lundi 21 avril 2014

Japon, jour 12 - Koya-san

La punition divine continue ce matin... Heureusement que nous avons un peu de route pour mettre de la distance entre nous et tous ces nuages ! L'inconvénient d'avoir bouclé en une journée le programme de deux, c'est que nous devons refaire en sens inverse une partie du trajet déjà faite hier. Le trajet de Kumano jusqu'à Koya-san nous prend donc 4 bonnes heures au lieu des 2h30 initialement prévues, mais il faut bien avancer !

Nous arrivons à Koya-san sur le coup de 14 heures, et malgré cela, la journée réussira à être particulièrement remplie. Koya-san, c'est la plus grande cité monastique du Japon, le repaire d'un millier de moines disséminés dans une centaine de monastères. Si on devait se risquer à des comparaisons hasardeuses, on pourrait qualifier le lieu de Saint-Jacques-de-Compostelle du Japon. On commence très fort avec le complexe sacré Danjo Garan, un site auquel le guide Michelin attribue de façon incompréhensible une seule étoile (contre trois pour les temples Ikea d'Ise-shima). Nous, on lui en donnerait bien cinq.



Les bâtiments Danjo Garan font partie de ces innombrables édifices japonais en bois détruits par le feu entre 5 et 7 fois depuis leur apparition. Ils ont été reconstruits à chaque fois, pratiquement à l'identique. Au 19è siècle, certaines personnes avec deux sous de jugeote on finit par se dire que le bois, c'était bien gentil, mais que le béton armé plaqué bois avait beaucoup moins de chances de finir en cendres. Ajoutez une couche de peinture vermillon par-dessus, et on n'y voit que du feu. La grande "stupa" (la pagode) est de toute beauté et tranche sérieusement au milieu des autres bâtiments plus sobres.



Ladite pagode renferme une grande statue dorée du Bouddha cosmique, entourée de quatre statues un chouia plus petites mais tout aussi dorées, qui font se décrocher la mâchoire du pauvre visiteur que personne n'a prévenu. Quand on prend le temps de s'asseoir devant une statue pour la contempler, c'est que ça en vaut vraiment la peine. Mais il faudra que vous nous croyiez sur parole, parce que les photos sont interdites et que nous sommes trop bien élevés pour passer outre...

Après Danjo Garan, place à Kongobu-ji, le quartier général de la secte bouddhique Shingon. Moins grandiose que le précédent (tout le monde ne peut pas avoir 5 Bouddhas dorés chez soi), l'ensemble a le mérite d'être visitable et intéressant. Et je ne dis pas ça parce qu'on nous offre du thé et des gâteaux en plein milieu du temple... La visite explique comment le très saint Kobo Daishi a ramené le bouddhisme Shingo de Chine en l'an 815 et décidé de fonder un monastère à Koya-san. On découvre également un très beau jardin de cailloux, le plus grand du Japon, censé représenter deux dragons dans une mer de nuages (vu du ciel, sans doute ; nous, pauvres mortels, on n'y voit qu'une jolie disposition de rochers), ainsi que des portes coulissantes toutes peintes par des maîtres (là encore, photos interdites). C'est absolument ravissant et on a envie de jeter le Michelin au feu pour n'avoir donné à l'ensemble qu'une seule étoile.



Après une tentative ratée de visite du mausolée Tokugawa, fermé 10 minutes avant l'heure (si même les Japonais se mettent aux horaires de la Poste, maintenant...), nous prenons la direction de la nécropole de Koya-san, Okuno-in. Ce cimetière géant abritant 200 000 tombes, nous n'aurons évidemment pas le temps de tout voir, mais le petit échantillon que nous découvrons est suffisamment sidérant. Le très, très ancien côtoie l'ultra-moderne sous les frondaisons des cyprès, et la brume s'invite au bon moment pour donner à l'ensemble un aspect fantomatique. Nous sommes à peu près aussi touchés et impressionnés que dans le carré juif du cimetière de Vienne, qui était resté une référence pour nous en matière d'émotion et de tranquillité.



On y croise un nombre impressionnant de statues, certaines en parfait état, d'autres tombées, ou couvertes de mousse, ou décapitées, ou tout simplement farfelues (que fiche ce poisson ici ?!). Il y a des tombes modestes et émouvantes, il y a des grands de ce monde enterrés dans de véritables mausolées, et il y a des horreurs qui n'auraient pas dû être autorisées, telle cette fusée, érigée par une entreprise aéronautique. Et encore, nous n'avons pas trouvé la tasse qui symbolise une compagnie de café, ou le monument construit par un fabricant d'insecticides pour demander pardon aux fourmis (véridique. Vous avez le droit de rire). Mais le bâtiment le plus imposant de la nécropole est Toro-do, le hall aux mille lanternes, où brillent en continu des milliers de lanternes offertes par les fidèles, pour certaines depuis plusieurs siècles. Dans la lumière déclinante, c'est un véritable enchantement (pas de photos, blah blah, vous commencez à connaître).



Juste derrière, on trouve la crypte qui abrite Kobo Daisha, entré en méditation éternelle il y a 1 200 ans. Les croyants sont absolument convaincus que le saint est toujours vivant et qu'il médite pour toute l'éternité. Et pour lui demander d'intercéder en faveur des mortels, on offre au bonhomme deux repas par jour, des vêtements et un éventail en été. Apparemment, la méditation n'empêche pas d'avoir des besoins très basiques...

Ce soir, pour coller au plus près à l'ambiance locale, nous logeons dans un temple-auberge, tenu par des moines, donc. Nous nous attendions à quelque chose d'intimiste et sommes surpris de découvrir un très grand établissement qui tient beaucoup plus de l'hôtel que de l'auberge. En revanche, le côté "temple" est bien là : les tenanciers sont des bonzes, les bains sont partagés (on y prend goût, en fait !) et le dîner végétarien se compose de... trucs. En dehors du riz, de l'orange et des tempuras, nous n'avons pas la moindre idée de ce que nous avons mangé, mais nous l'avons mangé ! Et demain, cérémonie religieuse et petit-déjeuner toujours végétarien à 6h30. Eeeeuh... d'accord. Comme on dit, à Rome, il faut faire comme les Romains !

Possible overdose de statues !

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