lundi 1 juin 2015

Malte, jour 10 - La Valette

Pour la première fois (me semble-t-il) depuis le début de nos pérégrinations de par le monde, nous n'avons pas commencé notre séjour par la capitale. La Valette, nouvelle capitale de Malte après la destruction de l'ancienne lors du Grand Siège de 1565, c'est donc pour aujourd'hui, sous un soleil qui tape dur. J'espère que vous aimez les chevaliers, parce qu'on ne va parler pratiquement que de ça !

Après avoir garé notre voiture hors les murs (on ne peut entrer dans La Valette en voiture que si on y réside), nous commençons par LE site touristique de Malte, celui où tout le monde s'arrête et où les groupes se marchent dessus : la co-cathédrale St Jean (le Baptiste, celui qui a fini avec une tête en moins et donne son nom aux Chevaliers de Malte de l'Ordre de St Jean de Jérusalem). Alors. Comment dire... A l'instant où on pose l'orteil sur le seuil de la cathédrale, on comprend pourquoi les touristes s'y déversent par cars entiers. En fait, les mot nous manquent pour décrire le lieu. Nous sommes même tellement sidérés que nous restons les bras ballants à l'entrée pendant cinq minutes avant de nous rappeler qu'il faudrait faire quelques photos.



Cette cathédrale est l'église la plus spectaculaire que nous ayons jamais vue. Nous ne sommes pas encore allés à Rome, donc le podium peut changer dans les années à venir, mais pour l'instant, St Jean est sur la première marche, et de très loin. Prenez le bling des églises baroques que nous avons visitées à Malte jusqu'à présent, multipliez par le pouvoir et la richesse des Hospitaliers, et vous obtenez ce résultat. Pas un centimètre carré qui ne soit dans un matériau précieux ou recouvert d'or. La voûte est intégralement peinte. Le pavement se compose de 374 pierres tombales. Les chapelles réservées aux différentes langues de l'Ordre (Allemagne, Italie, France, Auvergne, Provence, Aragon, etc.) rivalisent de peintures de leurs saints patrons et de monuments funéraires à la gloire des différents Grands Maîtres. C'est tout simplement inouï de luxe et de richesse. Ahurissant.



Et comme si cela ne suffisait pas, il y a le musée qui va avec. Les photos étaient interdites, et ça peut se comprendre : moi non plus je ne voudrais pas qu'on prenne de photos chez moi si j'exposais des originaux du Caravage... A côté de ça, les tapisseries flamandes d'après des cartons de Rubens et les vêtements sacerdotaux brodés de fil d'argent légués par les Grands Maîtres font presque figure de détail !


La Décollation de St Jean-Baptiste, par le Caravage
Parce que ça en vrai et en grand, c'est beau...

Après la catégorie "ordre religieux", nous passons à "ordre militaire". Le palais des Grands Maîtres des Hospitaliers abrite une armurerie bien fournie qui permet de faire le tour de tout ce dont les chevaliers se sont équipés depuis le 16è siècle pour faire très mal aux infidèles d'en face. La collection d'arbalètes, d'épées, d'armures et de canons est très impressionnante. Et contrairement à l'armurerie que nous avions visitée à Vienne, où les rares explications étaient en allemand, l'audio-guide est en français et nous permet de comprendre à quel type d'arme nous avons affaire. Les éléments les plus drôles restent ces casques qu'on dirait sortis d'un film de SF des années 50, et les armures toutes bosselées d'avoir été testées contre des balles de mousquets.



Dans le même palais, qui fut autrefois le QG des Hospitaliers et dont un bout abrite aujourd'hui les bureaux présidentiels, on trouve les salles d'apparat de l'Ordre. On découvre ainsi la chambre du Conseil, très sombre et interdite aux photos pour protéger les tapisseries qui l'ornent, la salle du Trône (carrément) avec ses fresques relatant le Grand Siège, et le salon des Ambassadeurs, dont le décorateur était obsédé par le rouge. Mais ce qui impressionne surtout, ce sont les couloirs. C'est sans commune mesure avec la co-cathédrale, bien sûr, mais ici aussi, tout est peint (y compris ce qui aurait pu être sculpté) du sol au plafond. Avec les armures le long des murs, on est carrément dans l'ambiance.



