Faire le déplacement en Norvège en plein mois de mars n'est pas exactement une décision digne de gens censés, mais pour notre défense, 1) nous ne sommes pas des gens censés, et 2) ce n'est pas nous qui avons choisi la date.
Tout commence en -1 av. l'apocalypse zombie (en 2019, donc, pour ceux qui préfèrent utiliser le calendrier normal), lorsque Benjamin reçoit une newsletter de PADI faisant l'éloge du centre de plongée norvégien Gulen Dive Resort et de son "safari nudibranches". Une semaine de plongée dans un fjord qui abrite 80 des 130 espèces de nudibranches recensées en Norvège ? Il n'en fallait pas plus pour que le fanboy des mini-mollusques colorés se mette en tête de s'offrir un appareil photo sous-marin et de se former à la plongée en combinaison étanche (parce qu'il faudrait être un brin suicidaire pour plonger en combi humide dans un fjord au mois de mars) pour se joindre au safari. 2020 et 2021 n'ayant pas été les meilleures années qui soient pour les voyageurs, nous avons dû attendre l'été 2022 pour nous former, et 2023 pour le safari proprement dit. Le safari n'ayant lieu qu'une semaine par an, il s'agissait de ne pas louper le créneau.
L'été dernier, après notre deuxième et dernière journée de stage aux Orcades, j'écrivais naïvement ceci : "Après une deuxième plongée particulièrement réussie et une bordée de compliments de la part de notre divemaster (il paraît qu'on gère la combi étanche et que nous sommes particulièrement bons pour économiser de l'air ; merci, on prend !!), nous sommes fiers de pouvoir dire que nous avons chopé la technique, même si l'eau à 13 °C reste un sacré challenge. Safari nudibranches en Norvège, nous voilà !!" En fait non. Nous n'avons pas "chopé la technique". Ou si nous l'avons chopée, nous n'étions plus trop sûrs de savoir où nous l'avions rangée quand est venu le moment de nous mettre à l'eau à Gulen.
Nous l'avons appris à nos dépens, le safari nudibranches de Gulen Dive Resort est conçu pour les plongeurs ultra expérimentés et/ou les obsessionnels de la photo sous-marine, et pas pour les plongeurs du dimanche dans notre genre. Entre le matériel de location mal adaptée, la plongée étanche que nous étions loin de bien maîtriser, l'eau à 6 °C, la visibilité épouvantable due à une apparition précoce du plancton et l'absence de divemaster, nous étions totalement hors de notre élément. En un mot comme en 100, nous n'avions absolument pas le niveau requis. Jusqu'à l'avant-dernier jour, nos plongées ont donc été davantage consacrées à gérer notre flottabilité, à chercher notre chemin et à éviter de mourir d'hypothermie qu'à la chasse aux nudibranches. Cela dit, nous sommes fiers de ne pas avoir abandonné et d'avoir pu enregistrer un temps de plongée de 45 minutes le dernier jour.
Si nous avons surtout passé notre temps sous l'eau à nous battre contre notre matériel et les lois de la physique, nous avons tout de même pu profiter un peu de la faune locale, dont les fameux nudibranches (45 espèces collectées par de bien meilleurs plongeurs que nous cette année), de gros oursins et une floppée de grosses d'araignées de mer. Nous avons même eu l'occasion d'apercevoir un phoque dans le fjord par la fenêtre de notre logement un midi. Moins exotique que les orques qui passent parfois dans le coin en cette saison, mais aussi beaucoup moins dangereux pour ceux qui ont la drôle d'idée d'aller se mettre à l'eau plusieurs fois par jour...
Nous avons débusqué des nudibranches dans la nature et nous avons les photos pour le prouver, mais ce safari était surtout l'occasion de ramener lesdits nudibranches sur la terre ferme pour les coller sous un microscope. Car le séjour n'était pas seulement sportif, mais aussi éducatif : entre deux plongées, les participants étaient invités à assister à des cours maigistraux dispensés par des spécialistes des nudibranches et à étudier les caractéristiques de ces drôles de mollusques à la loupe. Il n'y a pas à dire, le nudi au zoom x40 sur le plancher des vaches, c'est plus facile à immortaliser que sous l'eau...
Même si nous n'y étions clairement pas à notre place, ce safari nudibranches aura surtout été captivant grâce aux interventions de scientifiques passionnés, qui viennent à Gulen tous les ans depuis 2010 pour dispenser leur science, encourager la science citoyenne et faire des découvertes majeures. Plusieurs nouvelles espèces ont ainsi été découvertes en un peu plus de 10 ans dans ce fjord perdu à 2h30 de route au nord de Bergen, et les propriétaires du lieu sont fiers d'avoir donné leur nom à deux d'entre elles !
Benjamin voulait voir des nudibranches. Nous n'étions pas assez bons plongeurs pour en profiter pleinement dans leur habitat naturel, mais son petit cœur de scientifique aura malgré tout été comblé par l'aspect plus théorique de ce séjour un peu particulier.
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