château, qui remplace la forteresse d'origine voulue par Foulques Nerra (comte d'Anjou, fondateur de la lignée des Plantagenêt et obsédé des donjons, qui en a fait construire partout dans la région), a été racheté au milieu du 19è par un comte polonais en exil, Xavier Branicki. On ne connaissait pas non plus, mais on parle quand même du fondateur du Crédit Foncier de France, un bonhomme dont les ancêtres avaient participé à la bataille de Vienne, qui descendait en droite ligne de la Grande Catherine, avait l'oreille de Napoléon III et accueillait chez lui tout ce que la France comptait d'exilés polonais. Oui, Chopin s'est donc assis au piano, et a même composé une valse pour la belle-sœur du comte, dont il était tombé amoureux. Ça pose le niveau.
L'intérieur de Montrésor n'a pas bougé depuis la fin du 19è siècle et le fascicule de visite égrène les petites merveilles comme un catalogue de musée : le sublime escalier en acajou vient de l'Exposition Universelle, il y a un vrai Véronèse et un vrai Filippino Lippi, des pièces d'orfèvrerie issues du trésor royal polonais, de la vaisselle sauvée des Tuileries, un meuble ayant appartenu aux Médicis, la selle "vert Mahomet" d'un dignitaire turc récupérée lors de la fameuse bataille de Vienne, et surtout, surtout, près d'une dizaine de portraits de membres de la famille Branicki et de leurs copains polonais particulés peints par Franz-Xaver Winterhalter (bon, ce sont des copies, mais ça compte quand même). La dernière fois qu'on a vu autant de Winterhalter rassemblés dans un même endroit, c'était à Buckingham Palace. La surprise est de taille et je suis sur un petit nuage. (Pour remettre les choses dans leur contexte, j'ai quatre passions picturales dans la vie : la Renaissance florentine, Vermeer, les Pré-Raphaélites et Winterhalter. D'où acte.)
Les salles magnifiques et les trésors hors de prix s'enchaînent (on n'ose pas imaginer le montant de l'assurance) et notre petit classeur-guide les commente de façon presque désinvolte, comme si tout ça était bien anodin et que tout le monde possédait un portrait de l'arrière-grand-mère par Winterhalter. Plus encore que cette succession de merveilles, c'est la "normalité" de leur présentation qui nous frappe : chez les Branicki, la classe et le bon goût faisaient partie de la vie de tous les jours, et leurs descendants ne font pas davantage de chichis. Nous sommes complètement soufflés par la visite, et si vous passez dans la coin, nous la recommandons les yeux fermés. Le tour du domaine se termine sur un petit belvédère qui domine l'Indrois et Montrésor, l'un des "plus beaux villages de France", avec ses petites ruelles et ses jardins privés tout en longueur qui mènent à la rivière. Encore une fois, on a bien fait de s'éloigner un peu des sentiers battus !
Retour sur Loches pour la nuit. La journée aura été courte, mais on a une fâcheuse tendance à oublier que les vacances sont censées être faites pour se reposer...
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