Après un déjeuner rapide à base de panini maltais, nous courons littéralement à la Casa Rocca Piccola pour assister à la visité guidée de 13h. La maison appartient à une trèèèèès vieille famille de l'île, les marquis de Piro, qui y vivent d'ailleurs encore aujourd'hui (il arrive même que monsieur le marquis fasse le guide). Comme chaque membre de la famille à travers les années s'est mis en tête de collectionner des choses différentes, c'est un peu une maison-musée qu'on découvre : il y a des tableaux modernes, des pièces de jeu d'échecs, des cannes, des miniatures en argent... Il y a aussi et surtout des meubles ramenés d'Italie (la famille de Piro est de là-bas à l'origine), des horloges à une seule aiguille, des chandeliers de Murano, des abris anti-aériens construits pendant la dernière guerre pour abriter la famille et les voisins... et Kiku, un joli perroquet bleu et jaune, qui ne parle pas beaucoup mais qui fait le beau pour les photos. Monsieur le 9è marquis de Piro (Nicholas de son prénom) a beau avoir un sacré titre, la plus jolie maison de La Valette et le 06 d'Elizabeth II, c'est un homme tellement normal qu'il vous demande à la fin de la visite si vous avez apprécié ce que vous avez vu, vous explique que sa maison "relique" doit être préservée et vous demande si vous voulez tenir son perroquet. Merci, mais non merci, je ne veux pas d'un bec pareil à proximité de mes doigts !


La salle à manger d'été

Après cet intermède quasiment sans chevalier (le marquis en est un, même s'il y a beaucoup moins d'armure aujourd'hui), retour dans le vif du sujet avec le fort St Elme. Lors du Grand Siège, il fut défendu pendant un mois par 1 500 Hospitaliers face à 40 000 Ottomans avant de tomber. Lesdits Ottomans ayant ensuite subi un méchant revers, perdu les trois quarts de leur armée et finalement tourné casaque, l'honneur est sauf. Nous ne sommes que le 1er juin, et à cette heure de la journée, le fort est écrasé de soleil ; on ose à peine imaginer ce qu'ont dû subir des gars en armure en plein mois d'août...

Nous faisons ensuite un détour par les Lower et Upper Barraca Gardens, de rares oasis d'ombre et de fraîcheur dans une La Valette qui cuit sous le soleil. Avec leurs fausses ruines de faux temple romain, leurs fontaines et leurs arcades qui donnent sur les Trois Cités, de l'autre côté du port, ce sont de petits jardins du 18è très reposants, aménagés au-dessus des fortifications. Tout ce vert détonne un peu au milieu d'une ville toute en calcaire, mais c'est vraiment très joli.


Lower Barraca Gardens

Pour terminer notre journée thématique, nous passons devant l'auberge de Castille, de Leon et du Portugal. Les auberges, pour les Hospitaliers, sont en fait des "casernes-couvents", et ce concept est tellement génial qu'on se demande pourquoi on est allé chercher un autre nom. Les chevaliers s'y réunissaient selon leur langue, car à l'époque, c'était plus important que la nationalité (rappelons qu'on parlait espagnol aux Pays-Bas). Cette auberge de Castille, qui ne se visite pas car elle abrite aujourd'hui les bureaux du Premier ministre, devait rendre les autres langues de l'Ordre très jalouses...



Fin de l'exploration pour aujourd'hui. Pas peu fiers de notre marathon, nous faisons une pause pour déguster un sorbet (enfin, six dans le cas de Benjamin ; quelle idée de proposer un nombre illimité de parfums dans une même coupe de glace !), puis nous rentrons à notre hôtel à Sliema. L'Imperial Hotel, c'est l'incarnation de l'Empire britannique des années 30, ambiance Hercule Poirot en vacances. Ce soir, nous avons eu beaucoup moins de mal à y accéder ; hier, nous avons passé 20 bonnes minutes à tourner dans Sliema avant de seulement nous en approcher, car deux rues sur trois sont en sens interdit, ce qui complique un peu la circulation...

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