mercredi 25 avril 2018

Châteaux de la Loire, jour 3 (semaine 2) - Ussé, Fontevraud et Brézé

Le temps estival ne pouvait raisonnablement pas durer tout le mois d'avril, et c'est sous un ciel franchement plombé que nous prenons la route de Rigny-Ussé pour le premier château du jour. Si cette ravissante demeure privée ressemble à un château de conte de fées, c'est normal : c'en est un ! C'est en effet là qu'un certain Charles Perrault mit en scène La Belle au bois dormant, bien avant que Disney ne s'inspire du château de Neuschwanstein pour l'adaptation en dessin animé, son logo et ses parcs d'attraction. Prends ça, Louis II de Bavière !


Les propriétaires ont fait les choses en grand et ont également ouvert au public leur superbe chapelle gothique-Renaissance, la sellerie et les caves troglodytes, peuplées de mannequins en plein pressage. On est dans une région viticole et on ne vous laissera pas l'oublier ! A l'intérieur, les châtelains ont fait le choix de se passer d'artistes contemporains et de mettre leur délicieux mobilier 18è en valeur avec des costumes allant de la Régence aux années 1930. Thème de cette année : les vêtements d'été (traduction, les femmes portent toujours douze épaisseurs de jupes, mais dans des tissus légers). Autant dire que la touriste qui entretient une légère passion pour les crinolines, les robes à tournure et les chapeaux cloche (= bibi) en a pour son argent !


Evidemment, quand on a accueilli La Belle au bois dormant, on est presque obligé de jouer dessus, et c'est exactement ce que les propriétaires ont fait : le chemin de ronde est bordé de reconstitutions de scènes du conte, avec mannequins supplémentaires et robes qui brillent à gogo, qui font complètement oublier de regarder le paysage à l'extérieur. La balade nous fait traverser un grenier aux vieilleries couvertes d'environ dix centimètres de poussière, qui donne l'impression que tout ça n'est guère plus qu'une maison bourgeoise familiale ayant un jour vu passer un auteur célèbre. Ussé est un château adorable, mais il n'est pas réputé pour ses jardins, et c'est tant mieux pour nous : la pluie vient nous rappeler que nous sommes censés ne pas nous découvrir d'un fil, et nous bien contents que les jardins soient petits. Le temps de faire quelques photos extérieures, et nous battons en retraite vers la voiture.

Fontevraud

Tous ces châteaux, c'est bien gentil, mais il n'y a pas que ça dans la région. Prochaine arrêt, donc, l'abbaye de Fontevraud, fondée en 1101 par un prédicateur breton super en avance sur son temps, qui voulait absolument en faire un ordre mixte, puis double, avec une femme aux manettes et des moines subordonnés aux moniales. Le concept d'égalité des sexes étant un peu révolutionnaires au 12è siècle, ça ne passe pas bien, mais le bonhomme tient bon, et l'abbaye passera aux mains de 36 abbesses différentes jusqu'à la Révolution. Girl power! Tout ce petit monde est mis dehors par les révolutionnaires, et en 1804, Napoléon fait main basse sur Fontevraud pour en faire une prison. Voilà pour la partie histoire.


Côté visite, nous sommes presque déçus de la sobriété des lieux, mais nous n'avions pas compté sur le fait que l'abbaye avait servi de "lieu de privation de liberté" jusque dans les années 1960. Les prisons ne sont pas exactement connues pour être des lieux riants et colorés... Mais il reste tout de même quelques beaux endroits à voir, comme la salle capitulaire, avec ses superbes peintures, ou les gisants de l'église. C'est que Fontevraud, en tant que nécropole des Plantagenêt, accueille du beau monde : Aliénor d'Aquitaine et son deuxième mari, Henri II d'Angleterre, Richard Cœur de Lion, et Isabelle d'Angoulême, épouse de Jean Sans Terre. C'était l'époque où France et Angleterre s'inter-épousaient allègrement et où cela n'entraînait pas de guerre de succession centenaire... Quant au cloître, c'est généralement l'endroit le plus joli de n'importe quel monastère, et celui-là ne fait pas exception à la règle. Surtout quand le soleil daigne enfin montrer le bout de son nez.

Selon notre programme, nous aurions dû nous arrêter là, mais une brochure récupérée par hasard à Ussé nous pousse à faire une escale supplémentaire au château de Brézé, à moins d'un quart d'heure de l'abbaye. On nous promet "un château sous un château", et il s'avère que ce n'est pas de la publicité mensongère ! Brézé est en fait la plus grande forteresse souterraine d'Europe, et il y a, sans exagération aucune, plus de choses à voir en dessous qu'au-dessus.


La visite ne permet de découvrir "que" 1,5 km de souterrains, mais ce sont en tout 28 000 m² de tunnels qui serpentent sous le château. Les seigneurs de Brézé étaient des monomaniaques de la sécurité et avaient mis en place un système de défense digne d'un épisode d'Indiana Jones, à base d'échauguettes, de bouches à feu et de meurtrières au fond des douves sèches de 18 m de profondeur. Sans compter les salles de la vie quotidienne d'un château largement troglodytique, entre écuries, boulangerie, magnanerie (là où on élevait les vers à soie) et... caves à vin, forcément. La balade au milieu des douves est une expérience unique et forcément impressionnante. On n'aimerait pas être à la place de la piétaille envoyée prendre la place !


Le dedans, avec les appartements du tonton évêque de la famille et la chambre dédiée à Richelieu, est beaucoup plus raffiné, mais malheureusement, les photos y sont interdites. Encore une belle découverte faite complètement par hasard ! On se demande comment le Routard a pu passer à côté, avant de réaliser que Brézé, comme Fontevraud, se trouve en Maine-et-Loire et que ce département n'est pas traité dans le guide. Il faut croire que la concentration de châteaux dans le coin est légèrement moindre que dans les départements voisins.

Retour à Fontevraud-L'Abbaye pour notre étape de la nuit. Ce soir, nous dormons "Chez Teresa", un petit bout d'Angleterre en territoire angevin. La façade de ce minuscule salon de thé/restaurant/brocante/maison d'hôtes à une seule chambre annonce la couleur : la déco est excessivement British (points bonus pour les reproductions préraphaélites aux murs) et on vous accueille en vous proposant a cup of tea. Ça tombe bien, il est 17h30 et je suis en sevrage de thé depuis trois jours ; le tea time et la bascule quasi-obligatoire vers la langue de Shakespeare sont donc particulièrement bienvenus. Et pour le dîner, nous n'avons qu'à traverser le palier pour passer de notre chambre à la salle à manger. Entre l'accueil, l'atmosphère et la nourriture, on recommande fortement !


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire